Le Haut-Karabakh n'est pas un cas isolé: dans l'ombre de la guerre en Ukraine, des conflits éclatent sur de nombreux points chauds du territoire de l'ancienne Union soviétique. Par exemple à la frontière entre le Kirghizistan et le Tadjikistan.
Jusqu'à présent, Moscou avait une stratégie claire: se précipiter avec une aide militaire là où cela chauffait, soit pour soutenir une partie, soit pour calmer la situation. Le hic, c'est que les troupes russes sont occupées en Ukraine. Un exemple récent: lorsque l'Arménie a appelé la Russie à l'aide dans le conflit qui l'oppose à l'Azerbaïdjan, le Kremlin n'a pas donné suite.
Depuis l'effondrement de l'Union soviétique, la Russie a toujours endossé le rôle de «gendarme de la paix» dans le Caucase du Sud et en Asie centrale. «Le tracé des frontières dans plusieurs régions remonte à des décisions motivées politiquement au début de l'ère soviétique», explique à Blick Ulrich Schmid, spécialiste de la Russie à l'université de Saint-Gall. Ceci motiverait donc des conflits actuellement.
«La puissance protectrice de la Russie est affaiblie»
Jusqu'à présent, Moscou a pu toujours pu mettre en échec ces velléités révisionnistes. Mais cela pourrait changer, selon Ulrich Schmid: «Désormais, la puissance protectrice de la Russie est affaiblie et les Etats post-soviétiques ont une incitation à tenter d'en profiter.»
Cette théorie est également valable sur le plan militaire, selon un autre expert interrogé par Blick, Mauro Mantovani de l'Académie militaire de l'EPFZ: «Voilà des mois que les Russes réduisent leurs garnisons dans les pays alliés. Moscou perd aussi en influence politique.»
Depuis l'Europe occidentale, la Russie semble très homogène, mais ce n'est pas du tout le cas. Le plus grand pays du monde est composé de 84 régions qui ont des poids très différents. Seuls 77% de la population totale ont la nationalité russe.
Assiste-t-on à la dislocation de la Russie? «Pour l'instant, une désintégration du pays est un scénario encore peu probable», tempère Ulrich Schmid. Dans tous les cas, Vladimir Poutine va tout mettre en œuvre pour éviter d'en arriver là, insiste l'expert. Mais les tensions peuvent monter et les zones potentielles de conflit sont très nombreuses. Blick vous propose un tour d'horizon.
Haut-Karabakh (4400 kilomètres carrés, 150'000 habitants)
Le conflit autour de ce territoire peuplé d'Arméniens mais appartenant à l'Azerbaïdjan en vertu du droit international ne date pas d'hier: il a commencé en 1988 et s'est étendu au fil des décennies. En 2020, l'Azerbaïdjan a récupéré des territoires. Le pays est soutenu par la Turquie tandis que l'Arménie peut compter sur la Russie. Mardi passé, des attaques ont eu lieu dans l'ombre de la guerre en Ukraine, faisant environ 200 morts. En principe, les gardes-frontières russes auraient dû garantir le cessez-le-feu.
Kirghizistan/Tadjikistan (200'000 km2, 6,6 millions /143'100 km2, 9,5 millions)
Depuis l'effondrement de l'Union soviétique il y a plus de 30 ans, les deux pays se disputent le tracé de la frontière, longue d'environ 1000 kilomètres. Et ce en de nombreux endroits. Ces derniers jours, de violents combats ont à nouveau eu lieu, faisant peu de bruit alors que près de 100 personnes ont péri.
Tchétchénie (17'300 km2, 1,4 million)
Le dirigeant Ramzan Kadyrov a instauré une dictature néostalinienne et conclu un pacte avec Vladimir Poutine, explique Ulrich Schmid: «La Tchétchénie reste dans la Fédération de Russie, et en échange le Kremlin laisse à Kadyrov les mains libres dans l'exercice de son pouvoir.» Ramzan Kadyrov soutient, d'ailleurs, les troupes russes dans la guerre en Ukraine en mobilisant ses troupes. Un affaiblissement de Moscou pourrait également changer la donne en Tchétchénie, avertit l'expert de l'Université de Saint-Gall.
Tatarstan (67'847 km2, 3,8 millions)
Le Tatarstan est une république autonome située dans la partie orientale de la Russie. Ulrich Schmid: «Ce territoire a une forte identité, et celle-ci a été respectée jusqu'ici par Moscou.» Depuis l'arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir, les Tatars ont néanmoins dû céder quelques droits.
Khabarovsk (389 km2, 580'000)
En 2020, des manifestations ont eu lieu dans la région de Khabarovsk, en Extrême-Orient, contre l'arrestation du gouverneur Sergueï Furgal. Le Kremlin lui reprochait d'avoir organisé les meurtres de deux hommes d'affaires. «Ces protestations pourraient reprendre de l'ampleur en cas d'affaiblissement du Kremlin», anticipe l'analyste interrogé par Blick.
Abkhazie (8661 km2, 250'000)
Cette autre république autonome appartient à la Géorgie en vertu du droit international, mais se considère comme indépendante depuis 1994. Le Kremlin s'est rangé à ses côtés lorsque la Géorgie a voulu récupérer militairement la région sécessionniste. L'ONU surveille la ligne de cessez-le-feu.
Ossétie du Sud (3900 km2, 50'000)
Dans les années 1920, l'Ossétie du Nord a été attribuée à la Russie et le sud à la Géorgie. En 1990, l'Ossétie du Sud a déclaré son indépendance. Comme pour l'Abkhazie, la Géorgie a tenté de récupérer ce territoire, poussant Moscou à venir en aide aux Ossètes. L'Ossétie du Sud voudrait rejoindre la Russie.
Adjarie (2900 km2, 350'000)
Au début des années 1990, l'Adjarie s'est détachée de la Géorgie, avec l'aide de Moscou qui y a stationné des troupes. Lorsque la colère contre le souverain, Aslan Abachidze, a grandi au sein de la population, le Kremlin lui a retiré son soutien. Aujourd'hui, l'Adjarie est à nouveau sous contrôle géorgien.
Transnistrie (4163 km2, 375'000)
En droit international, cette république autoproclamée située à la frontière de l'Ukraine fait partie de la Moldavie. Le régime est toutefois soutenu par Moscou afin d'empêcher la Moldavie de se rattacher à l'Occident. Pendant la guerre en Ukraine, des attentats ont également eu lieu en Transnistrie.