Un bras de fer encore long
La Chine retient ses coups en vue de négociations avec les Etats-Unis

La Chine riposte aux droits de douane américains en imposant ses propres taxes sur 20 milliards de dollars de produits importés des États-Unis. Cette réponse modérée vise à envoyer un message à Washington tout en laissant la porte ouverte aux négociations.
Publié: 08:52 heures
La guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis est loin d'être terminée.
Photo: keystone-sda.ch
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AFP Agence France-Presse

Pétrole, charbon et automobiles: les nouveaux droits de douane chinois sur les importations américaines menacent des milliards de dollars d'échanges entre les deux principales économies mondiale mais la réponse de Pékin est restée modérée dans la perspective de négociations, estiment plusieurs analystes.

La Chine a riposté mardi au relèvement des droits de douane américains en imposant ses propres taxes sur une large gamme de produits importés des Etats-Unis, allant du pétrole brut aux machines agricoles. Ces mesures ciblent environ 20 milliards de dollars de biens américains, soit autour de 12% du total des importations en provenance des Etats-Unis, selon des calculs de Capital Economics.

Nouvelles restrictions?

Plus d'un tiers de ces nouvelles taxes concerne l'énergie: selon les douanes chinoises, les importations de pétrole, de charbon et de gaz naturel liquéfié (GNL) américains ont dépassé 7 milliards de dollars l'an dernier.

L'Etat-parti chinois a également annoncé de nouvelles restrictions à l'exportation des métaux et métalloïdes critiques, notamment le tungstène, le tellure ou encore le molybdène, utilisés dans des secteurs allant de l'exploitation minière à l'aérospatial.

La rapidité de la riposte chinoise tranche avec les anticipations d'économistes interrogés plus tôt dans la semaine par l'AFP, qui n'attendaient aucune réponse immédiate de Pékin en vue de négociations. Son ampleur reste en réalité bien en deçà des droits de douane de 10% imposés sur l'ensemble des importations chinoises par Washington, s'ajoutant aux droits existants.

Envoyer un message à Trump

Ces mesures «ont clairement été calibrées pour envoyer un message aux États-Unis (et à l'opinion publique chinoise) sans causer trop de dégâts», estime Julian Evans-Pritchard de Capital Economics.

La retenue de la Chine s'explique en partie par la dépendance de l'industrie chinoise aux importations américaines et par ses difficultés économiques internes, analyse pour l'AFP Agatha Kratz, de Rhodium Group.

Plutôt que d'infliger un véritable choc, les économistes jugent que Pékin cherche avant tout à avertir Washington: la Chine peut et ripostera à toute escalade américaine. «Ces taxes sont faites pour montrer que la Chine est prête à endurer une confrontation économique prolongée tout en obligeant les États-Unis à gérer des pressions internes», affirme à l'AFP Mingzhi Jimmy Xu, professeur adjoint à l'Université de Pékin.

Pas «d'interdiction totale»

Hier, Pékin a également annoncé ouvrir une enquête contre le géant technologique américain Google au nom de sa réglementation anti-monopole. Pour Agatha Kratz, il s'agit d'une «façon de dire que ses autorités de la concurrence peuvent faire très mal» aux géants technologiques américains, dont beaucoup ont soutenu M. Trump lors de sa campagne.

L'Etat-parti chinois a certes mis sur la table la carte des matériaux critiques et des terres rares, essentielles à l'industrie américaine, et dont elle domine la production à l'échelle mondiale. Mais les mesures annoncées hier ne constituent pas «une interdiction totale de l'exportation» et constituent plutôt «un signal» que ce levier pourra être activé à l'avenir, selon Agatha Kratz.

La modération relative de la riposte chinoise suggère que Pékin ne ferme pas la porte à des négociations avec Washington, selon les spécialistes.

Le Mexique et le Canada dans le dur

Le Mexique et le Canada, qui ont été frappés par des droits de douane de 25% ce week-end, ont réussi à obtenir un sursis de 30 jours grâce à des accords de dernière minute conclus avec Donald Trump.

Dans l'espoir de parvenir à un arrangement similaire, la Chine pourrait par exemple s'engager à contrôler plus strictement le trafic de fentanyl, opioïde de synthèse responsable d'une crise sanitaire aux Etats-Unis et dans le viseur de Trump.

Le président américain a assuré lundi qu'un appel avec son homologue chinois Xi Jinping pourrait avoir lieu de façon imminente, donnant l'impression qu'un revirement rapide était envisageable. Mais il est ensuite revenu sur cette déclaration, affirmant qu'il n'était «pas pressé» de parler à Xi Jinping.

Un bras de fer encore long

«Les droits de douane chinois n'entrent en vigueur que dans cinq jours, ce qui est une éternité dans le monde de Trump», souligne dans une note Wendy Cutler, ex-responsable du Bureau du Représentant américain au Commerce.

Or, le bras de fer est loin d'être terminé: l'administration Trump a ordonné un examen approfondi des pratiques commerciales chinoises, dont la conclusion doit être rendue le 1er avril.

Le rapport devrait sans surprise confirmer l'étendue de l'excédent commercial chinois des dernières années: un autre cheval de bataille de M. Trump. Cette échéance pourrait «très probablement conduire «à de nouveaux droits de douane, potentiellement plus importants», prévient Agatha Kratz.


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