Varsovie préside l'UE
Face à Moscou, la Pologne veut une Union européenne sur le pied de guerre

La Pologne assume, depuis le 1er janvier et jusqu'au 30 juin, la présidence tournante de l'Union européenne. Adversaire résolu de la Russie, ce pays campe sur une ligne radicalement opposée à la Hongrie, qui l'a précédé.
Publié: 03.01.2025 à 16:02 heures
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Dernière mise à jour: 04.01.2025 à 12:52 heures
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Le Premier ministre Polonais Donald Tusk est l'ancien président du Conseil européen (2014-2019). Il est un soutien appuyé de l'Ukraine.
Photo: IMAGO/NurPhoto
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Richard WerlyJournaliste Blick

Le duel est programmé. Il a commencé dès le 1er janvier, lorsque la Pologne a remplacé la Hongrie pour la présidence semestrielle de l’Union européenne (UE). Ce duel opposera dans les prochains mois Varsovie à Moscou. Avec, comme enjeu, le sort de l’Ukraine, mais aussi l’oreille de Donald Trump, ce nouveau président américain qui, lors de son premier mandat, avait soutenu massivement les Polonais. 

L’un des souvenirs marquants du premier mandat de Trump est en effet le discours qu’il prononça le 6 juillet 2017 devant le monument du soulèvement de Varsovie, sur la place Krasiński, à Varsovie. Son credo? «L’avenir de la liberté occidentale est en jeu et la civilisation occidentale doit être défendue contre les menaces du terrorisme et de l’extrémisme.»

Ce duel a surtout changé de nature entre 2017 et aujourd’hui. A l’époque, la Pologne était dominée par la droite nationale populiste anti-Russe, en souvenir de l’Union soviétique et de la domination de l’ex URSS. Le parti au pouvoir, Droit et Justice, n’avait pas oublié le crash, le 10 avril 2010, de l’appareil qui emportait le président Lech Kaczyński, son épouse, le chef d’État-Major de l’armée et une délégation, alors qu’ils se rendaient sur le site de Katyn pour un hommage aux milliers d’officiers polonais exécutés par l’armée rouge à cet endroit, au printemps 1940.

Pour la Pologne, Vladimir Poutine a toujours incarné le retour redouté du KGB au pouvoir à Moscou. Alors qu’à l’inverse, les États-Unis, où vivent près d’un million d’Américains d’origine polonaise, ont toujours été le pays protecteur.

Le rôle de Donald Tusk

Le changement intervenu depuis le 24 février 2022 est bien sûr la poursuite de la guerre en Ukraine voisine, et le jeu compliqué entre l’Union européenne et les États-Unis. Fait symbolique: l’actuel premier ministre polonais Donald Tusk, qui a remporté les législatives d’octobre 2023 face à «Droit et Justice», a présidé le Conseil européen (l’instance qui représente les dirigeants des 27 pays membres) entre 2014 et 1019. Il est donc absolument crédible dans son engagement communautaire.

Donald Trump à Varsovie, en 2017

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Sauf que pour lui, comme pour ses homologues des pays scandinaves et baltes, l’assurance-vie sécuritaire sera toujours l’Otan, l’Alliance atlantique dirigée par les États-Unis. En tout cas pour le moment. Il est temps «pour l’Europe de grandir enfin et de croire dans sa propre force, a-t-il écrit sur le réseau social X fin novembre avant l’élection de Trump. L’ère de la sous-traitance géopolitique est révolue». Un appel au sursaut écrit noir sur blanc. Mais quid des réalités?

Contradiction polonaise

Tout l’enjeu de la présidence polonaise de l’UE est dans cette contradiction. D’un côté, Varsovie est à l’opposé de Budapest et des positions pro-russes de Viktor Orbán, le Premier ministre hongrois, ou de son allié slovaque Robert Fico, paniqué par la fermeture du robinet du gaz russe via l’Ukraine depuis le 1er janvier.

De l’autre, les Polonais peinent à croire que les Européens peuvent être à la hauteur des défis sécuritaires et militaires imposés à la fois par la Russie et par la surenchère à venir de Donald Trump, désireux de vendre toujours plus d’armes à ses alliés pour garantir leur sécurité. «Varsovie veut pousser tous les sujets liés à la défense du continent et accélérer l’adoption d’un nouveau train de sanctions (le quinzième a été adopté à la mi-décembre) contre Moscou», note le quotidien français Les Échos. «Que veulent les gens? Que recherchent-ils? La sécurité, et ce sera le plus grand motif de la présidence, la sécurité dans toutes ses dimensions possibles» estimait en décembre à Bruxelles l’ambassadrice polonaise Agnieszka Bartol.

Pour y parvenir, la Pologne compte sur un chiffre et un rapport. Le chiffre? Celui de son budget militaire, l’un des plus élevés des 32 pays membres de l’OTAN, qui atteindra 4,7% de son Produit Intérieur Brut (PIB) en 2025, contre moins de 2% pour l’Allemagne. Le rapport? Il s’agit du Livre blanc sur la défense que doit présenter d’ici à l’été le Commissaire chargé de ce dossier, le lituanien Andrius Kubilius. La Pologne et la Lituanie sont deux pays liés par une longue histoire commune. Les deux pays ont une frontière commune avec la Biélorussie, allié de Moscou, et le territoire russe de Kaliningrad.

Preuves d’amour

Alors, Trump ou Von der Leyen? «Le partenariat polono-américain n’a jamais été aussi étroit» soulignait l’ambassadeur des États-Unis à Varsovie juste avant l’arrivée de Joe Biden en février 2023. «Nous sommes venus dans votre pays pour vous transmettre un message très important: l’Amérique aime la Pologne et l’Amérique aime le peuple polonais» avait pour sa part solennellement déclaré Donald Trump dans la même capitale, cinq ans plus tôt. Donald Tusk presse aujourd’hui Bruxelles de faire preuve d’une affection similaire envers ses compatriotes. Et de le traduire dans les faits. Possible?

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