Les images nous assomment. Elles sont dans nos têtes. Les revoici rediffusées, à l’occasion de la commémoration de la tragédie du 7 octobre 2023. Ces images sont celles qui ont engendré la terrible riposte israélienne, dès le 8 octobre. Elles sont aussi celles sur lesquelles comptaient les commandos terroristes du Hamas pour galvaniser le mouvement palestinien, et au-delà le soutien des pays arabes. On connaît la suite: seul le Hezbollah libanais a frappé l’État hébreu en solidarité avec Gaza. Pour aboutir à l’ouverture d’un second front par Tsahal au sud-Liban, où les frappes israéliennes sont continues et menace de faire écrouler ce pays où l’État est déjà terriblement absent, plongeant la population libanaise dans l’angoisse d’une guerre totale.
Mais il n’y a pas que les images. Il y a aussi les mots. Ceux des auteurs, essayistes, journalistes, rescapés, politologues, qui veulent nous faire comprendre les ressorts de cet engrenage de haine. Blick en a lu cinq, parmi les nombreux titres publiés. Cinq livres à ne pas rater car ils disent à la fois l’énormité et la complexité de ce qui se déroule depuis un an, entre Gaza, Israël, le Liban sud, les États-Unis et la communauté internationale, réduite à l’état de spectatrice désemparée.
«Les assiégés» sont le récit, minute par minute, de cette journée fatale du 7 octobre 2023 durant laquelle plusieurs dizaines d’Israéliens, pour la plupart des festivaliers de «Super Nova», se sont réfugiés dans un abri anti-roquettes construit dans le désert. Sa force est de tout retracer. Nous sommes au cœur de l’événement. Les miliciens du Hamas sont aux portes de cet abri de béton, à l’intérieur duquel tous attendent une mort qu’ils croient certaine. Le moment le plus terrible, celui qui dit tout de la haine, est l’instant où l’un des jeunes venus s’éclater et danser, citoyen israélien musulman, s’avance vers les terroristes pour tenter de les dissuader de semer la mort. Il est tué. La haine l’a emporté. Plus rien ne peut l’arrêter.
Mécanique de l’horreur
«Samedi Rouge» revient sur la mécanique de l’horreur. Nous sommes, avec les auteurs, dans la garnison de l’armée israélienne chargée de la surveillance de Gaza, soudain prise d’assaut par les combattants endurcis du Hamas. Nous sommes dans les véhicules civils empruntés par les réservistes qui se ruent sur place, armés, pour venir au secours des civils qui peuvent encore être sauvés. Le plus fort est de réaliser combien les distances sont courtes. Israël est un mouchoir de poche au plan géographique. Quelques dizaines de kilomètres séparent l’horreur du 7 octobre de Tel-Aviv. A lire pour comprendre la rage qui s’est emparée, il y a un an, de la société israélienne.
«Le livre noir de Gaza» est un bilan accusateur, incontestable, irréfutable, de la destruction systématique de l’enclave palestinienne par l’armée israélienne. La chercheuse Agnès Levallois, qui l’a coordonné, était ce week-end aux rencontres Orient-Occident de Sierre (VS). Tous les documents réunis, compilés, vérifiés, sont des rapports des organisations humanitaires enracinées sur place, à Gaza. Ils disent l’horreur que Benjamin Netanyahu n’admettra jamais. La guerre sans fin d’Israël se déroule ici, sur ces 360 kilomètres carrés où vivaient, avant le 7 octobre, 2,2 millions de Palestiniens.
Exception israélienne
«L’impossible État normal» est un livre plaidoyer. Le politologue israélien Denis Charbit est une voix écoutée sur le plan international. Son ouvrage très argumenté prend de la distance et s’interroge sur la capacité de son pays à s’intégrer, un jour, complètement à la communauté internationale à laquelle il doit son existence. La réponse? Non. Denis Charbit défend une exception israélienne qui fera bien sûr bondir ceux qui, en retour, exigent un État palestinien. Comment ces deux États pourraient un jour cohabiter en paix? On referme le livre avec une grande tristesse, tant cela paraît impossible.
«Le grand aveuglement» est un classique. Son auteur, Charles Enderlin, l’a de nouveau complété. La thèse de ce journaliste qui connaît tout d’Israël est que l’État hébreu est aujourd’hui otage d’une extrême-droite religieuse messianique dont le meilleur allié n’est autre que le Hamas ou le Hezbollah. Il faut se plonger dans ce livre pour comprendre les racines de l’actuel conflit, dans lequel Israël porte, selon l’auteur, une très lourde part de responsabilité.
A lire:
«Samedi rouge» de Daniel Haïk (Ed. Archipel)
«7 octobre, année zéro» de Guillaume Auda (Ed. Cherche Midi)
«Les assiégés» de Hervé Deguine et Nitzan Horowitz (Ed. Cherche Midi)
«Israël, l’impossible État normal» de Denis Charbit (Ed. Calmann Levy)
«Le grand aveuglement» de Charles Enderlin (Ed. Albin Michel)
«Le livre noir de Gaza» coordonné par Agnès Levallois (Ed. Seuil)