«Oui, nous sommes convaincus que nous risquons d’une part de faire face très prochainement à un choc économique et social important auquel nous devons répondre par des décisions urgentes.» Tout est dit dans cette phrase. L’heure est à l’urgence économique européenne. Et la Suisse, enclavée au cœur du continent, n’y échappera pas si les convulsions énergétiques et commerciales mondiales finissent par déstabiliser les économies de ses principaux voisins.
Le coût des dettes souveraines
Cette phrase figure en tête de l’appel lancé à l’issue des Rencontres économiques annuelles d’Aix-en-Provence par le Cercle français des Économistes. Une initiative qui concerne seulement la France, en proie à ses récurrentes difficultés sociales et industrielles? Non. Le coût des dettes souveraines s’envole en raison de la hausse des taux d’intérêt, l’inflation qui ronge l’épargne des ménages, le prix de l’énergie qui pourrait entraîner, cet hiver, des «délestages industriels», y compris en Suisse…
Ces évidences s’imposent sans merci dans le paysage économique mondial. D’autant que la fracture Nord Sud est en train se réveiller à la faveur de la guerre en Ukraine déclenchée par Vladimir Poutine: «La séparation géopolitique du monde en deux camps va-t-elle entraîner leur séparation économique? La crise a mis en lumière nos vulnérabilités» assène cette déclaration, précédée de plusieurs alertes sur la dégradation des finances publiques des grands pays européens: Allemagne, France, Italie, Espagne. Protéger l’économie européenne du précipice russe est l’urgence absolue.
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Trois pistes de solutions
Comment y parvenir? Trois solutions ont été proposées lors des rencontres d’Aix-en-Provence, et elles concernent la Suisse, qui s’est alignée sur les sanctions économiques et financières mises en place par l’Union européenne contre la Russie.
1. Miser sur la recherche
La première concerne Berne au premier chef, puisqu’elle vise la recherche, sujet essentiel pour l’avenir des relations bilatérales entre la Suisse et l’UE. «La priorité doit être de mettre en place une structure européenne pour attirer les projets et les meilleurs chercheurs» afin d’accélérer les relocalisations industrielles dans des secteurs stratégiques, comme celui des médicaments et des équipements médicaux.
«La réindustrialisation, pour être efficace à long terme, doit concerner prioritairement les secteurs dans lesquels on peut redevenir leader grâce à l’innovation» préconise le cercle des Économistes. Avec un œil sur l’exemple suisse de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne: «L’idée que l’EPFL puisse se retrouver déconnectée de la recherche européenne, en raison de l’absence d’accord entre la Suisse et l’Union est très inquiétante. Il faut à tout prix l’éviter» confirme à Blick Jean-Hervé Lorenzi, fondateur des Rencontres.
2. Développer des alternatives au gaz russe
La seconde proposition, exprimée sans surprise par les intervenants Français, consiste à sécuriser l’approvisionnement énergétique du continent européen en trouvant le plus rapidement possible des alternatives au gaz russe.
Le gaz liquéfié en provenance des États-Unis est une source prioritaire, et un nouveau terminal gazier va être pour cela construit en France, où quatre ports sont déjà équipés. L’autre alternative est, pour la France, la montée en puissance du parc nucléaire, même si la reprise d’activité à la centrale frontalière de Fessenheim est exclue. «Son emplacement géographique, à la frontière de la Suisse et de l’Allemagne, rend les choses trop compliquées. Mais ces deux pays doivent réfléchir avec la France à des alternatives communes. Nous sommes ouverts aux discussions» ont répété à Blick plusieurs sources françaises.
3. Réforme sur l’électricité
Troisième proposition: la poursuite de la réforme du marché européen de l’électricité, qui aura évidemment un impact direct pour la Suisse, dont le territoire se trouve à la confluence des grandes infrastructures électriques du continent. «La protection du marché européen passe par notre capacité à stabiliser l’approvisionnement en énergie dès cet hiver et à satisfaire les besoins de tous les États européens» a confirmé le ministre des finances français Bruno Le Maire.
L’urgence est déclarée. Soit. Mais ce n’est qu’un début. Car, pour paraphraser Vladimir Poutine, ce samedi 9 juillet, à propos de la guerre en Ukraine, «les choses sérieuses n’ont pas encore commencé».