La Suisse est un «pays ouvertement hostile», s'est emporté Sergueï Lavrov vendredi dans une interview. Le ministre russe des Affaires étrangères est en colère. La raison? la Suisse organise en juin une conférence de paix pour l'Ukraine à laquelle la Russie ne compte pas participer.
Pendant que Sergueï Lavrov se moquait de la Confédération, Vladimir Poutine recevait, de son côté, du courrier de Berne. Un courrier signé par nulle autre que... Viola Amherd! La présidente de la Confédération suisse avait écrit une lettre au maître du Kremlin à l'occasion de sa réélection.
À la mi-mars, le président russe a en effet été réélu pour la cinquième fois. Une victoire électorale que beaucoup disaient annoncée: Vladimir Poutine dirige le pays d'une main de fer et les véritables candidats d'opposition n'étaient même pas autorisés à se présenter.
Interrogé par Blick, le Département de la défense (DDPS) confirme la lettre adressée au président et donne même quelques détails. Il s'agit d'un texte «qui englobe plusieurs thèmes au vu du nouveau mandat du président russe». Le porte-parole Lorenz Frischknecht précise: «Cette lettre contient des messages de condoléances pour les victimes de l'attentat terroriste du 22 mars à Moscou et pour les personnes touchées par les récentes inondations qui ont frappé plusieurs régions de Russie.»
Le DDPS précise également que la lettre est une «invitation au dialogue en des temps difficiles». La présidente de la Confédération y explique la position de la Suisse, pour qui le respect du droit international et des droits de l'homme, ainsi que les principes universels inscrits dans la Charte des Nations unies, «doivent constituer la boussole pour la recherche de la paix et de la prospérité».
Le DDPS précise toutefois que cette lettre ne doit pas être considérée comme un message de félicitations pour la victoire électorale. Le porte-parole Frischknecht déclare : «La lettre n'est pas une lettre de félicitations».
Les félicitations font partie des usages diplomatiques
Sur la scène internationale, il est d'usage, sur le plan diplomatique, que les chefs d'Etat se félicitent mutuellement de leur réélection. Mais de nombreux chefs d'Etat ne suivent plus cette tradition avec Poutine, depuis l'attaque de ce dernier contre l'Ukraine. Le président russe a non seulement réduit des villes entières en cendre, mais a aussi pulvérisé l'ordre européen d'après-guerre.
La semaine dernière, dans les jours qui ont suivi la réception de la lettre de Berne à Moscou, la Russie a une nouvelle fois frappé l'Ukraine avec des tirs de missiles, faisant des dizaines de morts parmi les civils et des centaines de blessés.
Les préparatifs de la conférence de paix sur l'Ukraine ont commencé
La conseillère fédérale du Centre Viola Amherd s'est toujours montrée solidaire de l'Ukraine et a assuré Kiev de son soutien. Pas plus tard qu'en février, elle s'est adressée à la population ukrainienne dans un message vidéo, à l'occasion de l'anniversaire de l'attaque russe: «Depuis deux ans, vous vivez les horreurs d'une guerre à grande échelle». La Suisse rend hommage aux «énormes sacrifices» consentis chaque jour. «Nous vous assurons de notre soutien et de notre solidarité continus. Vive la démocratie.»
Désormais, ce sont les préparatifs de la conférence de paix sur l'Ukraine au Bürgenstock, dans le canton de Nidwald, qui occupent les esprits en Suisse. La liste des invités n'est pas encore définitivement arrêtée. Selon le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), les invitations seront envoyées à environ 120 Etats dans les semaines à venir.
Des invités de haut rang, mais pas russes
Une chose est désormais certaine: les participants seront triés sur le volet. Outre le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le président américain Joe Biden devrait faire le déplacement. Le Conseil fédéral espère en outre recevoir des pays comme l'Inde, l'Arabie saoudite ou la Chine.
La Russie n'est toutefois pas invitée. Il y a une semaine, Vladimir Poutine avait d'ailleurs critiqué le fait que la Russie ne soit pas conviée au Bürgenstock, parlant d'un «cabinet de curiosités». Tout le monde reconnaît malgré tout que rien ne peut être décidé sans Moscou. L'absence de la Russie a également alimenté les critiques selon lesquelles la Russie refusait les négociations.
Le ministre des Affaires étrangères Lavrov a été encore plus clair lorsqu'il a qualifié vendredi la Suisse de «pays hostile». Selon lui, la Confédération a abandonné sa neutralité dans le conflit ukrainien et n'est donc pas en mesure de mener des négociations de paix, une critique à laquelle la Berne fédérale n'a pas réagi.