Election ou révolution
Cinq raisons de redouter le trio Macron-Mélenchon-Le Pen

Plus de 48 millions d'électeurs français sont conviés à voter ce dimanche pour le premier tour des législatives. Difficile d'y voir clair pour l'avenir du pays, de plus en plus polarisé par la lutte entre Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen.
Publié: 11.06.2022 à 11:43 heures
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Dernière mise à jour: 17.06.2022 à 16:52 heures
Jean-Luc Mélenchon pourrait provoquer une crise entre la France et l'UE.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Plus de 48 millions d’électeurs inscrits. Et le risque, anticipé par les sondages, qu’un votant français sur deux décide, ce dimanche, de bouder les urnes pour le premier tour des législatives, soit une abstention record! Un mois et demi après l’élection présidentielle remportée le 24 avril par Emmanuel Macron, réélu avec 58,5% des voix, le sentiment d’une France politique dans l’impasse prédomine.

Impasse institutionnelle, si aucune formation n’emporte, à l’issue du second tour le 19 juin, la majorité requise au sein de l’Assemblée nationale composée de 577 députés. Impasse gouvernementale, si Emmanuel Macron voit son début de mandat placé sous le signe d’une cohabitation avec l’opposition. Impasse économique, si les urnes débouchent sur une confrontation ouverte entre le chef de l’État et son futur premier ministre, en matière de dépenses publiques et de relations avec ses partenaires de la zone euro et de l’Union européenne, sur fond de guerre en Ukraine. Les raisons de s’inquiéter sont sérieuses. En voici au moins cinq.

Le président réélu pourrait être empêché… de présider

Les urnes vont parler. Tant mieux. Mais le calendrier institutionnel français est redoutable. Organisé quelques semaines après la présidentielle d’avril 2022, le scrutin législatif des 12 et 19 juin revient, en réalité, à revoter sur le Chef de l’État et sur ses propositions pour les cinq années à venir. Le scénario logique serait celui d’une nouvelle victoire du camp présidentiel, comme en 2017 lorsque le tout nouveau mouvement macroniste «La République en Marche» déferla sur l’Assemblée nationale avec 308 sièges sur 577, plus les 42 sièges du Mouvement démocrate, son allié centriste.

Sauf que cinq années ont passé et que plus personne ne croit à la réédition d’un tel tsunami. S’il a bien été réélu confortablement le 24 avril avec 58,5% des suffrages, Emmanuel Macron doit, depuis, faire face à un redoutable procès en «illégitimité». Ses opposants l’accusent d’avoir été réélu par défaut face à la candidate nationale populiste Marine Le Pen. Ils lui reprochent de vouloir toujours diriger le pays seul, comme durant son premier quinquennat. Jean-Luc Mélenchon, le leader de la gauche radicale, a d’ailleurs tout fait pour transformer ces législatives en machine de guerre électorale pour entraver l’action présidentielle. Or un Chef de l’État empêché de présider, à l’heure où des décisions importantes sont requises avec la guerre en Ukraine, serait une mauvaise nouvelle pour le pays et pour ses voisins. Surtout si aucune force politique ne domine le parlement et que les négociations s'imposent pour chaque projet de loi.

La cohabitation avec l’opposition pourrait se transformer en champ de mines

Jean-Luc Mélenchon rêve de ce scénario. Le 19 avril à 20 heures, la Nouvelle Union populaire Écologique et Sociale (NUPES) qu’il a su rassembler pour fédérer l’essentiel des forces de gauche sort victorieuse des législatives, idéalement avec une majorité absolue de députés. Emmanuel Macron n’aura dès lors pas le choix sur le plan politique: il devra nommer un premier ministre issu de cette nouvelle majorité. Laquelle, a priori, restera fidèle à Jean-Luc Mélenchon et cherchera à le propulser à la tête du gouvernement.


Deux énormes grains de sable peuvent néanmoins venir tout compliquer, voire transformer en champ de mines cette cohabitation institutionnelle (entre un président et un premier ministre issus de deux camps opposés) que permet la constitution de la Ve République, puisque cela a été le cas en 1986 (cohabitation Mitterrand-Chirac) en 1993 (cohabitation Mitterrand-Balladur) et 1997 (cohabitation Chirac-Jospin). Le premier vient de la situation politique de 2022: contrairement aux cas précédents, la réélection de Macron est en effet contestée par les Mélenchonistes, ce qui n’augure pas de bons rapports entre les deux pôles de l’exécutif. Le second est l’exclusion de fait, dans ce scénario, de la première force politique du pays: le Rassemblement national de Marine Le Pen, finaliste pour la seconde fois de la présidentielle avec 41,46% des suffrages et 13,2 millions de voix. Difficile de prétendre, dans une telle situation, que cette cohabitation sera tranquille et pacifique.

