La course qui met aux prises Donald Trump ou Kamala Harris est si serrée que l'improbable pourrait bien se produire au pays de tous les possibles, à savoir un match nul lors des élections présidentielles. Bien plus probable qu'on ne le pense, ce scénario déstabiliserait sérieusement la première puissance mondiale.
Pour rappel, aux Etats-Unis, le nombre de personnes qui votent pour l'un ou l'autre candidat ne décide par nécessairement du sort d'une élection. Hillary Clinton, par exemple, avait obtenu 65,8 millions de voix en 2016, Trump seulement 62,9 millions. Malgré cela, le républicain avait gagné. La faute au système des grands électeurs. Pour faire simple, celui qui gagne dans un Etat obtient automatiquement tous les grands électeurs dudit Etat. Plus un Etat a d'habitants, plus il y a de grands électeurs. Il y en a 538 au total. Celui qui obtient la voix de ces 270 «électeurs» remporte la présidentielle.
Trois possibilités pour une égalité
Le hic, c'est que théoriquement, le match nul est possible. Le scénario a certes peu de chances de se produire. Mais avec une probabilité estimée à 7%, il n'est pas impossible.
Selon la plateforme américaine «270 to win», en se focalisant sur les principaux swing states, on peut identifier 45 scénarios possibles. Les démocrates l'emportent dans 20 d'entre eux, les républicains dans 21 , l'élection aboutit à un match nul parfait dans les 3 derniers. Par exemple, si Kamala Harris gagne en Arizona, en Géorgie et en Caroline du Nord, mais que Trump remporte le Michigan, le Wisconsin, la Pennsylvanie et le Nevada, alors l'élection termine sur une égalité, les deux candidats empochant chacun un nombre similaire de grands électeurs.
Une situation historique
Une telle issue ne s'est encore jamais produite dans l'histoire américaine. En 1824, il y a donc exactement 200 ans, alors que Washington n'était encore qu'une petite ville mal famée avec beaucoup de chevaux hennissants et peu de bâtiments officiels, aucun des quatre candidats de l'époque n'avait obtenu de majorité dans le système des grands électeurs. La Chambre des représentants (la Chambre basse du législatif) avait alors dû trancher.
C'est ce que prévoit encore aujourd'hui le 12e amendement de la Constitution américaine. Concrètement, il stipule que si le système des grands électeurs ne donne pas de vainqueur, la Chambre des représentants devra départager les deux candidats. La délégation de chaque Etat reçoit une voix, ce qui fait un total de 50 voix à distribuer. La décision est prise à la majorité simple, à condition que deux tiers des délégations des Etats participent au vote.
Si cela devait arriver, ce serait une bonne nouvelle pour Trump. Car 26 des 50 Etats ont actuellement une délégation dominée par les républicains, 22 seulement par les démocrates. Et deux sont parfaitement à égalité. Avec un tel scénario, l'ex-président serait donc assuré de retrouver le bureau ovale.
Comment Kamala Harris pourrait-elle encore l'emporter?
Kamala Harris pourrait tout au plus spéculer sur un chaos à la Chambre des représentants et sur le fait qu'au moins deux tiers des délégations ne prennent pas part au vote. Si ces dernières ne parviennent pas à élire un président, le vice-président en exercice (donc Kamala Harris) deviendra automatiquement la prochaine présidente des Etats-Unis. Le nouveau vice-président lui-même est élu par le Sénat (Chambre haute), via un vote à la majorité simple.
Compliqué tout cela, non? Il n'est donc pas étonnant que des voix éminentes comme celles de Barack Obama, Bernie Sanders ou Hillary Clinton s'élèvent pour abolir le système des grands électeurs au profit d'une simple élection populaire. Mais les choses sont vouées à rester complexes, du moins pour ces élections.