Zénobie était reine de Palmyre, en Syrie actuelle, à l'époque des Romains. Elle était rebelle, si j'en crois le magazine «National Geographic». Je n'avais pas connaissance de son existence jusqu'à aujourd'hui. Le duo de musique électronique palestinienne Zenobia m'aura appris quelque chose. À vous aussi?
Habitants de Haïfa, en Israël, Nasser Halahlih et Isam Elias connaissent aussi les territoires occupés palestiniens. Depuis trois ans, ils écument aussi les plus grands festivals et événements du genre — comme le Fusion de Berlin ou la Techno Parade de Paris. Le mélange de dabke, musique et danse traditionnelle, de synthétiseurs et de gros beats bien sales séduit l'Europe. La Palestine aussi.
Croient-ils aux contes de fées? Sont-ils des résistants? Suivez-moi. Allons les rencontrer dans cette loge transpirante avant leur concert de ce dimanche à Paléo (Belleville, 21h30)! Nous avons dix minutes, dépêchez-vous!
Zenobia — Zénobie, en français — était une reine. Vous croyez aux contes de fées?
Nasser Halahlih: Oui! En fait, nous sommes un conte de fées!
Vraiment?
Isam Elias: Notre projet, c’est de suivre les traces de la reine Zénobie. Au sens qu’elle régnait sur une grande partie du Proche Orient. Nous voulons réunir les différents pays de cette région à travers notre musique.
Nasser Halahlih: La musique est la meilleure arme.
Quel est votre conte de fées préféré?
Isam Elias: Robin des bois!
Nasser Halahlih: Zenobia! Franchement, le fait d’être ici, de faire une interview, de jouer à Paléo, c’est une sorte de conte de fées. Voir que notre projet, né dans un tout petit bar d’Haïfa, être reconnu par les plus grands festivals d’Europe, c’est quelque chose.
Isam Elias: Nous avons commencé de rien. Nous sommes une minorité au sein d’une minorité. Nous sommes des Palestiniens vivant en Israël et nous sommes des artistes. En Israël, en tant qu’Arabes, nous n’avons pas notre place dans le showbiz.
Pourquoi?
Isam Elias: Parce que nous sommes Arabes!
Nasser Halahlih: Et s’ils veulent nous programmer, c’est juste pour nous récupérer politiquement et montrer qu’ils traitent les Arabes correctement. Alors que c’est faux.
Avant de partir de rien, vous avez dû vous rencontrer. Vous me racontez comment?
Nasser Halahlih: Ce projet est né par hasard. J’ai été producteur de musique pendant longtemps. Je produisais des lives. Et un jour, j’ai rencontré Isam à l’entrée de ce bar de Haïfa, qui s’appelle le Kabareet.
Isam Elias: Il m’a proposé de jouer un set avec lui. J’avais mes claviers avec moi, je lui ai dit oui. C’était de la folie. L’alchimie.
Vous portez le keffieh traditionnel palestinien, qui était plus porté par les paysans que par les rois. Cette étoffe peut avoir beaucoup de significations aujourd’hui. Ça veut dire quoi pour vous?
Nasser Halahlih: Nous le portions sur scène. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Nous travaillons sur notre prochain album et nos costumes sont différents. Nous croyons au changement. Après trois ans, Zenobia évolue.
J’ai une dernière question et après je vous libère, parce que je suis une bonne personne. Vous vivez à Haïfa, au nord d’Israël, mais vous traversez souvent le mur pour aller dans les territoires occupés palestiniens. Vous croyez que ce conflit prendra fin un jour?
Nasser Halahlih: (Il éclate de rire.) Tu sais, tu ne peux pas nous poser cette question. Pas tournée comme ça en tout cas.
Pourquoi?
Nasser Halahlih: Cette question est trop innocente. Il y a énormément d’enjeux: la question n’est pas de savoir s’il y aura une solution mais si les gouvernements, des deux côtés, voudront en trouver une. Mais la paix n’est pas bonne pour les politiciennes et politiciens: ils et elles ne pourraient plus se servir de la guerre pour se faire élire.
Merci pour cette réponse à la question que je n’avais pas le droit de poser.
Nasser Halahlih: Non, mais tu as le droit de la poser. On nous la pose tout le temps. Je sais que pour toi, journaliste, c’est plus sexy d’écrire ton interview sous l’angle de l’occupation et de ces artistes qui résistent à l’oppresseur que de notre projet musical. Je le comprends, vraiment. Mais nous ne voulons pas jouer à ce jeu-là dans le but de gagner en notoriété. Ce serait malhonnête. On s’en fout, de ce que nous pensons. Regarde-nous! Nous sommes assis en loge, avec une bouteille d’eau, avec un journaliste, nous voyageons… J’aurais honte de parler de résistance.