L’attentat perpétré samedi à Moscou contre Daria Dougine, la fille d’un proche de Vladimir Poutine, a touché les nationalistes russes en plein cœur. On ne sait toujours pas qui est à l’origine de cette attaque contre la personnalité anti-Ukraine, mais il est fort probable qu’il s’agisse d’une action de résistance.
L’attentat a été attribué à l’organisation clandestine russe Armée républicaine nationale (NRA) par le Russe en exil Ilya Ponomarev. Il a déclaré dans une vidéo: «Cet attentat ouvre une nouvelle page de la résistance russe face à Vladimir Poutine. Une nouvelle page, mais pas la dernière.»
Cette attaque ciblée représente-t-elle une intensification de la résistance contre Vladimir Poutine? Il est difficile d’obtenir une réponse à cette question: même les experts en sécurité basés en Suisse ne veulent pas se mouiller, estimant que l’on ne peut «que spéculer».
L’expert de la Russie Ulrich Schmid, professeur à l’Université de Saint-Gall, se montre ainsi prudent. «Sur la NRA, nous n’avons que ses propres déclarations à disposition. Elle indique elle-même avoir été créée en avril pour résister à Vladimir Poutine et s’opposer à la guerre en Ukraine», explique-t-il à Blick.
L’éminent académicien de 56 ans relève en tout cas que l’attentat contre Daria Dougine a été mené «de manière très professionnelle». Ce qui n’est pas forcément étonnant, puisque la NRA est composée d’anciens officiers et militaires russes.
Seul contre tous à la Douma
Que sait-on d’Ilya Ponomarev, le porte-parole de l’organisation? Cet entrepreneur dans l’informatique, blogueur à succès, a siégé deux législatures à la Douma pour le parti nationaliste de gauche Справедливая Россия («Russie juste»), avant de rejoindre l’Alliance des Verts. En 2011, il a participé à l’organisation des protestations après les élections législatives et en 2014, il a été le seul député de la Douma, qui compte 450 membres, à voter contre l’annexion de la Crimée.
En 2016, il aurait fui aux Etats-Unis. Motif: une enquête à son encontre pour détournement de fonds au centre d’innovation Skolkovo, la Silicon Valley russe. Il est également le fondateur de la chaîne de télévision February Morning, critique à l’égard de la guerre. L’homme politique, âgé aujourd’hui de 47 ans, vivrait actuellement à Kiev avec un passeport ukrainien.
Depuis le début de la guerre, la Russie fait face à une série de déraillements de trains. Entre mars et juin, 63 convois de marchandises sont sortis des rails. Si les autorités évoquent des «erreurs techniques», des activistes affirment qu’il s’agit d’actes de sabotage visant à empêcher les transports de chars et d’autres matériels de guerre vers l’Ukraine.
Plus d’une vingtaine de tentatives d’incendie contre des centres qui recrutent des soldats ont également été enregistrées. Une vidéo montre par exemple un individu cagoulé lançant une série de cocktails Molotov dans l’entrée d’un bâtiment.
D’autres attentats annoncés
La NRA est la seule organisation de résistance à s’être manifestée publiquement jusqu’à présent. «Je ne connais aucun autre mouvement organisé de résistance en Russie», relève Ulrich Schmid. Ce n’est pas étonnant: quiconque fait de la résistance fait face à un danger extrême pour sa vie.
«Des peines draconiennes planent sur toutes les activités allant à l’encontre des intérêts de l’Etat russe», insiste le chercheur. Peu après la guerre, une loi a été votée pour punir les fake news concernant l’armée russe. Elles sont passibles d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 15 ans, ainsi que de lourdes amendes.
Cela ne décourage pas la NRA. Ilya Ponomarev a laissé entendre que d’autres attaques auraient lieu dans les mois à venir, par exemple contre des fonctionnaires du gouvernement et des membres de l’appareil de sécurité qui seraient des «hommes de main» de Vladimir Poutine.
Toutefois, certains doutent de l’existence réelle de la NRA en tant qu’organisation de résistance. Le correspondant à Moscou de «Die Welt», Pavel Loshkin, écrit par exemple que la NRA pourrait tout autant être un projet des services secrets russes afin de justifier la mobilisation de masse dans la guerre en Ukraine.