Jean-Luc Mélenchon pourrait provoquer une crise entre la France et l’UE

Attention: l’histoire enseigne que les candidats les plus véhéments se transforment parfois en réalistes une fois qu’ils accèdent au pouvoir. Pas question, ici, de diaboliser le leader de la NUPES qui a su insuffler à la gauche un espoir d’alternance politique inédit. Restent les faits: Jean-Luc Mélenchon, internationaliste lorsqu’il s’agit de parler de flux migratoires ou de solidarité politique avec les pouvoirs de gauche en Amérique Latine, est un souverainiste assumé sur le plan européen. Sa proposition est simple: la France doit imposer à ses partenaires une renégociation urgente des traités, quitte à entrer dans une phase de «désobéissance». Impossible également d’oublier les très virulentes attaques du leader de la «France Insoumise» contre l’Allemagne. Viennent s’ajouter enfin à ces inquiétudes celles concernant l’Ukraine, puisque Jean-Luc Mélenchon reste partisan d’un apaisement urgent envers Vladimir Poutine, qu’il a longtemps défendu. S’il accède au poste de premier ministre, la crise avec Bruxelles est garantie même si, en France, la politique étrangère et la défense sont traditionnellement les domaines «réservés» du président.

Marine Le Pen pourrait de nouveau payer cher le scrutin majoritaire

La candidate présidentielle du Rassemblement national (RN), formation héritière du Front National d’extrême droite fondé en 1971 par son père Jean-Marie Le Pen, est démunie face aux règles du scrutin majoritaire (un député élu par circonscription). D’où la colère assurée de ses partisans, au lendemain du second tour le 19 juin. Jugez plutôt: si les législatives françaises avaient lieu à la proportionnelle, à savoir au scrutin de liste présentée par les partis, le RN pourrait compter sur 150 à 200 députés. Or il n’en avait qu’une dizaine dans l’Assemblée nationale sortante, ce qui ne lui a même pas permis de former un groupe politique (il en faut 15). Et les sondages lui en accordent une trentaine en 2022 malgré 569 candidats investis. La réalité est indiscutable: le paysage législatif français ne va pas ressembler au pays électoral réel.

Deux questions se posent en conséquence. La première porte sur le vote des électeurs du RN au second tour, s’ils ont le choix entre un candidat pro-Macron et un adversaire mélenchoniste. Marine Le Pen, qui a travaillé dur pour normaliser sa formation et la recentrer sur un programme national populiste centré sur le pouvoir d’achat, va-t-elle privilégier le vote protestataire malgré son inimitié personnelle légendaire avec Jean-Luc Mélenchon? L’alliance entre les extrêmes, de gauche et de droite, va t’elle avoir lieu dans les urnes?

La seconde question porte sur la colère des électeurs lepénistes, qui seront une nouvelle fois dépossédés de leur influence politique par le mode de scrutin. Difficile de croire qu’ils se tiendront tranquilles. Une fois encore, le spectre de manifestations sociales massives est de retour.

Emmanuel Macron pourrait choisir l’affrontement s’il n’a pas de majorité

Le plus jeune président Français de l’histoire n’a ni la sérénité cynique de François Mitterrand, ni le sens de l’impitoyable camaraderie de Jacques Chirac. Emmanuel Macron n’est pas surnommé «Jupiter» pour rien. Il est seul. Il préside seul. Il n’a guère confiance dans son entourage. Alors? Va-t-il rester sans réagir si les Français ne lui accordent pas une majorité parlementaire pour présider et diriger le pays? C’est peu probable. Une guérilla redoutable pourrait bien s’installer au sommet de l’État, avec un président centré sur sa fonction de commandant en chef, en cette période de guerre en Ukraine. Le premier test ne tardera d’ailleurs pas: si Macron est forcé à une cohabitation et qu’il remplace l’actuelle première ministre Elisabeth Borne, sa présence au sommet de l’Otan les 29 et 30 juin à Madrid sera compliquée. Idem, juste avant, au sommet européen des 23 et 24 juin à Bruxelles.

Le tempérament de ce président de 44 ans pourrait donc le porter à jouer l’affrontement et à prendre les Français à témoin, avec pour objectif de dissoudre l’Assemblée nationale un an après son entrée en fonction, comme la constitution le lui permet. Vous avez dit crise et risques? Oui, les scénarios catastrophes après ces législatives françaises ne peuvent pas être écartés.

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