La disparition de la souveraine, dont l'état de santé s'était dégradé depuis un an, est assurée de susciter une immense émotion au Royaume-Uni et dans le monde. Son fils et héritier accède au trône à 73 ans avec le nom de Charles III.
«La reine est morte paisiblement à Balmoral cet après-midi. Le Roi et la Reine consort resteront à Balmoral ce soir et retourneront à Londres demain», a indiqué le palais de Buckingham dans un bref communiqué.
Symbole de stabilité ayant traversé imperturbable les époques et les crises, elle avait côtoyé, depuis la mort de son père George VI en 1952, quand elle n'avait que 25 ans, Nehru, Charles de Gaulle ou Mandela qui l'appelait «mon amie». Pendant son règne, elle a assisté à la construction puis la chute du mur de Berlin, et a rencontré 12 présidents américains. Elle venait de nommer mardi son 15e Premier ministre, Liz Truss, occasion d'une dernière photo, frêle et appuyée sur une canne.
Tout au long de son règne de 70 années, le plus long de l'histoire britannique, elle a rempli son rôle avec un sens du devoir inébranlable. Elle avait su garder au fil des crises traversées par son royaume et la royauté, un soutien massif des Britanniques, venus par dizaines de milliers pour l'apercevoir quelques minutes sur le balcon du palais de Buckingham en juin dernier pour son jubilé de platine, célébrations de ses 70 ans de règne aux airs d'adieu.
«Aimée dans le monde entier»
Les drapeaux ont été mis en berne au-dessus du palais de Buckingham à Londres, où certaines personnes présentes ont éclaté en sanglots. «God Save the Queen» a été joué sur la BBC.
«Le décès de ma mère bien-aimée, Sa Majesté la Reine, est un moment de très grande tristesse pour moi et tous les membres de ma famille», a déclaré Charles III dans son premier communiqué comme souverain. «Nous pleurons profondément la disparition d'une souveraine chérie et d'une mère bien aimée. Je sais que sa perte sera profondément ressentie dans tout le pays, les royaumes et le Commonwealth, ainsi que par d'innombrables personnes dans le monde entier».
Sur le perron du 10, Downing Street, la Première ministre a rendu hommage à une souveraine «aimée et admirée dans le monde entier». «La mort de Sa Majesté constitue un choc énorme pour la nation et le monde», a-t-elle souligné, appelant les Britanniques à «s'unir pour soutenir» le nouveau roi.
A l'étranger, les hommages ont afflué. Emmanuel Macron a salué «une amie de la France, une reine de coeur» ayant «marqué à jamais son pays et son siècle». Joe Biden, reçu par Elizabeth II l'an dernier, a rendu hommage à «une femme d'Etat d'une dignité et d'une constance incomparables», assurant vouloir «poursuivre une étroite relation d'amitié avec le roi et la reine consort». Le président de la Confédération Ignazio Cassis a salué «une femme d'une grande force et d'un leadership constant».
Drapeaux en berne
La mort de la souveraine, qui avait limité les apparitions depuis une nuit à l'hôpital en octobre 2021 et avait reconnu des difficultés à se déplacer, ouvre une période de deuil national, jusqu'à ses funérailles dans une dizaine de jours.
Les télévisions et radios ont interrompu leurs programmes pour annoncer le décès de la souveraine, veuve depuis le décès en avril 2021 de son époux Philip. Les drapeaux ont été mis en berne et les cloches des églises ont retenti pour marquer la disparition de celle qui, très croyante, était aussi la cheffe de l'Église anglicane.
A l'étranger, l'Assemblée générale de l'ONU a observé une minute de silence en hommage à la monarque britannique. La mairie de Paris a indiqué que la Tour Eiffel ne scintillera pas ce jeudi soir comme habituellement pendant 5 minutes au début de chaque heure en hommage à la reine.
Elizabeth II était à sa mort cheffe d'État de 15 royaumes, de la Nouvelle-Zélande aux Bahamas, qu'elle a parcourus au fil de son règne, toujours vêtue de tenues assorties, souvent de couleurs vives.
Elle est surtout pour l'immense majorité de ses sujets la seule souveraine qu'ils aient jamais connue, présente sur les billets de banque, les timbres (qui vont devoir changer de visage) et soumise à l'attention permanente des tabloïds.
Préserver l'institution
Elle a préservé l'institution malgré plusieurs crises, parmi lesquelles la mort en 1997 à Paris de l'ex-femme de Charles, Diana, pourchassée par des paparazzis. Elizabeth II avait été accusée de manquer de compassion face à l'immense émotion suscitée par la disparition de «la princesse du peuple».
Elle a aussi gardé le silence face aux accusations d'agressions sexuelles visant son fils Andrew, qui y a mis fin en déboursant des millions de dollars, et est restée stoïque face aux allégations de racisme visant la famille royale, de la part de son petit-fils Harry et de son épouse Meghan Markle, dont le départ en Californie a constitué un coup de tonnerre.
L'avenir de la monarchie s'annonce plus compliqué avec Charles, à la popularité bien plus faible. Les Britanniques lui préfèrent le prince William, désormais héritier de la couronne, et son épouse Kate.
Unité du royaume
Elizabeth Alexandra Mary Windsor n'était pas destinée à devenir reine à sa naissance, le 21 avril 1926. Mais fin 1936, son oncle Edouard VIII abdique, préférant épouser Wallis Simpson, une Américaine deux fois divorcée. Le père d'Elizabeth devient alors le roi George VI et elle devient héritière de la Couronne.
La jeune princesse épouse à 21 ans l'officier Philip Mountbatten, fils du prince André de Grèce, au cours d'une cérémonie somptueuse qui fera rêver le Royaume-Uni d'après-guerre encore marqué par les privations. Le 6 février 1952, alors qu'elle effectue un voyage au Kenya, elle apprend la mort de son père, âgé de 56 ans. Elle retourne immédiatement au Royaume-Uni, puis est couronnée le 2 juin 1953.
Distante avec ses quatre enfants - Charles, né en 1948, Anne (1950), Andrew (1960) et Edward (1964), Elizabeth II honorait encore à 90 ans passés des centaines d'engagements chaque année: inaugurations en tous genres, réceptions à Buckingham, remises de décorations ou de récompenses.
Charles aura fort à faire pour préserver l'attachement des Britanniques à la monarchie, institution que certains jugent dépassée mais dont Elizabeth II avait su maintenir le prestige.
Il accède au trône à un moment où l'unité du Royaume-Uni se fissure, sous l'effet du Brexit, qui a réveillé les velléités d'indépendance de l'Écosse et les tensions communautaires en Irlande du Nord. Dans les ex-colonies britanniques restées des royaumes, les critiques se font aussi vives sur le passé colonialiste et les velléités républicaines se renforcent.
(AFP)