«Cette fin de présidence Biden est tragique. Et Kamala l’a bien compris: c’est pour cela qu’elle doit prendre d’urgence ses distances. Elle doit aller bien plus loin qu’elle l’a fait chez Fox News». Ceux qui nous parlent ainsi, réunis autour des micros de leur podcast «This week in white supremacy» (Cette semaine dans la suprématie blanche), sont tous des activistes du mouvement 1Hood de Pittsburgh, très influent au sein de la communauté afro-américaine.
Leur porte-parole, Farooq Al-Saïd, de père canadien et de mère libanaise, est né à Montréal, avant que ses parents n’émigrent en Pennsylvanie. Jasmine, elle, a passé toute sa vie d’adulte dans son quartier de Pittsburgh. Tandis que James, le troisième larron, a débarqué depuis peu de Brooklyn, à New-York.
Pourquoi citer ce trio à propos de Joe Biden, arrivé jeudi 17 octobre dans la soirée à Berlin pour une visite éclair en Allemagne consacrée à l’Ukraine? Parce que, comme beaucoup de partisans de Kamala Harris, les podcasters de 1Hood redoutent l’impact sur cette fin de campagne du président âgé de 81 ans, obligé de se retirer de la course à la Maison-Blanche après son débat télévisé catastrophique, le 27 juin, face à Donald Trump.
Chaque matin jusqu’à la mi-novembre, je prends pour vous le pouls de l’Amérique. Un rendez-vous écrit sur le terrain, là où se joue le duel entre Donald Trump et Kamala Harris.
Et pas n’importe quel terrain: d’ici au 5 novembre, date de l’élection présidentielle, c’est sur les routes, entre Chicago, où Kamala Harris a été investie par la convention démocrate à la mi-août, et Mar-a-Lago, le fief de Donald Trump en Floride, que je rédigerai ces chroniques matinales en cinq points. En plus: une série de reportages à ne pas manquer et des vidéos et photos de mon collègue Pierre Ballenegger.
Vous faites partie de ceux qui pensent que notre avenir se joue aussi le 5 novembre, de l’autre côté de l’Atlantique? Alors ne ratez pas ces chroniques. Partagez-les. Et réagissez!
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Une gaffe de plus? Ce ne serait pas le plus grave, tant le Potus (l’acronyme pour President of the United States) les a multipliées depuis son élection en 2020. Farooq et ses deux partenaires ont surtout peur que Joe Biden empêche sa vice-présidente d’être elle-même. Et, surtout, qu’il la ligote politiquement face à Trump.
«Biden est un boulet pour Harris au sein de la communauté afro-américaine», confirme Jasmine. «Si elle veut être considérée comme une candidate noire à la Maison Blanche, ce qu’elle est de facto, elle ne peut pas continuer d’être sous la coupe de ce vieux président blanc.»
J’ai donc testé ces arguments auprès d’autres interlocuteurs, alors que l’Air Force One de Joe Biden atterrissait à Berlin où le président américain est venu parler Ukraine et Otan avec ses homologues européens. Et voici cinq les réponses que j’ai obtenues.
Joe Biden, un président-ambulance
«Oui, on peut parler de tragédie politique à propos de Biden» reconnaît, à Lansing dans le Michigan (un autre Etat clé) le politologue Matthew Grossmann. Selon notre interlocuteur, ce président si familier de la vie politique américaine, élu pour la première fois sénateur du Delaware en 1972, est aujourd’hui une ambulance.
Dernier exemple en date: sa décision d’annuler sa visite d’Etat prévue en Allemagne prévue initialement du 10 au 12 octobre, en raison de l’ouragan Milton qui a déferlé sur la Floride. Aussitôt, le locataire de la Maison Blanche a demandé au Congrès d’agir et de libérer des fonds pour les sinistrés, sans obtenir de réponse des élus républicains. Il a aussi vertement critiqué Donald Trump pour avoir mené «un assaut de mensonges» sur cette catastrophe naturelle.
