Il ne pourra jamais le dire franchement. Même lors de sa conférence de presse très attendue ce mercredi à 11 heures, trois jours après avoir dissous l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron n’ira sans doute pas jusqu’à dévoiler les dessous de cette décision très controversée. Et pourtant, voici ce qui l’a sans doute conduit à convoquer de nouvelles élections législatives en urgence.
Il pense que les Français l’aiment encore
Il n’y a rien de plus difficile que d’avouer un désamour. La preuve: Emmanuel Macron, surnommé «Jupiter» au début de son mandat pour son omniprésence sur tous les dossiers et son goût de la verticalité quasi monarchique, n’accepte pas de voir la réalité en face. Une partie du pays s’est mise à le détester, tout simplement. Il ne le voit pas, car il est protégé par la sécurité présidentielle. Il croit que ce n’est pas vrai, car il a été réélu en avril 2022 avec 58,5% des suffrages. Il pense que les Français l’aiment encore, lui si jeune, si brillant, si capable de diagnostiquer le monde tel qu’il est. Problème: il se trompe. Il fait face à un bloc de protestations et de colère alors que son socle électoral, lui, n’a pas varié depuis 2017, soit environ 25% des électeurs.
Il estime que Bardella et Le Pen sont nuls
On peut employer ces mots, parce qu’ils correspondent à ce que l’on peut entendre depuis sept ans dans les couloirs du palais présidentiel français. Emmanuel Macron le surdiplômé, l’hyperrapide, l’ancien banquier d’affaires capable de s’exprimer en anglais à la télévision, pense que ses deux adversaires les plus coriaces sont médiocres. Il revient toujours aux deux débats télévisés de l’entre-deux tours présidentiel, en 2017 et 2022. Il a, alors, nettement dominé la candidate du Rassemblement national. Pour lui, c’est clair: il est le meilleur. Point.
Il en a marre des Français
C’était en août 2018, au Danemark, un pays souvent cité en exemple pour son modèle social et ses lois très fermes sur l’immigration. Interrogé sur les Français qui se préparent à manifester contre ses premières réformes – la crise des «gilets jaunes» interviendra quelques semaines plus tard – Macron plaisante sur les «Gaulois réfractaires». On l’a compris ce jour-là: ce président ressemble plus à Jules César (y compris physiquement) qu’à Astérix. Et depuis 2017, il ne cesse de buter sur le village irréductible nommé France. Ras-le-bol…
Il croit à la loi du porte-monnaie
Emmanuel Macron a brièvement été banquier d’affaires chez Rothschild. Il a durement négocié avec Nestlé, qui rachetait à l’époque une branche de Pfizer, et il s’est enrichi à l’occasion. Il aime les puissances d’argent, les multinationales, les milliardaires. Il est un homme clé de Davos, la réunion annuelle du World Economic Forum. Et il croit surtout que ses compatriotes, sans cesse dans la rue pour protester, pensent d’abord à leur porte-monnaie. Or Le Pen et rébellion, ou Mélenchon, c’est le risque XXL sur la crédibilité économique de la France. Son raisonnement: in fine, les électeurs préféreront «Jupiter» à la faillite programmée.
Il veut finir de tuer la droite
Macron est un destructeur. Il est arrivé au pouvoir en 2017 sur les ruines de la gauche sociale-démocrate, dont il a précipité l’éclatement, après un quinquennat de François Hollande marqué par la rébellion de la gauche radicale. Il juge maintenant que la droite est pulvérisée «façon puzzle», pour reprendre l’expression des «Tontons Flingueurs». Il sait que son programme économique plaît à l’électorat bourgeois. Il pense que les grands barons de la droite n’ont pas du tout intérêt à donner une chance au Rassemblement national d’accéder au pouvoir. Il entame cette campagne électorale sabre au clair. Pour déchiqueter ce qui reste du camp conservateur.