Vladimir Poutine a 69 ans. Le président russe, au pouvoir de manière presque ininterrompue depuis 1999, a joué le tout pour le tout en lançant les forces russes en Ukraine. Pour Roger Boyes, un journaliste et écrivain britannique qui a couvert la Russie pendant des années, le règne de Poutine est toutefois loin d’être terminé.
Il estime que le leader autocrate pourrait rester au pouvoir pendant encore dix ans et poursuivre ses plans de purge au sein des autorités du pays. «Je pense que l’Ukraine est la dernière guerre qu’il va mener et était le cheminement logique de son engagement. Mais je ne crois pas que c’est la fin de Poutine.»
Aucun processus de succession prévu
Ancien correspondant du journal britannique «The Times», il a déclaré au tabloïd «Mirror»: «Une des particularités de ces autocrates, c’est qu’ils construisent souvent un système qui ne prévoit aucun processus de succession. L’issue inévitable, dans le temps, c’est que ces hommes forts finissent par devenir déments, jusqu’à ce qu’ils meurent.»
Selon Roger Boyes, d’ici à ce qu’il trépasse, Vladimir Poutine «aura eu le temps de faire toutes sortes de dégâts» et une partie des dommages causés sont déjà visibles. Mais il craint aussi que Poutine s’en prenne ensuite à la société civile, la «substance de la Russie».
Poutine balaie large au sein du FSB
Poutine va-t-il faire le ménage dans son entourage et le monde civil? En tout cas, l’expert n’hésite pas à parler de purges autour du président. Cela se voit dans le traitement que celui-ci réserve à ses généraux. Il a déjà fait arrêter plusieurs d’entre eux.
Le général roman Gavrilov, par exemple, vice-chef de la garde national russe, serait aux arrêts, tout comme le chef du département 5 des services de renseignement (le fameux FSB), le général Sergueï Beseda. Lui et son adjoint Anatoli Bolioukh ont été placés en résidence surveillée. Selon «The Times», environ 150 agents du renseignement russe auraient déjà été renvoyés ou arrêtés.
Un discours d’avertissement pour la population?
Mais Poutine n’a pas que des cadres de l’armée et du renseignement dans le collimateur. Les citoyens russes ordinaires qui ne sont pas d’accord avec ses actions pourraient également être en danger.
Un discours du président russe, à la mi-mars, l’avait en tout cas laissé entendre: «Chaque peuple, et le peuple russe en particulier, saura toujours distinguer les vrais patriotes de la racaille et des traîtres, pour les recracher comme un moustique qui s’est accidentellement glissé dans sa bouche», a-t-il déclaré. Ambiance.
«La société se nettoie de manière naturelle, a-t-il rajouté. Cela ne fera que renforcer notre pays, notre solidarité, notre cohésion et notre volonté de répondre à tous les défis.»
Il ne suivra pas l’exemple de Boris Eltsine
Selon l’historien allemand Hubertus Knabe, Vladimir Poutine ne quittera pas son poste de son propre chef, comme l’avait fait son prédécesseur Boris Eltsine, en 1999. «Il ne faut pas s’attendre à ce que Poutine suive son exemple. Ne serait-ce qu’en raison de sa volonté de puissance autoproclamée, il ne quittera pas le Kremlin de son plein gré», écrit-il dans une tribune publiée dans la «NZZ».
Dans une interview accordée au blogueur et journaliste russe Youri Dud, l’historienne russe Tamara Eidelman a déclaré il y a quelques semaines: «Les conflits et les coups d’Etat sont inévitables dans un pays comme la Russie. Et plus cela se produit tôt, plus c’est facile. Cela fait maintenant bientôt dix ans que le conflit dure en Ukraine, et le gouvernement a tout fait pour qu’il soit le plus sanglant possible».
Elle est convaincue que si un changement de pouvoir avait eu lieu en 2011 ou 2012, tout se serait passé plus pacifiquement. Cependant, Vladimir Poutine considère toujours que son pouvoir sur le pays est bénéfique à celui-ci. Pour rappel, il a été réélu par la population russe pour la dernière fois en 2018, où il a remporté 76,7% des voix dès le premier tour.
(Adaptation par Alexandre Cudré)