La tension monte entre le Kremlin et New Dehli. Le gouvernement indien reproche à Moscou de tromper ses citoyens précaires avec des offres d'emploi ou d'étude pour finalement les contraindre à servir en première ligne sur les champs de batailles, relate le «Washington Post», jeudi 16 janvier.
La mort de Binil Babu, un ressortissant indien de 32 ans, enrôlé pour travailler sur le front, est à la base de ce regain de tension entre les deux puissances. Ils seraient plus de 100 à avoir été contraints de se battre par l'armée russe dans la guerre qui l'oppose à l'Ukraine.
Le Kremlin dément user de «stratagèmes frauduleux» pour «recruter des ressortissants étrangers pour le service militaire en Russie» et a assuré qu’il libérerait les Indiens présents dans ses forces armées. Mais il ne semble pas que ce soit chose faite, car mardi encore, un porte-parole du ministère indien des Affaires étrangères réitérait une demande de libération des ressortissants indiens restants. Ces dernières années, l’Inde et la Russie ont renforcé leurs relations, tant sur le plan économique que militaire, mais cette affaire vient ternir ce partenariat.
Dupés par des influenceurs
Les familles des recrues involontaires affirment que celles-ci ont été dupées par un réseau international d'agents d'emplois et d'influenceurs sur les réseaux sociaux. Ces derniers promettraient des salaires élevés pour des emplois peu qualifiés en Russie.
Contactés par le journal américain, deux Indiens racontent depuis l'Ukraine avoir été envoyés sur le champ de bataille, forcés de signer des documents en russe et privés de leurs passeports. Avec un entrainement militaire extrêmement rudimentaire, ils se seraient ensuite battus aux côtés de soldats russes.
Avant son décès, Binil Babu aurait supplié pendant des mois l'ambassade indienne à Moscou d'obtenir sa libération, relate «Indian Express». Celle-ci aurait demandé à la recrue d'informer son commandant que le Premier Ministre Narendra Modi, avait annulé tous les accords. Le capitaine russe serait resté impassible, indiquant au ressortissant indien qu'il ne pourrait partir qu'après la fin de son contrat d'un an.
Les étudiants ciblés
Après la mort l'année dernière de plusieurs ressortissants indiens sur le champ de bataille, le gouvernement indien a obtenu la libération de dizaines d'hommes contraints de faire leur service militaire avec les forces russes. En juillet 2024, Narendra Modi a exigé de Vladimir Poutine la libération anticipée de ceux qui avaient été «trompés». Le mois dernier, un responsable indien a indiqué au Parlement que 19 citoyens servaient encore aux côtés des Russes.
Il y a près d’un an, le Bureau central d’enquête indien a déposé une plainte pour traite d’êtres humains contre une vingtaine d’individus et d’entreprises privées, accusés de tromper des travailleurs. Selon les enquêteurs, ces agents ciblaient principalement des étudiants indiens afin «de les inscrire dans des universités privées russes douteuses».
Seulement quatre arrestations ont eu lieu en mai de l'année passée. Depuis, les suspects ont été libérés sous caution. L'enquête semble aujourd'hui piétiner. «Nous avons perdu ce que le destin nous avait réservé», a déclaré le père de Hemil Mangukiya, tué lui aussi sur le champ de bataille. Pour lui, il est urgent que le gouvernement indien agisse pour éviter la mort d'autres Indiens dans la guerre qui oppose la Russie à l'Ukraine.