Quel début de débat la nuit derrière! En arrivant sur le plateau, Kamala Harris fait directement le tour de son pupitre pour tendre la main à Donald Trump. Elle se présente et lui souhaite un «bon débat». Ainsi arrive la première poignée de main dans un duel présidentiel depuis 2016! «Ravi de vous voir, dit Trump. Amusez-vous bien!»
C'est à peu près tout ce que les deux prétendants à la fonction la plus puissante du monde avaient à se dire en termes de gentillesse. Car après cela, l'échange qui a duré 90 minutes sous les projecteurs de la chaîne ABC a été plutôt violent. Kamala Harris n'a pas ménagé ses efforts pour anéantir son adversaire. Elle a plutôt bien réussi, mais Trump ne la pas ratée non plus. Voici les cinq moments qui resteront gravés dans les mémoires pour tenter de dégager un vainqueur:
Kamala en mode combat
Les premières minutes étaient un peu tremblantes. Mais ensuite, l'actuelle vice-présidente américaine est passée en mode attaque et a asséné plusieurs coups douloureux à un Trump initialement détendu. «Allez voir un de ses meetings. Les gens les quittent prématurément parce qu'ils sont tellement ennuyeux», a balancé Harris. Le fait que Trump se plaigne des criminels est ridicule, a-t-elle affirmé sans détour. «Il est lui-même un criminel», a-t-elle rappelé au public, énumérant avec délectation ses procédures pénales et ses condamnations.
Harris a porté le coup le plus dur à son adversaire après 54 minutes: «Donald Trump a été viré par 81 millions de personnes», a déclaré la démocrate, faisant référence à la nette défaite électorale que le républicain avait essuyée il y a quatre ans face à Joe Biden. Une allusion habile à la célèbre exclamation de Trump «Tu es viré!» («You're fired»), avec laquelle il a gagné des millions dans sa carrière de télé-réalité. Trump était visiblement hors de lui, mais la Démocrate est restée décontractée.
Trump ne peut pas s'empêcher de mentir
Il y a quelques jours encore, Trump a admis dans une interview avec le youtubeur Lex Fridman qu'il avait perdu «d'un cheveu» contre Biden en 2020. Il a visiblement déjà perdu le sens des réalités: «C'était sarcastique», a-t-il corrigé en répétant son vieux mensonge sur le vol des élections de 2020. Le républicain a également ressorti l'affirmation abracadabrante selon laquelle certains États feraient exécuter les bébés à la naissance.
Mais Kamala n'a pas non plus réussi à éviter les contre-vérités: il n'existe par exemple aucune preuve de son affirmation selon laquelle Trump imposerait une interdiction nationale de l'avortement. Pas plus qu'elle ne prouve qu'il utiliserait le document controversé de 900 pages «Project 2025» comme base pour un deuxième mandat.
Harris aussi chahutée
Donald Trump a rappelé à plusieurs reprises aux millions de téléspectateurs que Kamala Harris n'était pas une nouvelle venue, mais la vice-présidente en exercice. Tous les problèmes qu'elle soulève pourrait donc déjà être abordés en vue d'être résolus, au lieu de perdre du temps à débattre.
«Pourquoi ne l'a-t-elle pas fait? Pourquoi n'a-t-elle rien fait de tout cela en trois ans et demi?, a demandé Trump à plusieurs reprises. Vous devriez quitter la scène maintenant, aller à Washington et faire toutes les choses dont vous parlez.» Face à cela, le plan de Harris visant à se présenter comme la candidate des grands changements a échoué.
L'Europe doit trembler
On n'aurait pas pu poser la question plus directement que le présentateur d'ABC David Muir: «Monsieur Trump, voulez-vous que l'Ukraine gagne la guerre contre la Russie?» Au lieu d'un engagement clair en faveur de la lutte défensive ukrainienne, Trump a éludé la question, renvoyant à ses anciennes demandes: «Investissez plus d'argent» aux pays de l'OTAN, en soulignant à quel point il s'était bien entendu avec Poutine. «Sous moi, tout cela ne serait jamais arrivé», a argumenté le républicain (en tenant d'ailleurs le même discours sur le thème du conflit au Proche-Orient).
Toujours est-il qu'il n'a pas voulu s'engager clairement contre le terrorisme russe - même pas à travers les questions insistantes du présentateur. «Si Trump était président, Poutine serait actuellement à Kiev», a averti Kamala Harris. L'admiration manifestement permanente de Trump pour Poutine et son annonce indirecte de la fin de son soutien à l'Ukraine doivent inquiéter fortement l'Europe. Que ce soit par sa propre faute ou non, le continent ne peut pour le moment pas maîtriser le tyran russe sans le soutien américain.
L'invitation de Harris
La candidate démocrate a habilement ouvert les bras aux républicains modérés qui en ont assez de Trump. Elle a par exemple mentionné le défunt sénateur républicain John McCain, originaire de l'important swing state de l'Arizona, un héros de la guerre de Corée que Trump avait autrefois insulté parce qu'il s'était «laissé prendre» dans la guerre. Cela a certainement dû être bien accueilli par certains cercles d'électeurs républicains (notamment en Arizona).
Conclusion: Kamala Harris a saisi sa chance, et comment! Donald Trump s'est laissé piéger et a paru grincheux et en colère pendant de longues minutes. Harris a en outre eu de la chance que les présentateurs d'ABC ne l'aient pas vraiment épinglée avec insistance sur tous ses nombreux changements de position au cours des dernières années.
Trump utilisera à coup sûr le sourire parfois intempestif de Harris (par exemple lorsqu'il a parlé des migrants qui voleraient et mangeraient les chiens des Américains) pour montrer qu'elle ne prend pas les problèmes du pays au sérieux.
Et en effet, l'optimisme offensif de Harris n'est pas bien perçu par de nombreux Américains qui souffrent sur le plan économique. Trump est considéré comme un meilleur dirigeant économique. Et l'étiquette de vice-présidente inactive ne disparaîtra pas de sitôt.
En bref, Kamala Harris a remporté haut la main le débat. Mais rien n'est encore joué.