«C'était une course folle», déclare Henrik Marx à propos de l'évolution des prix de l'or, de l'argent et des autres métaux précieux au cours des derniers mois. Ce trentenaire est responsable du négoce des métaux précieux chez Heraeus, le plus grand négociant du monde dans ce secteur, dont le siège se trouve à Hanau, en Allemagne.
Lorsque la guerre d'Ukraine a éclaté en février, le prix d'un kilo d'or a bondi à près de 60'000 francs.
En revanche, lorsque les banques centrales du monde entier - notamment celle des États-Unis - ont resserré les vis des taux d'intérêt à partir de l'été pour lutter contre l'inflation galopante, le prix de l'or a de nouveau fortement baissé. Avec la hausse des taux d'intérêt, il devient plus intéressant de placer son patrimoine sous forme de dépôt à terme sur son compte plutôt que de stocker des lingots d'or dans le coffre-fort de sa banque.
Investir dans l'or plutôt que dans le bitcoin
Mais l'année 2023 devrait être marquée par une nouvelle hausse significative du cours de l'or. «Nous sommes optimistes et pensons que le prix de l'or en euros atteindra un nouveau record absolu», prévoit Henrik Marx lors de la présentation des prévisions annuelles sur les métaux précieux. Par crainte d'une récession et grâce à l'affaiblissement de l'inflation, les banques centrales ne devraient plus augmenter les taux d'intérêt aussi fortement que jusqu'à présent - ce qui aurait pour conséquence de soutenir le prix de l'or.
En outre, les banques centrales du monde entier achètent actuellement des lingots d'or en quantité inégalée depuis des décennies. Elles veulent ainsi se protéger contre les turbulences inflationnistes et réduire leur dépendance vis-à-vis du dollar américain, en détenant moins de devises étrangères et plus d'or.
Les investisseurs privés procèdent également à des achats massifs d'or. Parmi eux, il y a probablement beaucoup de crypto-investisseurs déçus que le bitcoin ne soit pas devenu la nouvelle valeur refuge tant espérée. Avec les nombreuses turbulences sur le marché des crypto-monnaies cette année, ils en ont eu pour leur argent.
Les raffineries suisses tournent à plein régime
Le prix élevé de l'or est une bonne nouvelle pour la Suisse, quatre des sept plus grandes raffineries d'or du monde se trouvant dans notre pays. Ensemble, elles traitent - selon les estimations - entre 40 à 70% de l'or négocié dans le monde. Le leader du secteur du négoce, Heraeus, exploite également une énorme fonderie d'or à Mendrisio (TI).
«L'entreprise tourne à plein régime depuis un an ou deux», explique Henrik Marx. Et, selon les prévisions du négociant, cela devrait continuer en 2023. Et cela, malgré le fait que les raffineries suisses ne puissent plus fondre d'or russe en raison des sanctions internationales.
De l'or russe à Dubaï, en Chine et en Inde
Beaucoup d'experts critiquent le fait que l'or russe soit refondu, notamment aux Émirats Arabes Unis - et qu'il soit ainsi estampillé Dubaï au lieu de Russie. «La Russie n'a pas du tout besoin de dissimuler l'origine de son or», rétorque Marx Henrik. La Chine et l'Inde continuent d'acheter de l'or russe sans hésitation. Ce faisant, Vladimir Poutine n'a pas besoin de faire passer son or en Occident par des voies tortueuses - tant qu'il trouve suffisamment d'acheteurs en Asie.
L'assouplissement de la politique stricte du «zéro Covid» en Chine devrait donc plaire au président russe. Car jusque-là, les lockdowns, les usines à l'arrêt et autres interruptions de la chaîne d'approvisionnement menaçaient de freiner la demande en or de l'industrie joaillière chinoise.
