C’est le sondage qu’Emmanuel Macron redoutait. Non diffusé en France, où la loi exige le silence médiatique sur le dernier jour de campagne avant le vote de dimanche – elle ne s'applique pas aux médias publiés à l'étranger, comme Blick en Suisse – cette enquête d’opinion, que nous avons consulté, crédite la liste de Jordan Bardella de 32% des intentions de vote, contre 15% à la liste «Renaissance» de la majorité présidentielle.
S’y ajoute les 5% recueillis par la liste «Reconquête» de Marion Maréchal, ce qui permettrait à l’extrême-droite nationaliste de totaliser près de 40% des suffrages au soir du 9 juin. Les forces très hostiles aux institutions communautaires et à la Commission européenne pourraient donc obtenir près de 40 eurodéputés sur les 81 que la France va envoyer au Parlement de Strasbourg – qui en comptera désormais 720.
Notre série sur les élections européennes
Derrière ces 32%, un fossé sépare les autres listes de celle du Rassemblement national. Et dans ce fossé, la bataille s’annonce très serrée entre la majorité présidentielle et la liste socialiste menée par Raphaël Glucksmann. 15% pour les pro-Macron, conduits par Valérie Hayer. 14,5% pour la liste soutenue par le PS. Dans la marge d’erreur, il est impossible de savoir qui l’emportera. En 2019, à la surprise des instituts de sondage, la liste «Renaissance» du camp présidentiel avait effectué une «remontada» pour arriver au coude à coude, autour de 22% avec le RN. mais c’était il y a cinq ans. Aujourd’hui, le risque d’une humiliante défaite ne peut pas être écarté pour le Chef de l’État qui répète sans cesse, depuis son dernier grand discours prononcé à la Sorbonne le 25 avril que «l’Europe est mortelle».
Les leçons d’avant scrutin
Attention, d’autres leçons pré-scrutin peuvent être tirées de ce sondage. La première, peut être la plus importante, est que le camp des proeuropéens, reste devant celui des nationaux-populistes dans les intentions de vote. La liste de la gauche radicale de Manon Aubry est créditée de 9,5% des voix. Celle de François Xavier Bellamy pour la droite traditionnelle obtiendrait 7%. Ces deux formations, très critiques sur l’Union européenne et la Commission présidée depuis cinq ans par Ursula von der Leyen, ont toutefois durci leurs discours et leurs attaques durant la campagne.
Retrouvez le discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne
Il faudra donc faire le compte dimanche soir, et le risque est de se retrouver devant une France coupée en deux face au projet européen, comme cela fut le cas lors du fameux référendum de mai 2005 sur le projet de Traité constitutionnel. Les électeurs français l’avaient alors rejeté à 54,7% des voix, avant que le président Nicolas Sarkozy, élu en 2008, réintègre une partie des dispositions rejetées via un vote parlementaire, pour faire approuver le Traité de Lisbonne.
Bonne participation
La mobilisation des électeurs s’annonce bonne. Un électeur sur deux devrait faire le déplacement et voter ce dimanche selon cette enquête. Pour rappel, 38 listes se disputent les suffrages des Français et un grand perdant semble annoncé dans le camp des proeuropéennes: les Verts, dont la liste conduite par Marie Toussaint plafonnerait à 5,5%. Il faut, en France, au moins 5% des voix pour obtenir des élus à Strasbourg et 3% pour être remboursés des frais de campagne. Cette bonne participation s’est vérifiée dans les premiers pays qui ont voté, comme les Pays-Bas, où les électeurs étaient conviés aux urnes le 6 juin. Avec 46,5%, la participation y a été supérieure de 5% à celle de 2019.
Pas de Frexit, mais une opinion divisée
La dernière journée de réflexion avant le vote peut-elle changer la donne? Du côté des nationaux populistes, c’est très peu probable. Aussi bien pour le RN que pour Reconquête, le parti d’Eric Zemmour, la certitude des électeurs d’aller déposer leur bulletin dans l’urne est supérieure à 80%. Idem pour le camp Macron, dont les soutiens affirment à 83% qu’ils voteront pour «Renaissance».
La preuve est faite, une fois encore, que la question européenne divise la France entre une partie de la population favorable à une souveraineté partagée au niveau de l’Union, et une autre résolue à l’empêcher. Et ce, même si les seules listes favorables au Frexit, c’est-à-dire à un divorce net de la République avec l’UE, celles de François Asselineau et Florian Philippot, ne sont créditées que de 0,5% et 1% des suffrages.