En Russie, les journalistes d'opposition de la plateforme d'investigation «The Insider» ont osé jeter un coup d'œil dans les coulisses de la production de drones russes. Leur travail a mis en lumière le double jeu de constructeurs et d'hommes d'affaires douteux qui alimentent les lignes de front avec des créations prétendument «innovantes» tout en redorant leur image d'entrepreneurs à succès.
Comme l'ont révélé les recherches, de nombreux engins volants soi-disant développés en Russie ne seraient rien d'autre que des gadgets proposés par le fournisseur chinois de produits à bas prix Aliexpress. Ces appareils, provenant d'importations astucieusement déguisées et de technologies aisément accessibles, sont alors revendus sous une nouvelle marque et font office de symboles de la force militaire russe. Qui sont donc ces prétendus «inventeurs» qui fournissent désormais les troupes de Poutine?
Alexander Atamanov
L'entrepreneur Alexander Atamanov s'intéresse depuis longtemps aux objets volants et au domaine du transport sans pilote. Il a développé plusieurs brevets pour des taxis sans chauffeur. Sur Facebook, il pose en outre par exemple à côté d'un prototype d'hoverbike. La première incursion d'Alexander Atamanov dans le monde de la technologie militaire lui a surtout valu pas mal de moqueries jusqu'à présent. Son entreprise Intellekt Mashin a présenté au Forum de l'armée russe 2022 le prototype d'un chien-robot équipé d'un lance-grenades. En y regardant de plus près, les observateurs ont toutefois remarqué que le robot-animal était en fait un jouet de l'entreprise chinoise Unitree Robotics. Le chien est proposé sur Aliexpress. Le lance-grenades semblait n'être qu'un leurre. Pour dissimuler l'origine du chien robot, la machine a été rapidement recouverte d'un tissu noir.
Entre-temps, Intellekt Mashin produit des drones appelés «boomerang». «Un canon anti-drones ne peut rien contre eux», jubilait le ministère russe de la Défense en mars 2023. Un combattant ukrainien a évalué le drone pour The Insider. Selon lui, il serait de qualité inférieure. «Le problème, c'est qu'aucune sanction au monde ne peut arrêter sa fabrication», ajoute-t-il.
Nikita Schulpin
Jadis simple photographe, Nikita Schulpin a fait fortune grâce à la vente de drones. Ce Saint-Pétersbourgeois a profité du retrait du fabricant de drones DJI de Russie pour faire grimper les bénéfices de son entreprise. En 2023, sa valeur a atteint de l'équivalent de près de 20 millions de francs. Il importe ses engins principalement de Chine, certains d'entre eux étant facilement reconnaissables comme des triduums proposés par Aliexpress. Les drones de Nikita Schulpin ne sont toutefois pas très appréciés des blogueurs de guerre russes. Ils critiquent la mauvaise qualité et le prix exorbitant de ces «produits d'une impression 3D de mauvaise qualité».
Andreï Terechov
Andreï Terechov dirige une organisation non gouvernementale appelée Center for Integrated Support, dont la propagande du Kremlin fait l'éloge. Dans le sud-ouest de la Russie, à Orenbourg, le centre utilise une installation pour assembler des drones. Ils portent les noms de «Frost» et «Snowstorm». Les médias locaux ont fièrement rapporté que les pièces des drones étaient fabriquées sur place. Les recherches de The Insider montrent toutefois que les drones portent l'inscription CADDXFPV. Il s'agit d'un fournisseur connu de pièces de drones basé à Shenzhen, en Chine.
Vladimir Tkatchuk
Vladimir Tkatchuk, qui vit à Ekaterinbourg, a été accusé à l'âge de 18 ans de diffusion présumée de pornographie enfantine et a ensuite travaillé comme agent immobilier. Le ministère russe de la Défense est considéré comme le principal acheteur de ses drones «Ghul», qu'il fabrique depuis 2022.
Pavel Tchernychev
Sous le nom de «Cryptomoneybro», Pavel Tchernychev vendait jusqu'à l'année dernière des conseils de trading pour les devises à ses followers sur les réseaux sociaux. Aujourd'hui, il fabrique des drones de type «Piranha». Depuis l'hiver dernier, la société SKB Piranha de Tchernyschov a livré 8000 drones au front. Selon le journal russe «Izvestia», un drone «Piranha» aurait réussi à détruire un char américain Abrams. Cette information n'a pas pu être vérifiée de manière indépendante.