La récente déclaration de Donald Trump a choqué l'Occident. «Non, je ne vous protégerais pas», a-t-il déclaré lors d'un meeting sur les élections présidentielles samedi en Caroline du Sud. «Vous», ce sont les pays de l'OTAN qui n'investissent pas assez dans leur propre défense. Et l'ex-président américain est allé encore plus loin: «En fait, j'encouragerais les Russes à faire tout ce que l'enfer veut qu'ils fassent. Vous devez payer. Vous devez payer vos factures.»
Après l'annexion de la péninsule de Crimée par la Russie, l'OTAN avait réaffirmé en 2014 son objectif de voir chaque pays membre investir au moins 2% de son produit intérieur brut (PIB) dans sa propre défense d'ici 2025. Les chiffres le montrent: les courbes augmentent bel et bien depuis lors, mais de manière moindre. La Suisse a, elle aussi, un énorme retard à rattraper.
Sur Trump
De nombreux pays sont à la traîne
Telle est la situation: les pays comme le Danemark, l'Espagne, le Portugal, mais aussi des États d'Europe de l'Est comme la Hongrie, la Bulgarie et la Slovénie sont encore loin de l'objectif. En revanche, les États directement limitrophes de la Russie et de la Biélorussie, comme la Pologne et les pays baltes, ont clairement déjà dépassé la barre des 2%.
L'Allemagne, qui a massivement réduit ses dépenses militaires au cours des dernières années, est à mi-chemin. En 2019 encore, le vice-président du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) allemand Ralf Stegner déclarait: «En Allemagne, nous avons d'autres soucis que le réarmement inutile.»
«Sans les États-Unis, l'OTAN est faible»
Depuis, les choses ont changé. Le ministère de la Défense allemand tient un discours bien différent aujourd'hui: «La première priorité du gouvernement fédéral est de continuer à renforcer la capacité de défense de la Bundeswehr (ndlr: armée nationale allemande).» Malgré une situation financière tendue, l'Allemagne veut remplir ses obligations envers l'OTAN et apporter sa contribution de 2% du PIB à partir de 2024.
Mais l'OTAN a besoin des États-Unis. Mauro Mantovani, expert de l'alliance à l'Académie militaire de l'EPFZ, alerte: «Les pays de l'OTAN seraient faibles sans les États-Unis et ne pourraient pas dissuader à eux seuls une invasion russe.» Il n'y aurait toutefois pas de «passage en force de l'armée russe», car celle-ci serait au moins à moitié usée après deux ans en Ukraine, estime l'intervenant.
L'OTAN n'aiderait pas la Suisse
Et la Suisse dans tout ça? Si elle faisait partie de l'OTAN, ses investissements militaires par rapport au PIB la placeraient presque en bas du classement. D'ici 2030, la valeur actuelle d'environ 0,8% devrait être augmentée à 1%. «La Suisse a négligé les investissements, en particulier dans l'armée de terre et la défense aérienne au sol», analyse Mauro Mantovani.
La Suisse ne doit pas compter sur une protection de l'OTAN, estime donc l'expert. «L'OTAN ne protège la Suisse que partiellement et indirectement, en dissuadant Moscou de violer la frontière orientale de l'OTAN. Mais si la Russie devait utiliser des missiles balistiques contre des cibles en Suisse, je ne compterais pas sur le soutien de l'Otan.»
Le Professeur des études stratégiques estime que la Suisse aurait tout intérêt à atteindre l'objectif de 2%, mais il ne se fait pas d'illusions. «Cela me semble irréaliste sur le plan de la politique intérieure, car la volonté d'économiser ailleurs ou d'augmenter les impôts pour cela fait défaut – tous partis confondus.»
Il qualifie la menace de Trump de «rappel à l'ordre à l'adresse des partenaires européens de l'OTAN en retard», mais aussi de signal adressé à son électorat, convaincu que les Européens laissent volontiers la «warfare» (en français: «la guerre») mal aimée aux Etats-Unis et s'offrent en contrepartie d'autant plus de «welfare» (en français: «l'aide publique»).
À lire aussi sur l'OTAN
La solution: entrer en discussion avec Trump
Que faire pour apaiser les tensions? Pour Wolfgang Ischinger, ancien chef de la Conférence sur la sécurité de Munich, il n'y a qu'une chose à faire. «Les Européens doivent se débarrasser de leur réputation de profiteurs bon marché en matière de politique de sécurité et montrer qu'ils sont prêts à faire plus pour leur propre sécurité», a t-il déclaré dans l'émission «Gredig direkt» de la SRF pendant le Forum économique mondial (WEF).
L'Europe doit se préparer dès maintenant à une éventuelle nouvelle administration Trump. Et pour cela, elle doit prendre contact avec lui et son parti républicain, estime Wolfgang Ischinger. «Il faut lui expliquer que des intérêts américains en matière de sécurité sont également représentés en Ukraine et que l'Europe fait beaucoup pour rendre l'Ukraine plus résistante.»