Les réseaux sociaux pullulent de ces photos de femmes «parfaites». Des lèvres pulpeuses, une poitrine rebondie, des pommettes fermes, des yeux en amande… Les jeunes femmes, mais aussi les hommes, sont largement influencés par ces diktats de l’apparence, et n’hésitent plus à passer le pas.
Ils sont de plus en plus nombreux à se tourner vers la chirurgie esthétique en quête de la beauté parfaite. Mais les praticiens frauduleux, eux aussi, sont de plus en plus nombreux, selon le journal genevois «GHI».
Multiplication des pratiques illégales
Les pratiques frauduleuses de médecine esthétique inquiètent les autorités et se répandent comme une traînée de poudre. Ainsi, malgré l’existence d’une loi interdisant aux esthéticiens et esthéticiennes de réaliser des injections, plusieurs arrestations ont déjà eu lieu.
A Genève, deux femmes ont été interpellées au début de cette année. Elles sont accusées «d’avoir exercé illégalement des activités médicales et de violer la loi fédérale sur les produits thérapeutiques». Selon les informations du «GHI», le Ministère public avait lancé un appel le 23 mai dernier pour retrouver les personnes lésées. Six auraient pris contact avec le service.
Autre exemple: dans la région lausannoise, la police cantonale a fait fermer un centre de beauté en raison d’injections réalisées sans autorisation.
Pas assez de prévention
Pour Francesco de Boccard, chirurgien et médecin esthétique à la clinique Entourage à Lausanne, il est important de rappeler que «tout produit qui persiste plus de 30 jours dans le corps est d’usage uniquement médical ou doit être accompli sous la supervision directe d’un médecin. La loi est claire là-dessus.»
Un aspect qui est malheureusement peu connu, selon Véronique Emmenegger, dermatologue à la Clinic Lémanic à Lausanne. Il n’y a pas suffisamment de prévention auprès des jeunes de 18 à 30 ans, regrette-t-elle. Une prévention qui permettrait d’insister sur l’inutilité de certaines interventions qui ne répondent à aucun problème médical.
«La perfection n’existe pas»
Souvent pressés de passer sur le billard, les patients ne prennent pas assez de temps pour la réflexion, pourtant indispensable et fondamentale. Pour Katia Puglisi, porte-parole de la clinique Entourage, citée dans le journal genevois: «La perfection n’existe pas. Et après deux consultations d’une heure, nous recommandons à tous nos patients de bien réfléchir avant d’entamer une procédure médicale et nous assurons une prise en charge totale du début jusqu’à une année après l’intervention.»
Une petite piqûre, et voilà que nous pouvons avoir les lèvres plus pulpeuses ou la peau moins ridée, et on trouve même les produits à l’emporter dans une clinique zurichoise. Véronique Emmenegger confirme: «Dans l’ensemble, la tendance actuelle est que les patients sont très souvent à la recherche de solutions moins invasives pour un résultat le plus naturel possible.»
Des femmes ont perdu la vue
Et c’est justement cette facilité qui séduit. Pourtant elle n’est pas sans conséquence. Praticienne esthétique dans un institut spécialisé, Julie* met en garde: «Parfois nous recevons des personnes qui ont voulu suivre un trend et n’ont pas réfléchi à l’acte médical ni à ses conséquences s’il était mal exécuté par une esthéticienne.» Elle raconte accueillir des jeunes femmes avec des bouches ou des pommettes déformées, causées par une quantité trop importante de produit injecté.
Certaines fois, les conséquences sont encore plus graves. Les injections près des yeux sont délicates à réaliser. Une mauvaise connaissance de l’anatomie, et l’aiguille se retrouve facilement dans un vaisseau relié à l’œil, causant la perte de la vue. Francesco de Boccard insiste: «N’importe quel médecin ne sait pas forcément correctement injecter certaines substances. Cela demande des compétences validées par les organes référents et les autorités.»
Il faut les dénoncer
Pour le praticien de la clinique Entourage, il est important de dénoncer les esthéticiens et esthéticiennes qui réalisent ces interventions frauduleuses: «C’est, à ce jour, le seul moyen que nous ayons pour lutter contre ces abus. Cela peut sembler peu élégant, mais les stories de ces instituts disparaissent des réseaux sociaux. Les photos avant/après sont effacées et c’est trop tard, le bouche-à-oreille s’est répandu comme une traînée de poudre.»
C’est en effet le seul moyen actuel pour limiter les abus. D’une part parce que la réglementation est cantonale. D’autre part, parce que la majorité des cas n’engendrent pas d’urgence vitale et ne sont donc pas une priorité administrative.
Toutefois, la fermeture du centre lausannois a mis en lumière la problématique. Le canton de Vaud avait notamment appelé à la prudence en février dernier en publiant sur son site internet un message intitulé: «Mise en garde contre les injections de Botox ou d’acide hyaluronique par des personnes non qualifiées».
*Nom d’emprunt