Dix répliques. Dix phrases lâchées respectivement par Donald Trump et Kamala Harris durant leur débat télévisé de cette nuit. À travers ces formules-chocs, faites pour marquer le public (devant les écrans car il n’y avait personne dans la salle du Constitution center de Philadelphie, en Pennsylvanie) et pour mobiliser leurs électeurs, les deux candidats à la présidentielle américaine ont brossé le portrait des États-Unis tels qu’ils les voient. Décodage et compléments d’information.
Trump: «J’ai pensé que c’était mon meilleur débat!»
Tout est dit dans cette phrase assénée par l’ancien président à la fin du duel télévisé avec Kamala Harris. Il est un peu plus de six heures du matin, heure Suisse. Donald Trump a choisi de s’aventurer en salle de presse pour commenter sa propre performance devant les journalistes. Parce qu’il n’est pas sûr de lui? Ou pour rajouter encore plus de pression sur son adversaire et impressionner ses détracteurs? Le message: «N’attendez de moi aucune faiblesse, je me battrai jusqu’au bout».
Harris: «Je n’ai toujours eu qu’un seul client, le peuple»
La vice-présidente des États-Unis a terminé ainsi son allocution de fin de débat, en faisant référence à son métier de procureure, au service de la population et de l’intérêt général. Le message est limpide: Kamala Harris se veut le porte-drapeau d’une aventure collective. Elle accuse Trump de n’avoir, tout au long de sa carrière, défendu que ses seuls intérêts. Pas sûr que cela soit audible dans un pays où les procureurs sont élus, et se comportent donc comme des politiques, tributaires de leur base électorale et des médias.
Trump: «Ce qu’ils ont fait aux entreprises dans ce pays est terrible»
C’est le cœur du message que le candidat républicain a martelé tout au long de ce débat. Il est le seul qui comprenne les entrepreneurs, les patrons, mais aussi les employés. Pour Trump, Biden et Harris sont coupables de non-assistance à économie américaine en danger. Parler d’entreprises est encore plus efficace. Il ne se positionne pas comme un observateur, mais comme un acteur. Il dénonce. Il venge ceux qui travaillent et gagnent de l’argent.
Harris: «Je propose une nouvelle génération de dirigeants qui croit en ce qui est possible»
L’autre facette de l’Amérique est résumée dans cette formule. Kamala Harris se veut la candidate de l’avenir. Son objectif est de convaincre les électeurs américains que Donald Trump n’a, pour le pays, que des solutions obsolètes, voire réactionnaires. Là encore, la volonté collective est au rendez-vous. Il ne s’agit pas pour elle d’élire seulement une présidente, mais de faire confiance à une nouvelle administration.
Trump: «J’ai construit l’une des plus grandes économies de l’histoire du monde»
Donald Trump ne sait pas dire «nous». Il dit «Je». Tout ce qui a eu lieu sous sa présidence est le résultat de son action. Tout ce qui se déroulera s’il est réélu sera son œuvre. Et bien sûr, l’économie vient en premier lieu. L’ex-magnat de l’immobilier se présente, ni plus ni moins, comme le seul capable de restaurer la puissance économique américaine. Mieux: il porte sur ses épaules le destin économique de l’Amérique dans le monde. L’Amérique de Kamala Harris? «Un Venezuela sous stéroïdes» selon lui, c’est-à-dire un pays confisqué par une gauche totalitaire qui dépense sans compter ses ressources naturelles.
Harris: «La seule chose dont vous ne l’entendrez pas parler, c’est de vous.»
La phrase est calibrée comme un missile électoral. Kamala Harris accuse à nouveau Donald Trump ne vouloir présider le pays pour son propre bénéfice. Les Américains? Ils sont selon elles le décor de la nouvelle série dans laquelle Trump est le héros. Problème: c’est lui qui, durant le débat, a le plus parlé des problèmes des gens, y compris avec de gros mensonges au passage. Trump, de son côté, estime ne pas avoir besoin de dire «nous», puisqu’il est l’Amérique.
Trump: «Laissez-moi vous dire: c’est une horrible négociatrice.»
L’ancien président américain a publié en 1987 un best-seller: «The Art of the deal», ou l’art d’un bon accord. Depuis, il n’en démord pas. Personne ne sait mieux que lui convaincre un adversaire, ou le forcer à accepter un «deal». D’où son accusation portée contre Kamala Harris qui, en magistrate, sait accuser mais pas négocier. À voir toutefois, car aux États-Unis, les procureurs négocient souvent les aveux et les peines. Le «deal» du 5 novembre 2024 pourrait bien échapper à Donald Trump.
Trump: «Avec Kamala au pouvoir, Israël disparaîtrait en deux ans»
L’ex-locataire de la Maison Blanche a abordé quatre sujets internationaux. Sur Israël, il a disqualifié Kamala Harris, en faisant d’elle une menace existentielle pour l’État hébreu. Sur l’Ukraine, il a réaffirmé qu’il est en position de régler le conflit avant même de devenir président, grâce à la confiance que lui accordent Zelensky et Poutine. Sur l’OTAN et l’Europe, il s’est réjoui de faire payer les alliés des États-Unis pour leur défense. Sur les Talibans afghans, il a dénoncé l’évacuation chaotique américaine, et a révélé qu’il avait négocié avec un leader taliban en lui montrant la photo de sa maison. C’est-à-dire en le menaçant de faire exploser son domicile et sa famille.
Harris: «Je serai une présidente qui protégera nos libertés»
On y revient. La vice-présidente l’a plusieurs fois répété. Son objectif de campagne est de démontrer que son adversaire n’a ni le sens de l’État, ni celui du service public. Elle est une femme qui défendra les droits des femmes. Alors qu’il est, selon elle, un dictateur en puissance. Attention toutefois: Trump a un projet derrière l’éventuelle érosion des libertés sous son mandat. Il veut tout conditionner à la création de richesses aux États-Unis. Et quoi qu’en dise Kamala Harris, ce projet finira bien, d’une manière ou d’une autre (s’il se concrétise) dans la poche des Américains.
Trump: «Les gens qui arrivent mangent les chats»
Les deux journalistes qui modéraient ce débat télévisé présidentiel sont aussitôt intervenus. Donald Trump a franchi la ligne rouge en colportant la rumeur fausse de migrants haïtiens qui, dans l’Ohio, auraient mangé les chats des Américains pour se nourrir. Pas étonnant. Ses meetings sont remplis de ce type d’affirmations. Kamala Harris les a qualifiés de «bizarre». Dans ce cas précis, c’est une chasse aux migrants que Trump veut déclencher. Ni plus ni moins.