Après les élections suédoises
Stockholm, nouvelle capitale de la colère européenne

Bienvenue dans le nouveau paysage politique européen: à l'issue des élections législatives de dimanche, la Suède est un pays coupé en deux, où le parti d'extrême-droite fait une perçée historique. Une préfiguration de ce qui peut se passer en Italie le 25 septembre.
Publié: 12.09.2022 à 09:53 heures
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Dernière mise à jour: 12.09.2022 à 12:59 heures
La Première ministre sortante sociale-démocrate, Magdalena Andersson, croit encore à la victoire possible. Les résultats officiels des législatives seront connus mercredi. Le parti d'extrême droite anti-immigration fait une percée avec plus de 20% des suffrages et les deux blocs de droite et de gauche sont au coude à coude, autour de 175 sièges
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

La Suède n’est décidément plus ce modèle politique scandinave de modération et de social-démocratie triomphante. Même si la Première ministre sortante, Magdalena Andersson, parvient, in extremis, à sauver sur le fil sa majorité dans les prochains jours, le verdict des élections législatives de dimanche est sans appel. Le pays de 10,5 millions d’habitants est coupé en deux. Les «Démocrates de Suède» (ou SD, pour Sverigedemokraterna, en suédois), le parti d’extrême droite anti-immigration, dépasse les 20% des suffrages, record électoral jamais atteint. Les résultats seront connus mercredi. Le bloc de droite est présumé vainqueur de justesse. Bienvenue dans le nouveau paysage politique européen, où la division dans les urnes transforme chaque scrutin en poudrière. Pour mémoire, la Suède assumera la présidence tournante de l'UE de juin à juin 2023.

Patience jusqu’aux résultats définitifs

Il faut encore patienter avant de tirer toutes les leçons du vote dominical des Suédois, puisque la coalition de droite appuyée par «les Démocrates de Suède» n’est pas encore certaine d’obtenir la majorité au Riksdag, le parlement de 349 députés, doté d’une seule chambre. Mais déjà, un enseignement est clair dans ce pays où les échos de la guerre en Ukraine sont d’autant plus forts que la Russie est géographiquement très proche, au point d’avoir poussé le gouvernement de Stockholm a renoncé à sa neutralité en mars dernier pour se rapprocher de l’Otan: l’heure de la fracture est venue.

L’heure des fractures

Fracture sur les questions d’immigration, principal carburant politique du leader du SD, Jimmie Akesson, qui voit dans l’arrivée d’étrangers musulmans «la plus grave menace depuis la seconde guerre mondiale». Fracture autour de l’appartenance à l'Union européenne, même si celui-ci a renoncé à demander le «Swexit», le divorce entre Stockholm et Bruxelles. Fracture autour de l’engagement européen aux côtés de l’Ukraine: l’abandon de la neutralité suédoise, soutenu au dernier moment par le leader de l’extrême droite, est devenu un repoussoir pour une partie des électeurs de gauche qui ont boudé les urnes.


Quelles leçons en tirer avant la publication des résultats officiels mercredi, et à deux semaines des élections législatives italiennes du 25 septembre, pour lesquelles les sondages donnent une nette avance au parti post-fasciste «Fratelli d’Italia» de Giorgia Meloni?

Les leçons du scrutin

La première leçon est la normalisation inarrêtable des partis de droite dure à travers l’Europe. En Suède, cela est encore plus évident. Le SD, fondé en 1988 par un ancien militant néonazi, sentait le soufre jusque dans les années 2000. Son leader actuel, un entrepreneur de 43 ans, a réussi à incarner le «suédois normal» et à intégrer, au parlement, des coalitions ad hoc sur des projets de lois. Impossible aujourd’hui de caricaturer cette formation qui a rallié une partie de l’électorat social-démocrate d’hier. «Jimmie Akesson incarne le voisin vivant dans un lotissement abordable dans une petite agglomération» a expliqué à l’AFP Jonas Hinnfors, professeur en sciences politiques à l’université de Göteborg. Ceci, alors qu’il y a quelques années, ses racines néo-nazies étaient constamment évoquées.

Gauche écartelée

Seconde leçon: entre la gauche radicale et le centre gauche, les coalitions deviennent de plus en plus compliquées à conduire. Au pouvoir depuis huit ans, la gauche suédoise est, de facto, écartelée, et le débat sur la neutralité a accru ce fossé. On retrouve ici des paramètres connus en Italie, en France ou en Espagne: plus le curseur de la colère sociale augmente, plus il devient difficile pour le centre gauche d’exister, surtout dans des pays comme la Suède où la proportionnelle intégrale émiette le parlement. Les 349 sièges du Riksdag sont attribués aux partis réalisant au moins 4%. Sur un modèle assez similaire, ce qui se passera en Italie sera donc très emblématique de la nouvelle donne politique européenne.

Recomposition de la droite

Troisième leçon: la recomposition annoncée de la droite. La droite traditionnelle, modérée, est créditée en Suède de 19% des suffrages, derrière le SD. Les contours du camp conservateur ont explosé. Sauf à ce que les centristes et les sociaux-démocrates optent pour une «grande coalition» qui exclurait l’extrême-droite, celle-ci sera associée au pouvoir.

Là aussi, le parallèle avec l’Italie est frappant, malgré les milliers de kilomètres de distance entre les deux pays et des cultures politiques très différentes. Dans la péninsule, Giorgia Meloni a ainsi prévenu ses partenaires de droite que leur candidat à la présidence du conseil devra être le leader de la formation arrivée en tête des urnes. Façon claire de dire qu’elle ne se laissera pas marginaliser.

Ce qu’il faut retenir

Suède-Italie: voilà ce qu’il faut retenir. La guerre en Ukraine a redistribué les cartes stratégiques sur le continent européen en affaiblissant, pour l’heure, les forces politiques pro-russes traditionnellement fortes du coté de l’extrême-droite (Akesson, comme Meloni soutiennent l’Otan et la résistance à Vladimir Poutine). Mais elle pousse ces partis sur le devant de la scène en augmentant les tensions sociales liées au pouvoir d’achat et au sujet de discorde majeure qu’est l’immigration non européenne.

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