Visite papale à Marseille
Entre les catholiques français et le Pape François, la fracture des migrants

Le Pape François a fait de l'accueil aux migrants un thème central de son pontificat. Sa visite à Marseille lui permettra de relancer son appel à la générosité. Mais beaucoup de catholiques français disent non.
Publié: 22.09.2023 à 17:01 heures
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C'est à la basilique Notre Dame de la Garde, qui domine Marseille, que le pape François célébrera sa première messe ce vendredi 22 septembre.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Le quotidien catholique Français «La Croix» ne veut pas succomber aux passions tristes des fidèles. Dans son édition spéciale consacrée à l’arrivée du Pape François à Marseille ce vendredi 22 septembre, le journal consacre plusieurs articles à l’accueil des migrants, et à l’aide que doit apporter la France à l’Italie pour faire face à l’afflux de demandeurs d’asile sur l’île de Lampedusa.

Logique. «La Croix» représente l’aile sociale de l’Église catholique française, après avoir été longtemps un quotidien très ancré à droite, et coupable d’attaques au vitriol contre les juifs comme l’a montré cet été une remarquable enquête publiée dans ses pages. Mais que pèse le journal dans l’électorat catholique français? La voix du Pape est-elle entendue à l’unisson par les fidèles dans cette République dont un citoyen sur deux se définit aujourd’hui comme catholique?

Le pape et les migrants en images

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Pas sûr. Car cette population catholique française n’est pas monolithique. Tous reconnaissent bien sûr l’autorité du souverain pontife âgé de 86 ans, très affaibli par la maladie. Il célébrera dès ce vendredi un message à la basilique Notre-Dame-de la-Garde qui domine la Méditerranée. On connaît le surnom de cette superbe église: la «bonne mère», synonyme de générosité. Sauf que les fractures mondiales et françaises ont accouché de divisions chez les fidèles.

Selon un sondage de l’IFOP de 2018, ceux-ci se divisent en plusieurs catégories: les «catholiques multiculturalistes» (21% de l’échantillon), les «catholiques libéraux» (24%), les «catholiques en insécurité culturelle» (22%), les «nationalistes sécularisés» (18%) et les «catholiques nationalistes» (15%). Les appellations sont prudentes, mais l’on comprend que les trois dernières désignent des catholiques inquiets pour leur identité, et sans doute plus sensibles à la thèse du «grand remplacement» par des immigrés musulmans, distillée par l’extrême droite.

Marseille, ville métisse

Marseille est une métropole de nouveau dirigée par la gauche depuis 2020. En 2022, Emmanuel Macron y est arrivé nettement en tête avec 55% des suffrages devant 40% pour la candidate du rassemblement national Marine Le Pen. Mais les catholiques, comment votent-ils, eux? Et comment se positionnent-ils sur les migrants?

Premier point selon l’IFOP, une majorité se dessine en faveur de l’accueil. 61% refusent la fermeture totale des frontières et 71% soutiennent l’intégration par le travail. Bien noté. On note aussi qu’un catholique français sur deux a fait un don ou une action en faveur des migrants depuis un an. Une proportion qui reste élevée, même parmi les groupes les plus hostiles à l’accueil de l’étranger.


Attention toutefois, la fracture guette. L’opinion des catholiques se lézarde. Bloc contre bloc. «Comme l’ensemble des Français, les catholiques se préoccupent de l’identité de leur pays note l’IFOP. 47% pensent qu’elle est en train de disparaître, quand 47% pensent le contraire. Ils ont un avis assez tranché sur la question: seuls 6% ont choisi l’item refuge 'ni d’accord ni pas d’accord'. 54% pensent que la France doit revendiquer ses racines chrétiennes, dont 69% des pratiquants. Cette demande est plus forte parmi ceux qui soutiennent des positions très fermées sur l’Islam et sa compatibilité avec la société française ou sur la capacité des migrants à s’intégrer.»

Une fracture à mettre en rapport avec un chiffre préoccupant, toujours dans un sondage de l’IFOP réalisé lui au début septembre de cette année: 82% des Français estiment que l’immigration est un sujet dont on ne peut pas parler sereinement en France. 65% considèrent que la France compte déjà beaucoup d’étrangers et qu’accueillir des immigrés supplémentaires n’est pas souhaitable. 61% considèrent qu’on ne peut pas accueillir plus de migrants.

Quelles réactions face au pape François?

Quelles réactions peut-on attendre au discours du pape François dont les appels à la générosité et à l’humanité sont récurrents? «S’il parle immigration raisonnée, il n’emballera pas les foules. S’il parle de générosité, d’ouverture, de fraternité et d’amour universel, il les emballera. Donc, il faut s’attendre à ce qu’il divise les catholiques sur ce sujet en faisant passer la générosité avant la raison» juge sur le site conservateur Atlantico le philosophe et théologien Bertrand Vergely.

Avec cette nuance de l’auteur catholique Damien Le Guay, toujours sur Atlantico: «Le pape va se rendre à Marseille qui est le lieu d’un catholicisme particulier, plus ouvert, plus populaire, plus accueillant de par sa géographie et la composition de sa population. Ce qui contraste avec le fait que les discours prononcés jusqu’alors par le pape François sur l’immigration ont heurté beaucoup de catholiques européens.»

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