Depuis plusieurs semaines, la ville ukrainienne de Severodonetsk était considérée comme la dernière forteresse imprenable du Donbass. Encerclée et sous le feu constant de l’armée russe, elle tenait bon.
Lentement mais sûrement, les troupes de Poutine ont toutefois pu enregistrer des avancées, et ce jusqu’au centre-ville. Aux dernières nouvelles, la ville, capitale administrative de la région de Lougansk, était occupée à 70% par les Russes.
La chute n’est plus très loin
Avec Marioupol et Severodonetsk sous le contrôle de Moscou, la chute du Donbass aux mains de la Russie ne semble plus très loin. La suite du scénario n’est cependant pas claire.
Car si au début de l’invasion russe, Vladimir Poutine laissait entendre qu’il comptait prendre le contrôle de toute l’Ukraine, dans son discours du 9 mai, il a spécifiquement parlé de vouloir «libérer» uniquement le Donbass.
«La Russie continuera à bombarder»
Quel sera l’impact des succès russes dans le Donbass sur la suite de la guerre? Pour la politologue italienne Federica Saini Fasanotti, de l’Institut pour les études de politique internationale de Milan, une chose est certaine: l’offensive russe ne s’arrêtera pas avec la prise de Severodonetsk.
«Ils continueront à bombarder toute la région jusqu’à ce qu’ils en aient le contrôle total, comme ils l’ont fait avec Marioupol, analyse sans concession cette experte en politique étrangère, en sécurité et en stratégie de guerre pour Blick. Le visage de cette guerre risque de considérablement changer. Elle deviendra peut-être moins intense, mais aussi plus irrégulière. Nous verrons, pour ainsi dire, une nouvelle phase de la guerre.»
Le retrait n’est pas une option
Selon l’expert militaire Marcel Berni, de l’EPFZ, la Russie est surtout intéressée par une occupation à long terme du Donbass et une éventuelle intégration de ces régions à la Fédération de Russie. Face à Moscou, la résistance civile ukrainienne pourrait s’intensifier.
Federica Saini Fasanotti est également d’avis que la population ukrainienne n’abandonnera pas les «oblasts» (régions) de Donetsk et de Lougansk aussi facilement, même après une conquête de Moscou. «Les Ukrainiens vont continuer à se battre pour leur pays. Un retrait n’est pas une option pour Kiev. La guerre devrait encore durer quelques années.»
Un Donbass autonome?
«Aucun des deux adversaires n’est intéressé par un accord ou ne souhaite céder quoi que ce soit. Poutine et Zelensky veulent le même territoire», analyse la politologue.
Pour elle, la guerre ne pourrait prendre fin que grâce à une seule solution: «Il faudrait faire de Lougansk et de Donetsk des zones officiellement autonomes, sur le modèle du Tyrol du Sud ou du Trentin en Italie.» Une situation que revendique déjà Moscou, qui reconnaît ces territoires comme indépendants, mais dans l’optique d’y implémenter un vote de rattachement populaire.
Dans un scénario où le Donbass serait réellement autonome, cependant, aucun des deux pays n’aurait atteint ses objectifs, mais pourrait tirer son épingle du jeu avec un narratif qui lui conviendrait, avance Federica Saini Fasanotti. «La Russie pourrait affirmer qu’elle a libéré le Donbass des griffes du gouvernement 'nazi' de Kiev et les Ukrainiens pourraient argumenter qu’ils ont sauvé le Donbass d’une occupation russe.»
(Adaptation par Alexandre Cudré)