Le conflit israélo-palestinien va-t-il encore plus s’envenimer à partir de ce mercredi? Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien qui retrouve le pouvoir, doit y présenter son nouveau gouvernement, à quelques jours de Noël. Un poste est particulièrement scruté: celui de ministre de la Sécurité intérieure.
Le dirigeant israélien compte nommer à cette position Itamar Ben Gvir. Une figure radicale qui pourrait attiser le conflit en Terre sainte. L’homme de 46 ans n’est autre que le président du parti d’extrême droite Otzma Yehudit.
Résident d’une colonie israélienne illégale
Parmi ses prises de position controversées, Itamar Ben Gvir veut évacuer la Cisjordanie palestinienne et enfermer les quelque 3 millions de Palestiniens dans des ghettos. Il envisage aussi le rétablissement de la peine de mort en Israël et prône l’impunité pour les policiers violents.
Ben Gvir, qui vit lui-même dans l’une des colonies israéliennes illégales au regard du droit international sur le territoire palestinien, a déjà été condamné une fois en 2007 pour soutien à une organisation terroriste juive.
Jusqu’à récemment, ce père de cinq enfants avait accroché dans sa maison une photo du tueur de masse israélien Baruch Goldstein. Ce dernier avait massacré 29 personnes et en avait blessé 135, parfois grièvement, dans une mosquée de la ville palestinienne d’Hébron, en 1994.
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Un ministre des Finances misogyne
La nomination de Ben Gvir à la tête de la police israélienne et des autorités frontalières avec les territoires palestiniens reviendrait à nommer «un pyromane capitaine des pompiers», s’inquiète Peter Lintl, expert d’Israël à la Fondation berlinoise pour la science et la politique.
Benyamin Netanyahou n’avait pourtant pas vraiment le choix pour ce poste ministériel important. «Bibi», comme l’appellent les Israéliens, avait besoin, après le cinquième scrutin national en Israël en moins de quatre ans, des voix de deux partis ultra-orthodoxes et de trois partis d’extrême droite pour obtenir une majorité au Parlement israélien et pouvoir former un gouvernement.
Ces mêmes partis dissidents ont manifestement réussi à torpiller le Premier ministre avec leurs exigences lors des négociations de coalition qui ont duré des semaines.
Itamar Ben Gvir n’est d’ailleurs pas le seul futur Ministre à faire grincer des dents. Le radical de droite Bezalel Smotrich, 42 ans, qui considère les femmes comme des machines à accoucher et les non-croyants comme des ennemis de l’État, devrait être nommé à la tête des Finances.
Le ministère de l’Intérieur, quant à lui, devrait revenir à Arje Deri, le chef du parti religieux radical Shas, condamné pour des délits fiscaux. Son parti semble également avoir obtenu que les juifs ultraorthodoxes soient exemptés du service militaire.
Netanyahou veut être juge et bourreau
Une autre chose inquiète particulièrement l’expert Peter Lintl: l’attaque de «Bibi» et de ses futures collègues contre la justice. Ceux-ci prévoiraient de rendre possible une annulation des décisions de la Cour suprême avec une simple majorité parlementaire.
Certains délits – comme celui de détournement de fonds, pour lequel Benyamin Netanyahou est lui-même accusé – doivent être supprimés des codes. «En Israël, les majorités politiques ne pourront plus guère être mises au pas par la Cour suprême», s’alarme Peter Lintl.
Même l’allié le plus proche et le plus puissant d’Israël, les États-Unis, s’est risqué à des avertissements. L’équipe du président américain, Joe Biden, a fait savoir qu’il était difficile d’imaginer une collaboration avec les représentants radicaux du nouveau gouvernement.
La rédaction du «New York Times» a de son côté qualifié les derniers développements de «danger pour l’avenir d’Israël». Le Premier ministre israélien en exercice, Yaïr Lapid, s’est également exprimé sur Twitter et a déclaré que les projets politiques de Benyamin Netanyahou étaient un «affront aux valeurs de l’État».
Les réactions sont particulièrement vives du côté palestinien. La frustration des quelque 3 millions de Palestiniens vivant en Cisjordanie, occupée par Israël depuis 1967, est énorme. À la rhétorique agressive d’Israël s’ajoute le fait que le président palestinien vieillissant, Mahmoud Abbas, 87 ans, se maintient au pouvoir depuis 2009 sans légitimité démocratique.
L’année la plus sanglante depuis longtemps
En Cisjordanie, plusieurs nouveaux groupes radicaux se sont formés cette année, le plus important étant la «brigade de la grotte du lion», qui planifie des attentats contre l’occupant israélien. Au moins 31 Israéliens ont été tués dans des attaques palestiniennes en 2022.
La réponse militaire d’Israël, elle, a coûté la vie à 135 Palestiniens, au moins. L’année 2022 a ainsi été la plus sanglante au Proche-Orient depuis longtemps.
Pourtant, selon un sondage du Centre palestinien de recherche politique et de statistique, près des trois quarts des Palestiniens approuvent les actions de tels groupes, malgré la riposte meurtrière. Depuis des mois, des attaques de représailles israéliennes ont lieu presque quotidiennement, surtout dans les deux grandes villes palestiniennes de Jénine et Naplouse.
Lors d’une attaque sur Naplouse en octobre, quasi toute l’équipe dirigeante des «Brigades du Lion» a perdu la vie. Aujourd’hui encore, des enfants jouent sur les places étroites de la métropole avec les amulettes des «martyrs» autour du cou. Les murs de pierre de la vieille ville sont remplis d’affiches de photos des brigadistes tués. En Terre sainte, à l’approche de Noël, les vieilles rancœurs ont remplacé l’ambiance de fête.