A l’ère du visage glowy, les injections faciales sont devenues un phénomène de masse. Acide hyaluronique, stimulation de collagène ou botox (toxique botulique), ces fameux «fillers» comblent les ridules et sillons du visage, donnent du volume aux lèvres trop minces et aux pommettes, «réourlent» le contour de la bouche ou redessinent le menton. Et les entreprises leaders dans ce domaine connaissent de notable succès, comme en témoigne la toute récente entrée en bourse de Galderma, un groupe pharmaceutique suisse qui produit notamment des biostimulateurs de collagène et qui s’est hissé au rang des leaders mondiaux de la dermatologie esthétique et correctrice.
A ces produits de comblement s’ajoutent encore les hydratants injectables (skin boosters), qui veulent stimuler plutôt que combler. La pratique séduit non plus seulement les femmes d’âge mûr, mais aussi de plus en plus d’hommes et tout un public de jeunes de la génération Z, avec lesquels naît le concept de «préjuvénation» (prévention du vieillissement dès le plus jeune âge) et baby botox (injections microdosées).
Un marché de 37 milliards d’ici 8 ans
L’engouement pour les micro-injections faciales a propulsé le chiffre d’affaires de la médecine esthétique à des niveaux inédits. On observe en effet une forte croissance des fabricants de ces produits, qui intéressent de plus en plus les investisseurs. Car l’expansion devrait se poursuivre ces prochaines années. Tous produits confondus, le marché des injections faciales s’élevait à 19 milliards de dollars en 2023 et devrait atteindre 37 milliards d’ici 2032.
Le marché de l’acide hyaluronique (tous usages confondus), qui a supplanté le collagène, a connu la plus forte croissance, à 10 milliards en 2023 et devrait croître à un taux composé de 7,7% entre 2024 et 2030. Le chiffre d’affaires du botox, quant à lui, poursuit sa progression et devrait passer de 5,6 milliards de dollars en 2022 à 11 milliards en 2030. Rien qu’aux Etats-Unis et aux Canada, le marché des fillers devrait dépasser les 5 milliards par an en 2025, selon un rapport de McKinsey. Le consultant calcule que le marché des neuromodulateurs (botox) et des dermofillers (acide hyaluronique et autres) aura connu une croissance de 14% entre 2021 et 2025.
Multiplication des canaux de vente
Tandis que les réseaux sociaux contribuent à normaliser le phénomène, la clientèle grandit aussi en Europe et en Suisse. Le marché européen des injections faciales devrait ainsi dépasser les 3,2 milliards de dollars d’ici à 2030, selon Fortune Business Insights. En conséquence, les canaux de vente se multiplient: instituts de dermatologie, cliniques, med-spas, beauty bars, etc. Une fois lancés, les visages qui s’y aventurent ne peuvent plus s’en passer, car l’effet des micro-injections ne dure que 6 à 18 mois.
Avec les excès que l’on connaît, à savoir «l’over fill syndrom» (syndrome d’excès de comblement) qui donne même à des visages jeunes l’air d’être des visages âgés cherchant à paraître jeunes… C’est l’un des effets de la massification du marché. McKinsey identifie une base de consommateurs toujours plus large et diversifiée, avec 15% à 20% de personnes sondées prêtes à franchir le pas chaque année.
Aux Etats-Unis, les injections d’acide hyaluronique ont augmenté de 70% entre 2019 et 2022, selon l’association américaine des chirurgiens plastiques. En 2022, 27% des utilisateurs de botox aux Etats-Unis avaient moins de 34 ans, contre 21% en 2015. Faire des injections de fillers, mais aussi les dissoudre, fait partie du business des professionnels de la médecine esthétique, qui n’ont jamais été autant sollicités.
Galderma valorisée à 14 milliards
Parmi les prestataires qui profitent du phénomène, on compte le groupe suisse cité plus haut: Galderma, spécialiste des soins de la peau basé à Zoug, a réalisé un chiffre d’affaires record en 2022 et 2023. Un succès qui durait depuis des années et qui a encouragé son propriétaire, le fonds d’investissement suédois EQT, à coter le quart du capital en bourse. Issue à l’origine d’une co-entreprise entre Nestlé et L’Oréal, Galderma, l’entreprise a été rachetée par EQT en 2019. Son entrée à la bourse suisse a eu lieu ce 22 mars et sa valeur boursière atteint 14 milliards.
Parmi les autres acteurs, on compte principalement des groupes américains comme le géant du marché du botox, Allergan Aesthetics, qui appartient à la Big Pharma américaine AbbVie, dont le cours boursier a doublé sur 5 ans. Au niveau mondial, Allergan réalise près de 5 milliards de chiffre d’affaires par an dans les produits à base de botox.
Autre succès américain, Suneva Medical, qui fabrique un stimulateur de collagène et a réalisé 50% de croissance composée entre 2020 et 2024. Parmi les autres acteurs de taille, on compte aussi le laboratoire français Ipsen, les groupes coréens Medytox et Daewoong, et l’allemand Merz Pharmaceuticals. Un marché en plein essor: la Chine. A cet égard, on compte un acteur de l’Empire du Milieu, Huadong, coté à la bourse de Shenzen, qui a racheté en 2018 le spécialiste du collagène Sinclair Pharma pour devenir l’un des leaders du secteur.
Parmi les acteurs des hydratants injectables, un marché en plein essor, les acteurs suisses sont parmi les mieux positionnés. On peut citer les skin boosters de IBSA, une pharma suisse basée à Lugano, mais également ceux de la zougoise Galderma, ainsi que ceux de Juvéderm, qui appartient à Allergan Aesthetics. Ces traitements injectables à l’acide hyaluronique en microgouttelettes, censés booster l’hydratation, coûtent entre 600 et 1200 dollars l'intervention, soit le prix d’un comblement classique, explique le journal en ligne l’ADN. Une chose est sure: après la «filler fatigue» de 2020-2022, qui a vu un pic de dissolutions d’injections, le marché semble se reprendre pour poursuivre le rêve des millions de visages qui aimeraient encore s’y essayer, en surface ou en profondeur.