J'ai bien failli rencontrer Tim Waltz. Il m'aurait suffi de suivre Catherine Lalonde sur le vaste terre-plein de Telsz Farms, la coopérative agro-alimentaire du comté de Butler, où le colistier de Kamala Harris est venu pour une vingtaine de minutes, mardi 15 octobre, galvaniser le moral des démocrates locaux.
Canadienne d'origine, tout comme son mari, Catherine a grandi à Toronto avant de s'installer ici, en Pennsylvanie, puis d'obtenir la nationalité américaine. Responsable du comité du parti démocrate pour ce comté, dans lequel Donald Trump a failli se faire assassiner le 13 juillet 2024, cette infirmière à la retraite est intarissable sur les enjeux électoraux dans cet Etat-clé, où l'ancien président est de nouveau attendu ce dimanche, pour un match des Steelers, l'équipe vedette de football américain de Pittsburgh.
Un Etat-clé parmi les autres? Bien plus en réalité, car perdre la Pennsylvanie est le cauchemar commun des deux candidats. J'ai donc demandé pourquoi à mon interlocutrice, ainsi qu'à Matt Grossman, professeur de sciences politiques de la Michigan State University à Lansing. Leur réponse? La mère de toutes les batailles se jouera bien ici.
La Pennsylvanie, grand show électoral
«Attention, on frôle le grand gâchis démocrate en Pennsylvanie !» Ce titre de l'influent média en ligne Politico, mercredi 16 octobre, a déclenché un incendie dans les rangs de l'équipe de campagne de la vice-présidente, au sein de laquelle on comptait sur la tournée de Tim Waltz pour insuffler une nouvelle énergie dans cet Etat qui, en 2020, a donné de justesse la victoire à Joe Biden (50,01% contre 48,84%). Pourquoi? Parce que les sondages virent au rouge.
Si le New York Times donne trois points d'avance à Harris (50% contre 47%), le Wall Street Journal place, lui, les deux candidats à égalité. «Les personnalités clés du Parti démocrate, en particulier à Philadelphie et dans sa banlieue, sont laissées de côté, affirme Politico. «Ils se plaignent d'avoir été tenus à l'écart et de ne pas avoir bénéficié d'un déploiement efficace de leurs représentants.» Et le média de rapporter une anecdote tout sauf anodine: «Lors de réunions privées, ils ont demandé à l'équipe Harris de faire plus d'efforts pour attirer les électeurs de couleur...»
Chaque matin jusqu’à la mi-novembre, je prends pour vous le pouls de l’Amérique. Un rendez-vous écrit sur le terrain, là où se joue le duel entre Donald Trump et Kamala Harris.
Et pas n’importe quel terrain: d’ici au 5 novembre, date de l’élection présidentielle, c’est sur les routes, entre Chicago, où Kamala Harris a été investie par la convention démocrate à la mi-août, et Mar-a-Lago, le fief de Donald Trump en Floride, que je rédigerai ces chroniques matinales en cinq points. En plus: une série de reportages à ne pas manquer et des vidéos et photos de mon collègue Pierre Ballenegger.
Vous faites partie de ceux qui pensent que notre avenir se joue aussi le 5 novembre, de l’autre côté de l’Atlantique? Alors ne ratez pas ces chroniques. Partagez-les. Et réagissez!
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Donald Trump se rue sur l'opportunité: le 5 octobre, l'ancien président est revenu à Butler avec son meilleur soutien, le milliardaire Elon Musk. Lundi 14 octobre, il a dansé sur scène dans la banlieue de Philadelphie, au son de YMCA, des Village People. Et le show va continuer jusqu'au 5 novembre!
La Pennsylvanie, l'Amérique redux
«On a tout dans cet Etat, sauf la mer.» Catherine Lalonde part en fou rire en terminant son café chez Panera Bread, l'une des meilleures adresses parmi les restaurants «européens» situés dans son quartier de Cranberry, au cœur du comté de Butler. Tout? Oui, confirme, sur le plan politique, l'universitaire Matt Grossman, fin connaisseur des swing states puisque le sien, le Michigan, en fait partie.