Mais là aussi, il a fait flop. «L’ancien président doit se changer les idées et faire quelque chose de sa vie» a-t-il déclaré à la caméra. «Qu’il aille aider ces gens.» Un peu court…
Joe Biden, ce président qui a volé les primaires
L’argument revient sans cesse lorsque l’on évoque, y compris devant les électeurs démocrates, la candidature de Kamala Harris. Mais pourquoi l’actuelle vice-présidente n’a-t-elle pas concouru aux primaires de son parti, comme le veut la tradition démocratique? On connaît la réponse.
C’est Joe Biden qui, à la mi-mars, a remporté les primaires démocrates. C’est donc lui qui, à 81 ans, aurait dû être investi lors de la convention de Chicago, du 19 au 22 août. Mais la catastrophe de son débat télévisé en a décidé autrement. Et le 21 juillet, par une simple lettre adressée à ses compatriotes, Joe Biden s’est retiré de la course à la Maison-Blanche.
Kamala Harris s’est dès lors engouffré dans la brèche, mais elle a, ce faisant, perdu un argument de poids face à Trump? Comment reprocher au candidat républicain de ne pas être un démocrate alors qu’elle a foulé aux pieds les règles de son parti?
Joe Biden, l’incarnation du système honni
Difficile pour Kamala Harris de prétendre incarner un renouvellement politique alors qu’elle a secondé Joe Biden pendant quatre ans. «Biden, c’est le système que beaucoup de gens ne veulent plus voir, poursuivent nos activistés de 1Hood à Pittsburgh, l’influence des grandes corporations sur la politique et les lobbies qui dirigent le pays», tout en reconnaissant qu’ils ont fait campagne pour lui en 2020 «car il fallait faire barrage à Trump».
La réussite macroéconomique de l’administration Biden est contestée par l’électorat populaire, qui scrute ses fins de mois rongées par l’inflation. Le bilan géopolitique de Biden, avec le retrait chaotique d’Afghanistan le 30 août 2021, puis les conflits en Ukraine et en Israël, fait dire aux partisans de Trump que «Joe est incapable de stopper les guerres.» Du pain béni pour le milliardaire new-yorkais et pour son allié Elon Musk, qui s’en prennent sans cesse au «système».
Joe Biden, le président mal aimé par les noirs
«Il est indéniable que Joe Biden a un problème auprès des électeurs de couleur. C’est cette impopularité auprès des électeurs noirs et latinos qui explique les sondages nationaux si serrés» jugeait, au début 2024, le journaliste du site Vox en charge du parti démocrate, Christian Paz. A Pittsburgh, l’universitaire Félix Germain, directeur du centre «Africana Studies» nuance: «Ce sont les femmes noires américaines qui ont contribué à faire élire Joe Biden en 2020.»
Chez les hommes en revanche, le trouble demeure. On lui reproche toujours d’avoir parrainé la fameuse «crime bill» de 1994 qui a envoyé beaucoup de jeunes noirs en prison.» Kamala Harris se retrouve donc prisonnière de cet héritage.
C’est pour cela qu’elle a annoncé, lundi, des prêts à remboursement conditionnel pour les entrepreneurs noirs, la création d’un plus grand nombre de places d’apprentissage et des soutiens financiers pour l’étude de la drépanocytose et d’autres maladies qui touchent de manière disproportionnée les hommes afro-américains.
Joe Biden, dans la main de Netanyahu
Le New York Times a publié ces jours-ci plusieurs articles pour dénoncer la collusion possible entre Donald Trump et le président russe Vladimir Poutine. Logique. L’Ukraine est l’un des dossiers qui inquiète le plus si le milliardaire retrouve la Maison Blanche le 5 novembre.
Mais Israël? Depuis le début mars, Kamala Harris a plusieurs fois demandé un cessez-le-feu à Gaza, sans aucun succès. Pire: en début de semaine, l’administration Biden a confirmé l’envoi d’une centaine de militaires américains pour opérer les nouvelles batteries de défense antiaériennes fournies à l’Etat hébreu.
Dans un Etat clé comme le Michigan, où la communauté arabe américaine est regroupée près de la ville de Dearborn, l’impact électoral pourrait être important. Pourquoi voter Kamala Harris si elle doit, à la fin, se comporter vis-à-vis d’Israël, comme un certain Donald Trump?