L’armée russe affaiblie
L’issue de la guerre en Ukraine est-elle scellée?

Après le succès de la contre-offensive ukrainienne, l’issue du conflit fait l'objet de nombreuses conjectures. Mais pour le stratège militaire Mauro Mantovani, c’est sûr: l’armée de Vladimir Poutine ne va pas reprendre l’ascendant dans cette guerre.
Publié: 17.09.2022 à 19:00 heures
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Dernière mise à jour: 17.09.2022 à 19:33 heures
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Cette unité de blindés ukrainiens a aidé à reconquérir la ville d'Izioum.
Photo: Anadolu Agency via Getty Images
Guido Felder

«Il n’y a plus personne, ils se sont tous enfuis!» Voici ce qu’a dit le gouverneur militaire de Lougansk, Sergey Gayday, après le départ précipité des troupes russes de plusieurs villes et villages de l’est de l’Ukraine au cours des derniers jours. Chars, munitions et autres armes… L’armée ukrainienne ayant surpris par son offensive, les occupants n’ont eu d’autre choix que d’abandonner la majorité de leur matériel.

Selon les estimations des services secrets britanniques, les principales unités de l’armée russe sont affaiblies. La phase initiale de la guerre a notamment été marquée par de lourdes pertes dont les troupes ne se sont jamais remises. La première armée blindée de la Garde serait par exemple concernée. Selon les Britanniques, une partie de cette unité, qui compte parmi les plus prestigieuses de l’armée russe, s’est retirée de la région de Kharkiv.

«Cela ne suffit plus»

«L’armée russe n’a plus de réserves significatives utilisables au front», assure également l’expert en stratégie Mauro Mantovani de l’Académie militaire de l’Ecole Polytechnique fédérale de Zurich. Une campagne de recrutement est en cours dans tout le pays, à laquelle les 85 provinces sujettes de la Fédération en Russie doivent contribuer en fournissant des volontaires. Quelques bataillons ont ainsi été créés et d’autres devraient suivre. «Mais cela ne suffira pas pour reprendre l’initiative dans la guerre en Ukraine», pointe l’expert.

Une mobilisation générale n’est pas une option pour le président russe Vladimir Poutine, estime Mauro Mantovani, car il démasquerait ainsi «sa propre propagande sur l’opération spéciale qui se serait soi-disant déroulée comme prévu» et affaiblirait encore plus l’économie en difficulté. De plus, des unités inexpérimentées subiraient de lourdes pertes sur le front. Les tensions sociales latentes en Russie pourraient également s’aggraver.

En milieu de semaine, les Russes ont endommagé un barrage à Kryvyï Rih avec des missiles. «Moscou n’a guère d’alternatives aux tirs à distance pour faire pression sur Kiev», détaille l’expert militaire. Sans munitions de précision et de reconnaissance de cibles, les Russes ne peuvent tirer que sur des objectifs massifs.

Encore des mois de combats

Avec les récents succès des Ukrainiens, le point d’inflexion de la guerre semble atteint, estime le stratège. Mais on ne peut pas encore dire que le conflit arrive à terme. Mauro Mantovani est convaincu que la Russie n’atteindra plus jamais ses objectifs en Ukraine. Mais une guerre d’usure risque de se poursuivre encore quelques mois.

«L’issue de la guerre est décidée dans la mesure où l’Etat ukrainien et son armée apte au combat subsisteront, mais pas dans la mesure où les Russes se retireront immédiatement de toutes les régions.»

Une armée surestimée depuis des décennies

Après presque sept mois de guerre, Mauro Mantovani dresse un premier bilan: «L’Occident a surestimé l’armée russe, et ce, sans doute depuis des décennies.» Selon lui, Moscou ne dispose pas de forces armées modernes capables de mener des opérations complexes et de maîtriser une guerre hybride. «Les Russes ont un feu d’artillerie puissant et savent très bien voler en ligne droite, marcher et tirer, analyse l’expert de l’EPFZ, mais ils ne savent pas faire beaucoup plus.»

Leur réputation d’armée offensive puissante serait donc ternie pour les décennies à venir, tout comme leur engagement en faveur du droit international. Dans dix ans, l’armée sera peut-être à nouveau assez forte pour attaquer et occuper un petit voisin, juge le stratège militaire. Mais Mauro Mantovani en est certain: «Nous ne verrons plus jamais l’armée russe défier sérieusement l’OTAN.»

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