Avec 19 grands électeurs, la Pennsylvanie est le plus stratégique de ces Etats susceptibles de faire basculer une élection. Or Trump, comme Harris, ont des raisons d'y croire. Trump mise sur l'arrière-pays rural, et sur les bastions autrefois industriels autour de Pittsburgh, l'ancienne capitale américaine de la sidérurgie.
Harris mise sur «Philie», le surnom de Philadelphie, et ses banlieues à forte population afro-américaine. Elle peut aussi compter sur le soutien de l'énergique gouverneur démocrate Josh Shapiro, que beaucoup lui suggéraient de prendre comme colistier. Au milieu: la Cour suprême de la capitale de l'Etat, Harrisburg, où l'équipe Trump a multiplié en vain les recours pour faire annuler les résultats de la présidentielle de 2020. Tout est là: les enjeux sociaux, économiques, et démocratiques. Josh Shapiro, dit-on, pourrait en outre être l'un des futurs candidats démocrates à la Maison-Blanche.
La Pennsylvanie, terre de «Scranton Joe»
S'il bat Kamala Harris en Pennsylvanie, Donald Trump lavera l'affront de 2020 face à Joe Biden. Mais surtout, le candidat républicain adressera un message personnel à l'actuel locataire de la Maison-Blanche né à Scranton, dans le comté de Lackawanna, dans le nord-est de l'Etat.
Le média «US News and World Report» a relevé l'importance de ce duel: «Cette terre historiquement démocrate tend depuis quelques années à devenir républicaine. D'où un enjeu démographique et symbolique» peut-on lire dans les pages de l'hebdomadaire. «Lackawanna compte une proportion disproportionnée de cols bleus, avec beaucoup d'électeurs comme ceux qui sont devenus le cœur de la base électorale de Trump.» L'actuel président des Etats-Unis, qui aime se présenter comme «Scranton Joe» (même s'il a fait toute sa carrière politique dans le Delaware), perdra-t-il sa base arrière?
La Pennsylvanie, ce symbole américain
Fort de douze millions d'habitants, l'Etat de Pennsylvanie où se ruent Donald Trump et Kamala Harris, ainsi que leurs candidats respectifs à la vice-présidence (le sénateur de l'Ohio J.D. Vance et le gouverneur du Minnesota Tim Waltz), est le berceau de la démocratie américaine. C'est à Philadelphie, la grande ville de l'est, que s'est réunie en 1776 l'assemblée présidée par Georges Washington qui a proclamé, le 4 juillet, l'indépendance des Etats-Unis d'Amérique.
C'est toujours à Philadelphie que l'actuelle constitution américaine (entrée en vigueur en mars 1789) a été rédigée, suite à la convention réunie du 25 mai au 17 septembre 1787. Remporter les vingt grands électeurs de Pennsylvanie revient donc, pour les aspirants à la Maison-Blanche, à graver leur succès dans le marbre politique national.
La Pennsylvanie, socle de la République
L'histoire toujours. Car dans cette partie des Etats-Unis, elle pèse très lourd. C'est en Pennsylvanie que se déroulèrent plusieurs des batailles les plus meurtrières de la guerre de Sécession (1861-1865). Y compris celle de Gettysburg, du 1er au 3 juillet 1863.
Cet affrontement qui fit plus de 8000 morts et près de trente mille blessés est considéré par les historiens comme le moment du basculement. Car c'est après cette bataille rapport de forces changea en faveur de l'armée nordiste de l'Union, face à celle du sud esclavagiste.
C'est à Gettysburg que le président Abraham Lincoln prononça l'un de ses plus fameux discours, le 19 novembre 1863: «Nous sommes maintenant engagés dans une grande guerre civile, épreuve qui vérifiera si cette nation, ou toute autre nation ainsi conçue et vouée au même idéal, peut longtemps perdurer (...) C'est à nous de vouloir qu'avec l'aide de Dieu cette nation renaisse dans la liberté ; à nous de décider que le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, ne disparaîtra jamais de la surface de la terre. »