In extremis! Donald Trump a suspendu lundi pour 30 jours, son projet d'imposition de droits de douanes de 25% sur les importations en provenance du Mexique et du Canada qui devait entrer en vigueur ce mardi 4 février. Cette volte-face intervient après plusieurs échanges téléphoniques avec ses homologues. En échange, le Mexique et le Canada se sont engagés à intensifier leur lutte contre le fentanyl.
De son côté, Ottawa s'engage à nommer un responsable entièrement dédié à la guerre contre cet opioïde meurtrier et lancera également une force d'intervention conjointe avec les Etats-Unis contre le crime organisé. Pour sa part, le Mexique s'est engagé à envoyer 10'000 soldats supplémentaires à la frontière avec les Etats-Unis «pour stopper le flot de fentanyl et de migrants illégaux» aux Etats-Unis, a souligné le milliardaire républicain.
Sans cette suspension de dernière minute, les conséquences économiques auraient été lourdes: une récession probable pour le Mexique et le Canada, et un ralentissement de la croissance américaine, couplé à une flambée de l’inflation due aux mesures de rétorsion de ses voisins.
Mais l’incertitude demeure. Trump menace désormais la Chine d’une hausse de 10% des droits de douane sur ses exportations vers les Etats-Unis. Il a déclaré lundi que des discussions avec Pékin auraient lieu «probablement dans les prochaines 24 heures».
Les Etats-Unis aussi sous pression
Le report de ces sanctions a été accueilli avec soulagement non seulement au Canada et au Mexique, mais aussi aux Etats-Unis. Les experts estiment que ces tarifs auraient entraîné une flambée des prix pour les consommateurs américains. Le Mexique, le Canada et la Chine représentent à eux trois 40% des importations américaines. Selon le «Washington Post», si ces taxes avaient été appliquées, la croissance des Etats-Unis aurait pu être réduite de moitié.
L'industrie automobile et les fabricants d'équipements lourds figurent parmi les plus affectés par ces tarifs. Kip Eideberg, vice-président des relations gouvernementales de l’Association des fabricants d’équipements, qui représente des géants comme Caterpillar et John Deere, a alerté sur les conséquences désastreuses d’une telle hausse des tarifs. Dans une interview au journal américain, il explique que les tracteurs, chargeuses et excavatrices traversent en moyenne 14 fois les frontières entre le Mexique, le Canada et les Etats-Unis avant d’être finalisés. Une taxation de 25% à chaque passage les rendrait tout simplement inabordables.
Les marchés financiers ont également réagi à la menace tarifaire. Wall Street a terminé en baisse lundi, inquiète des répercussions potentielles de ces mesures sur le commerce nord-américain.
Le Mexique tiendra-t-il ses promesses?
Lundi, la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum a révélé sur X qu’en contrepartie du déploiement de troupes, les Etats-Unis s’étaient engagés à lutter contre le trafic illégal d’armes vers le Mexique. Lors d’un appel de 45 minutes avec Trump, elle a proposé de suspendre les droits de douane afin de négocier un accord global sur la sécurité et le commerce.
Le Mexique avait déjà mobilisé des milliers de soldats pour freiner l’immigration clandestine, mais l’impact de ces nouvelles troupes sur le trafic de fentanyl reste incertain. Cette drogue de synthèse, extrêmement puissante, est difficile à détecter et est souvent produite dans de petits laboratoires clandestins installés dans des immeubles d’habitation.
Au Canada, une vague anti-américaine
Justin Trudeau, Premier ministre canadien, a annoncé une série de mesures de lutte contre le narcotrafic, dans la continuité d’un plan de 900 millions de dollars (820 millions de francs suisses) dévoilé en décembre. Il a également promis de classer les cartels de la drogue comme organisations terroristes et de renforcer les capacités de renseignement. Le rôle du Canada dans le trafic de fentanyl aux Etats-Unis est extrêmement limité, représentant moins de 1% selon les services frontaliers américains.
Face aux menaces de Trump, Justin Trudeau avait annoncé samedi 1er février que le Canada imposerait également des taxes sur des produits américains d'une valeur de 106 milliards de dollars. Les déclarations du président américain ont en outre provoqué une rare montée de l'hostilité anti-américaine au Canada. Plusieurs provinces ont retiré l’alcool américain des rayons et ont déclaré qu'ils limiteraient les possibilités d'approvisionnement des entreprises américaines.
Doug Ford, le premier ministre de l’Ontario, a annoncé lundi la suspension des sanctions commerciales dans sa province, tout en prévenant que la menace tarifaire de Trump restait une arme politique. «Que ce soit demain, dans un mois ou dans un an, lorsque nous renégocierons l'accord Etats-Unis-Mexique-Canada, Trump continuera d'utiliser la menace des tarifs douaniers pour obtenir ce qu'il veut», a-t-il déclaré sur X. Alors, la guerre commerciale était-elle seulement reportée?