Le discours de Poutine décrypté
La mobilisation partielle de la Russie est une déclaration d'échec

Vladimir Poutine veut mobiliser 300'000 soldats supplémentaires pour la guerre contre l'Ukraine. Que signifie cette mobilisation partielle, et quel est le danger qu'elle véhicule? Blick répond aux principales questions.
Publié: 21.09.2022 à 14:45 heures
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Dernière mise à jour: 21.09.2022 à 14:48 heures
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Vladimir Poutine prévoit des renforts: de nouveaux soldats doivent être appelés de tout le pays.
Photo: keystone-sda.ch
Guido Felder

Après l’annonce d’une possible annexion de nouveaux territoires ukrainiens via des scrutins décriés, le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, a décrété une mobilisation partielle et mis en garde les autres États contre des attaques sur le territoire russe. «Si l’intégrité territoriale de notre pays est menacée, nous utiliserons absolument tous les moyens à notre disposition pour protéger la Russie et notre peuple. Ce n’est pas du bluff», a déclaré Poutine mercredi matin dans une allocution télévisée.

Que signifie cette mobilisation partielle? Quel est le risque d’une frappe nucléaire? Blick répond ici aux principales questions.

Comment faut-il interpréter le discours de Poutine?

C’est une déclaration d’échec. «Le fait que Vladimir Poutine décrète maintenant une mobilisation partielle signifie qu’il a échoué avec la soi-disant opération militaire spéciale en Ukraine et qu’il est dos au mur», déclare à Blick Ulrich Schmid, spécialiste de la Russie à l’université de Saint-Gall. Selon lui, c’est aussi le signe qu’il n’a pas réussi à former une armée moderne, malgré les importants investissements de ces dernières années. Le spécialiste affirme: «Ce discours montre qu’il n’a pas appris une once depuis le début de la guerre et qu’il continue à propager des théories du complot.»

Que signifie une mobilisation partielle sur le plan militaire?

Jusqu’à présent, Vladimir Poutine a envoyé environ 200’000 soldats à la guerre, dont environ 80’000 ont toutefois été tués ou blessés, selon les estimations américaines. Le président russe veut en outre activer environ 300’000 réservistes âgés de 27 à 60 ans et ayant une expérience du combat. La Douma, le Parlement russe, a créé mercredi les bases nécessaires à cet effet et a en même temps renforcé les sanctions pour les déserteurs et ceux qui refusent de servir. Des mois devraient toutefois s’écouler avant que les soldats soient sur le terrain et formés. Mauro Mantovani, expert militaire à l’EPFZ, est dubitatif: «Je ne pense pas qu’ils seront efficaces en Ukraine avant la fin de l’année.»

Quel est l’impact de la mobilisation sur la Russie elle-même?

«Avec cet instrument, la guerre est arrivée au cœur de la société russe», dit Ulrich Schmid. Car jusqu’à présent, la population n’avait pas vraiment conscience de la guerre. Désormais, les enfants de la patrie sont recrutés pour un conflit dont beaucoup de Russes se demandent pourquoi elle existe. Pour le spécialiste, «l’ambiance en Russie pourrait basculer, il pourrait y avoir des protestations». On s’attend également à une nouvelle détérioration de la situation économique en raison du départ de ces hommes.

L’Ukraine peut-elle aussi renforcer son armée?

L’armée ukrainienne fonctionne déjà à plein régime, mais ses succès récents lui ont donné un grand élan de motivation. «Il s’est avéré que la différence décisive entre les deux armées réside dans les armes», explique Ulrich Schmid. L’Ukraine est équipée par l’Occident d’armes de précision ultramodernes avec lesquelles elle semble faire actuellement une grande différence sur le terrain.

Comment l’Occident va-t-il réagir?

«Il va probablement soutenir davantage l’Ukraine avec des systèmes de défense et des armes offensives», estime Mauro Mantovani. Dans le même temps, l’Occident se préparera à une nouvelle escalade, car Poutine montre qu’il veut poursuivre la guerre au moins jusqu’à un succès partiel. Selon l’expert, «nous devons désormais nous préparer à une guerre de longue durée».

Quel est l’objectif de Poutine avec les référendums dans les régions ukrainiennes?

À partir de vendredi, la population de Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporijjia doit voter pour savoir si elle veut rejoindre la Russie. On s’attend à un vote favorable à 90%. Avec cette annexion, Vladimir Poutine peut qualifier un bombardement comme une attaque contre son pays et légitimer l’utilisation d’armes nucléaires. Toutefois, jusqu’à présent, le président russe n’a jamais réagi aux attaques des Ukrainiens contre la Crimée annexée.

Les Ukrainiens vont-ils se battre contre les Ukrainiens?

C’est possible. Avec l’annexion de ces territoires, les habitants obtiendraient le passeport russe, ce qui les obligerait à faire leur service militaire. Mauro Mantovani s’attend à ce que les Ukrainiens tirent davantage sur ces régions dans les prochains jours, notamment sur les bureaux de vote, afin d’empêcher la population de se rendre aux urnes.

Quel est le risque d’une escalade nucléaire?

En déclarant annexés des territoires ukrainiens, le chef du Kremlin semble avoir jeté les bases d’une intervention basée sur ce type d'armement. Dans son discours, il a en outre accusé l’Occident de menacer la Russie sur le plan nucléaire. «Il a ouvert un immense potentiel de menace», reconnaît Ulrich Schmid. Or, Vladimir Poutine est connu pour aimer jouer avec les menaces et attiser la peur. Cela sera-t-il suivi d'effets?


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