Officiellement, ils n’ont toujours pas de «lignes rouges» dans leur soutien civil et militaire à l’Ukraine en guerre. «Notre seul objectif demeure de se tenir sans faille aux côtés de l’Ukraine agressée par la Russie» expliquait encore à Blick, en ce début de semaine, un haut responsable de la diplomatie française. Ce mot d’ordre est répété par presque tous les dirigeants européens, à l’exception notable du premier ministre hongrois Viktor Orban, et de son allié slovaque Robert Fico. Pas de «lignes rouges», donc. Et pourtant, dans les faits, celles-ci commencent à apparaitre à un mois de l’accession de Donald Trump à la présidence des États-Unis.
Ce décalage entre les promesses et les réalités du terrain sont au menu du dîner organisé ce mercredi 18 décembre à Bruxelles par le Secrétaire général de l’OTAN (l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord), le Néerlandais Mark Rutte. Et pour cause: Donald Trump vient encore de répéter, lors de sa première conférence de presse à Mar-a-Lago (Floride) depuis son élection le 5 novembre qu’il entend faire cesser les hostilités.
«C’est un carnage que nous n’avons pas vu depuis la Seconde Guerre mondiale. Il faut y mettre un terme. Et je fais de mon mieux pour y mettre un terme» a-t-il asséné, après avoir redit son hostilité à l’utilisation par l’armée ukrainienne de missiles à longue portée contre des cibles en Russie. «Je ne pense pas que cela aurait dû être autorisé» a-t-il déclaré, en référence au feu vert donné par l’actuel président Joe Biden. «Certainement pas quelques semaines avant que je ne prenne mes fonctions.»
Contraints d’attendre
Résultat: les Européens, tant au sein de l’Union européenne (27 pays membres) que de l’OTAN (32 pays membres), se retrouvent contraints d’attendre la future position de Washington. Avec, déjà, une indication de calendrier: la prochaine traversée de l’Atlantique du nouvel envoyé spécial chargé de l’Ukraine, le général Keith Kellogg.
Celui-ci se rendra à Kiev et dans plusieurs autres capitales européennes au début du mois de janvier, et beaucoup s’attendent à ce que l’équipe Trump utilise la conférence annuelle sur la sécurité de Munich, du 14 au 16 février, pour formuler ses propositions de paix avec la Russie. Le président américain en personne pourrait être présent dans la capitale bavaroise, deux semaines avant les élections législatives allemandes qui auront lieu le 23 février.
Trois promesses européennes ne peuvent, dans ces conditions, plus être prises au sérieux par Volodymyr Zelensky, qui sera présent au dîner bruxellois de ce mercredi 18 décembre.
La première promesse: impossible à tenir est celle de la livraison de nouveaux missiles à longue portée français, anglais et italiens. La logique de «légitime défense» reste la ligne diplomatique de Paris, Londres et Rome. Mais dans les faits, il est certain que de nouveaux approvisionnements de ce type d’armes nécessiteront une concertation avec les États-Unis. Conséquence: les frappes ukrainiennes en profondeur en Russie vont sans doute diminuer.
La seconde promesse: compliquée à préciser avant de connaître les intentions de Washington est le possible déploiement de troupes européennes au sol pour sécuriser un éventuel cessez-le-feu. Ce scénario d’une force d’interposition de 40'000 soldats a bien été évoqué à Varsovie le 11 décembre, lors de la rencontre le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre polonais Donald Tusk.
Aller plus loin semble en revanche impossible. Voire contre productif: «En parler, c’est faire planer le doute. Les missions de maintien de la paix devraient être décidées dans le cadre des Nations Unies ou de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, et non dans le cadre de discussions bilatérales» ont commenté des diplomates polonais cités par Politico. L’envoi de troupes polonaises en Ukraine «n’aurait d’ailleurs de sens que dans le cadre de l’OTAN», ont-ils ajouté.
Troisième promesse: celle d’une confiscation pure et simple des avoirs russes gelés dans le cadre des quinze paquets de sanctions adoptés par l’Union européenne. Le quinzième paquet vient d’être adopté ce lundi. Un seizième arsenal de sanctions contre la Russie sera présenté au printemps, sous la présidence tournante polonaise de l’UE. Mais pour l’heure, l’idée de confisquer les avoirs, estimés à 300 milliards d’euros (dont 200 milliards de placements de la banque centrale russe), continue de buter sur les questions juridiques. Et là aussi, rien ne peut se faire sans l’assentiment des États-Unis.
Accueillir Zelensky à Bruxelles, oui. Mais le risque pour le président ukrainien de repartir bredouille jusqu'à l'arrivée de Donald Trump au pouvoir est de plus en plus grand.