Celles et ceux qui zappent la Saint-Valentin, dans nos contrées, invoquent généralement le fait que, «de toute façon, c'est une fête commerciale qui ne veut rien dire!». Ou encore le fameux: «Nous, notre amour, on le fête tous les jours!»... Des mots qui ne manqueraient pas de séduire Cyrille de Moscou, Patriarche de toutes les Russies — à la tête de l'Église orthodoxe russe.
Car, au pays du Kremlin, snober la Saint-Valentin semble être devenu de bon ton. La population russe serait désormais officiellement encouragée, par son Patriarche et les médias étatiques, à boycotter les festivités du 14 février. Du moins, si l'on en croit les gros titres de la presse du pays de ces dernières semaines.
«Propagande» de l'Occident
Le quotidien économique russe «Kommersant» (propriété de l'oligarque Alicher Ousmanov), entre autres, a en effet relayé des propos du Patriarche Cyrille, le 24 janvier dernier. Propos qu'il aurait originellement tenus lors d'une célébration publique du Noël orthodoxe, un peu plus tôt en janvier.
L'homme de foi affirme, après avoir remercié Dieu pour «l'interdiction de la propagande LGBT dans notre pays», que «la célébration du soi-disant jour de la Saint-Valentin, importé de l'Occident, soulève beaucoup de questions». À savoir? Pour lui, cette fête reste «de la propagande pour des relations (ndlr: amoureuses, intimes), qui n'ont rien à voir avec l'amour véritable», peut-on lire sur les plateformes de nos confrères russes.
Cyrille de Moscou va plus loin encore. D'après lui, la popularité (en réalité relative) de la fête des amoureux en Russie est liée à «l'omniprésente diffusion des idées d'amour libre».
Ça irrite jusqu'à la Douma
La problématique de la Saint-Valentin en Russie aurait même dépassé la sphère religieuse pour s'inviter à la Douma, la chambre basse de l'Assemblée fédérale de la Russie. D'après un article de l'agence du média russe «News.ru», daté lui aussi du 24 janvier, des députés se seraient déjà adonnés à des joutes verbales à ce sujet.
Du côté des détracteurs de la fête de l'amour, le député du parti de droite Russie unie, Evgeny Fedorov, aurait déclaré: «C'est une fête étrangère d'idéologie douteuse, [elle] nous a été imposée à la suite de la victoire (ndlr: supposément de l'Occident) sur nous dans la guerre de l'information. Aujourd'hui, la société s'assainit [...] et commence à rejeter toutes ces absurdités.» Dans le même registre, l'élu Vitaly Milonov aurait qualifié le 14 février de «fête commerciale pour vendre des culottes».
Mais la Saint-Valentin a ses vaillants défenseurs, même au parlement russe. Pour le député Maxim Ivanov, pourtant lui aussi affilié à la Russie unie, il n'y aurait pas vraiment de valeurs «occidentales» ou «orientales» à proprement parler. L'homme aurait osé affirmer, face à ses collègues plus conservateurs: «Il existe des valeurs universelles. Faut-il célébrer la Saint-Valentin? C'est une affaire personnelle pour chacun. Faut-il l'interdire par la force? Non, ce serait une grande bêtise».
Une fête bientôt interdite?
Très concrètement, est-il possible que le gouvernement interdise carrément de célébrer le 14 février? À son tour, la députée Tatiana Butskaya, du même parti (largement majoritaire) que ses deux homologues masculins, aurait soulevé l'absurdité d'une telle mesure: «Aucune interdiction ne peut être envisagée, puisque la fête elle-même n’est pas officielle.»
La femme politique se serait fendue d'une métaphore pour illustrer son propos: «Nous pouvons organiser notre propre Journée des peluches, par exemple. Ensuite, nous pouvons nous-mêmes choisir n'importe quelle date pour cette journée, et proposer de célébrer la Journée des peluches ce jour-là.»