Seul. Toujours plus seul. Connu pour son goût de la présidence «jupitérienne», à la fois verticale et basée sur un entourage restreint de quelques conseillers, Emmanuel Macron est plus que jamais confronté à son isolement. Réélu le 24 avril 2022 avec 58% des voix, le chef de l’État français n’a, depuis cette victoire, pas réussi à reconquérir les opinions favorables d’une majorité de ses compatriotes.
La preuve: en pleine bataille sur la réforme des retraites, et à l’issue d’un round très tumultueux de débat à l’Assemblée nationale en première lecture, seules 32% des personnes interrogées par l’institut IFOP lui font encore confiance. Il s’agit du score le plus bas depuis son arrivée à l’Élysée, en mai 2017. Constat terrible: Macron est désormais menacé par une impopularité chronique, comme cela fut le cas pour son prédécesseur et ancien patron François Hollande, dont il fut le conseiller puis le ministre de l’Économie.
Une situation logique
Cette situation n’a rien de surprenant. Le directeur des études de l’IFOP, Frédéric Dabi, redit ces jours-ci sur tous les plateaux télévisés que ce baromètre politique ne fait que refléter «la logique classique de la Ve République, avec un président qui paie une réforme impopulaire». Soit. Mais en théorie, deux facteurs au moins devraient, au contraire, doper l’indice de confiance présidentiel.
Le premier est le conflit en Ukraine, qui fait du locataire de l’Élysée, chef des armées, un président sur le pied de guerre et un acteur de premier plan de la coalition internationale de soutien à Kiev. Le second est le front du chômage, sur lequel l’offensive macroniste lancée depuis plusieurs années pour rendre plus flexible le marché du travail porte ses fruits.
Avec 7,2% de demandeurs d’emploi en ce début 2023, la France s’éloigne du triste record de 10,5% de chômeurs de 2015-2016. Mieux: le plein-emploi (considéré, en France, autour de 5% de chômeurs) reste un objectif atteignable en fin de second mandat. Seulement voilà: ni l’un, ni l’autre de ces facteurs n’endiguent l’actuelle chute de la popularité du président.
La raison? Il y en a en fait au moins quatre, si l’on compile les résultats croisés des élections législatives de juin 2022 (qui ont abouti à une majorité relative pour l’exécutif à l’Assemblée nationale), les enquêtes d’opinion et les baromètres de confiance.
- Avec cette réforme des retraites centrée sur le report à 64 ans de l’âge de départ (contre 62), Emmanuel Macron a remobilisé contre lui un large front social, politique et syndical. Un front qui, après plusieurs journées de mobilisation réussies, vient de fixer un nouveau rendez-vous le 7 mars.
- Le président français n’a pas réussi jusque-là à convaincre sur l’Ukraine. La bonne nouvelle pour lui est que les camps traditionnellement pro-russes et pro-Poutine, du côté de la droite nationale populiste et de la gauche radicale, ont perdu du terrain. Mais à la différence de l’Allemagne où une union nationale en faveur de Kiev a fini par émerger, le paysage politique français demeure fracturé à ce sujet.
- Le second mandat d’Emmanuel Macron ne fait que commencer. Et l’idée selon laquelle une Assemblée nationale éclatée, sans majorité absolue pour le président, pourrait accoucher d’une culture de compromis, ne s’est pas confirmée. Au contraire. La bataille des retraites démontre que le président n’a que deux options: soit rallier la droite traditionnelle (ce qui est l’objectif actuel de la Première ministre Élisabeth Borne), soit gouverner par la procédure d’urgence du 49.3 utilisée ces dernières semaines pour faire voter le budget, et de nouveau activable pour la réforme des retraites si besoin. Or qui dit absence de compromis au parlement dit bataille politique sans merci dans l’opinion.
- L’actuel casting du gouvernement ne facilite pas les choses. Aucun ministre ne sort vraiment du lot, en termes de popularité. La cheffe du gouvernement, technocrate tenace, manque cruellement de charisme. Le leader centriste François Bayrou est (presque) aux abonnés absents. L’ancien Premier ministre Edouard Philippe, préoccupé par son changement d’apparence physique due à une maladie bénigne, prépare sa prochaine candidature présidentielle et voyage à l’étranger. Bref: la Macronie ressemble presque à un désert bien éloigné de ce tremplin politique prometteur qu’était le mouvement «En Marche» en 2017.
Emmanuel Macron, à la conférence de Munich
Emmanuel Macron peut-il, dans ces conditions, présider la France jusqu’en mai 2027, échéance de son second mandat non renouvelable? Sur le plan institutionnel, la réponse est oui. Sur le plan politique, c’est beaucoup moins sûr. Imaginer quatre budgets de suite approuvés par la procédure d’urgence du 49.3 laisse pensif, à l’heure où la dette publique de la France devrait officiellement atteindre 3000 milliards d’euros en mars, soit 113% de son Produit intérieur brut annuel.
Problème: dissoudre l’Assemblée nationale, comme le permet la constitution, risquerait d’aboutir à un paysage politique encore plus éclaté, et à une cohabitation déréglée entre un président certes légitime, mais confronté à des oppositions toujours plus radicales. Autre solution a priori rejetée pour le moment: un référendum auquel Emmanuel Macron lierait son sort politique personnel, comme le fit en 1969 le Général de Gaulle, qui quitta le pouvoir après l’échec de son projet de réforme constitutionnelle visant à modifier la composition du Sénat. L’une des thèses évoquées à Paris est celle d’un référendum, a priori populaire, sur le retour au septennat. L’Élysée a, en la matière, entamé des consultations.
Sur les retraites, la bataille de l’opinion
L’alliance avec la droite
Que reste-t-il donc? Pas grand-chose. Sinon de tenir bon et de miser pour l’avenir de ce second mandat sur l’alliance avec la droite. Ce qui pourrait conduire Emmanuel Macron à nommer à la tête du gouvernement une personnalité issue de ce camp politique, comme l’espère, dit-on, l’ancien président Nicolas Sarkozy.
L’impopularité chronique est un fossé dont il est toujours, en politique, possible de sortir. Attendre est donc aujourd’hui la solution la plus crédible pour ce jeune président fonceur dont certains disent qu’il se verrait bien, à l’horizon 2032, solliciter de nouveau les suffrages de ses compatriotes. Il n’aura alors que 55 ans.