Les opérations de chirurgie esthétique ont connu un boom pendant la crise Covid. Liposuccion, rhinoplasties ou augmentations mammaires... de nombreuses personnes ont passé le cap du bistouri.
Sauf que voilà: toutes les opérations ne se soldent pas forcément par un succès. Le côté peu reluisant de cette nouvelle mode apparaît désormais au grand jour: les hôpitaux suisses enregistrent une hausse des complications dues aux interventions esthétiques.
Interrogés par le SonntagsBlick, les hôpitaux universitaires de Zurich et de Bâle ainsi que le groupe Insel à Berne font état d’une «tendance à la hausse» au cours des derniers mois et années.
Gare aux liposuccions et autres liftings
Le groupe Insel traite chaque année une vingtaine de patients à la suite d’une opération de chirurgie esthétique ratée. De son côté, l'hôpital universitaire de Bâle parle de 20 à 30 cas. A l’hôpital universitaire de Zurich, ce sont entre 50 à 60 patients qui sont traitées chaque année pour des complications aiguës. A noter que les personnes opérées qui ne sont pas satisfaites du résultat d’une intervention et qui souhaitent une correction ne sont pas comprises dans ce chiffre.
Les hôpitaux ne sont pas en mesure de déterminer quelles opérations esthétiques présentent le plus grand risque. «En principe, toute intervention chirurgicale peut entraîner une complication», explique Nicole Lindenblatt, directrice adjointe de la clinique de chirurgie plastique et de chirurgie de la main à l’hôpital universitaire de Zurich. Les opérations des seins et les interventions de remodelage du corps comme la liposuccion ou le lifting des tissus étant les plus fréquentes, c’est dans ce domaine que l’on traite le plus de patients présentant des complications.
L’assurance passe à la caisse
Le nombre croissant de cas de complications fait ainsi grimper les coûts de la santé en Suisse. Le groupe Insel estime que les coûts par patient hospitalisé vont de 10'000 à 20'000 francs. En règle générale, ces coûts sont pris en charge par l’assurance de base. «La caisse maladie prend en charge les frais de traitement des complications, y compris celles résultant d’interventions esthétiques – dans la mesure où celles-ci impliquent des problèmes de santé», précise Nicole Lindenblatt. Il s’agit par exemple de troubles de la cicatrisation, d’infections, d’hémorragies secondaires ou de thromboses.
Les opérations esthétiques ratées sont donc finalement payées par la collectivité. Cela peut paraître choquant, mais pour la faîtière des assurances maladie santésuisse, cela va de soi: «L’un des principes fondamentaux de l’assurance maladie est que les frais de guérison sont en principe payés sans condition – c’est-à-dire indépendamment des choix de chacun», explique le responsable de la communication de l'association, Matthias Müller.
«Ce credo ne s’applique pas seulement aux opérations de chirurgie esthétique, mais aussi à la consommation de tabac ou d’alcool, au manque d’exercice physique ou à des loisirs à risque», ajoute-t-il.
Le communicant précise ne pas savoir à combien s’élèvent les coûts totaux occasionnés à la suite de complications liées aux opérations de chirurgie esthétique: «Nous ne disposons pas des données nécessaires pour livrer une estimation. En règle générale, la facture de l’hôpital ne permet pas de savoir si un séjour est la conséquence d’une opération esthétique ratée.»
Ratés souvent à l’étranger
Pour le professionnel, les chirurgiens esthétiques devraient être tenus pour responsables des erreurs qui entraînent des traitements ultérieurs. «Toutefois, une causalité directe est souvent difficile à prouver – d’autant plus si l’opération a eu lieu à l’étranger», explique Matthias Müller.
Comme les hôpitaux s’accordent à le dire, c’est pourtant le cas la plupart du temps. L’hôpital universitaire de Zurich a même fait une évaluation à ce sujet. Résultat: 80% des patients présentant des complications aiguës ont été opérés à l’étranger, 20% seulement en Suisse.
La Confédération et les cantons sont quelque peu impuissants face à cet état de fait, estime le responsable communication de santésuisse. Pour lui, la seule façon de réduire le nombre de victimes de négligence est d’informer la population: «Informer les potentiels patients que les opérations de chirurgie esthétique sont risquées dans certains pays pourrait aider.» Il ajoute que, pour ce faire, il faudrait tout d'abord disposer d'un certain nombre de statistiques.
Malheureusement, le domaine reste encore trop peu étudié. A l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), l’intérêt pour ce sujet semble minime. Interrogé par le SonntagsBlick, l'office a fait savoir qu'il ne s’occupait que des cas considérés comme étant des maladies. Les opérations de chirurgie esthétique n’en faisant pas partie, ces dernières relèvent, pour l'autorité sanitaire, du domaine privé.
(Adaptation: Valentina San Martin)