Quelque 3000 francs et deux centimètres de petites lèvres en moins, c’était le prix à payer pour que Sarah* se sente bien dans sa peau. Il y a à peine six mois, la jeune femme de 25 ans a décidé d’opter pour une nymphoplastie, une opération chirurgicale qui vise à corriger l’apparence de la vulve. En effet, la Zurichoise détestait l’aspect de son sexe: ses petites lèvres étaient plus développées que les grandes lèvres et dépassaient de ces dernières.
Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, la vulve de Sarah lui paraît plus symétrique, plus belle. À l’image de ce que l’on peut voir dans certains films pornographiques, les grandes lèvres de la jeune femme recouvrent maintenant complètement les petites: on ne voit plus qu’une fente.
Tendance vantée par les stars
Mais alors, d’où vient cette obsession pour une vulve parfaite? En parallèle du porno promouvant l’image d’un sexe féminin lisse et sans défaut, certaines célébrités en ont aussi fait l’apologie. En 2017, la star de télé-réalité allemande Melody Haase, 28 ans, expliquait dans la presse avoir eu recours à une nymphoplastie. Du côté francophone, on se souvient de Maeva Ghennam, 24 ans, candidate des «Marseillais» qui avait vanté les bienfaits d’injections au niveau de ses parties intimes en 2021: «C’est comme si j’avais 12 ans», avait-elle lâché avec le plus grand des calmes sur Instagram. Mais il n’y a pas que les starlettes de télé-réalité qui s’en donnent à cœur joie. L’actrice et réalisatrice franco-américaine Julie Delpy, 52 ans, avait également parlé publiquement de son intervention chirurgicale pour «embellir» et «rajeunir» sa vulve.
Il n’en fallait pas moins pour que la tendance s’impose en Suisse. En effet, la demande en matière de correction des lèvres a massivement augmenté au cours des cinq dernières années. Jusqu’à 50%, estime la Société suisse de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique. S’il n’existe pas de chiffres précis pour la Suisse, le nombre d’opération au niveau mondial est passé d’environ 95’000 en 2015 à 142’000 en 2020.
Les cliniques s’adaptent à la demande
De leur côté, les cliniques esthétiques se sont rapidement adaptées afin de pouvoir répondre à la demande des clientes. À Zurich, la clinique FineSkin, qui ne compte pas moins de cinq sites dans la région, propose depuis l’automne dernier des opérations au niveau de la vulve. Il s’agit d’une à deux interventions d’une heure chacune par semaine. Le responsable et chirurgien plasticien Konstantinos Pilichos déclare: «En très peu de temps, les corrections des lèvres sont devenues l’un des traitements les plus populaires chez nous», en plus des opérations mammaires, liposuccions et autres liftings.
Quant aux patientes, elles sont pour la grande majorité assez jeunes: elles ont entre 18 et 25 ans. «La plupart des femmes qui viennent nous voir veulent se sentir plus belles», explique le médecin. Les raisons qui les poussent à passer le pas sont variées: les patientes plus âgées ne sont généralement plus satisfaites de leur vulve après la naissance d’un enfant. Par ailleurs, certaines femmes peuvent ressentir une gêne, voire des douleurs. «C’est le cas lorsque des activités comme l’équitation, le vélo ou les rapports sexuels provoquent des frottements», précise Konstantinos Pilichos.
Apprendre à s’aimer dès le plus jeune âge
Les médecins se montrent plutôt critiques face à cette nouvelle tendance. La gynécologue Christiane Kluckert se dit pour le moins agacée par les motivations des chirurgiens esthétiques: «Ils gagnent beaucoup d’argent avec ces opérations relativement simples.» D’après elle, si ceux-ci se montraient plus à l’écoute, les patientes n’auraient pas besoin d’une opération. Une simple discussion sur la diversité des corps et la sexualité suffirait. «D’ailleurs, aucun homme n’a jamais eu l’idée de faire réduire son pénis ou ses testicules, à cause de la gêne pendant une course à vélo», lance la gynécologue.
La sexologue Dania Schiftan critique également ce type d’interventions: «On coupe des tissus sensibles qui sont sources d’excitation.» L’experte note que les raisons qui poussent à avoir recours à des nymphoplasties sont liées à un souhait de plaire à son partenaire. «Penser que son propre corps ne peut être excitant que s’il correspond à une certaine norme est hautement problématique», avertit la sexologue. Selon elle, au lieu de craquer pour une intervention chirurgicale, les femmes devraient plutôt apprendre à connaître et aimer leur sexe dès leur plus jeune âge.
La galerie des vulves
Si Sarah partage l’avis de la sexologue, sa décision n’a pas été facile à prendre. Elle précise au passage que son compagnon de l'époque n'y était pour rien. Au contraire, il n'aurait cessé de lui rappeler à quel point son entrejambe était beau. Mais Sarah n’a jamais réussi à s’accepter pour autant. La Zurichoise l'a toujours trouvé disgracieux, voire repoussant: «Ma vulve ressemblait à un cou de dinde.»
La jeune femme a bien tenté de s’accepter en osant la discussion ou simplement en suivant des comptes Instagram body positive comme «The Vulva Gallery» (La galerie des vulves, en français). Mais son malaise était si profond qu’elle a estimé l’opération nécessaire: «Oui, j’avoue avoir l’impression de trahir les autres femmes parce que j’ai subi une opération pour modifier ma vulve. Pourtant je ne regrette rien. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus sûre de moi, j’aime mon entrejambe.»
*Nom connu de la rédaction
(Adaptation par Valentina San Martin)