Le visage d’une rescapée emprisonnée, plutôt que celui d’une jeune femme morte sous les coups de la police. Un nom, comme celui de Shirin Ebadi récompensée en 2003, plutôt qu’un slogan.
Les jurés du Prix Nobel de la paix 2023 décerné ce vendredi 6 octobre à Oslo, en Norvège, ont eu raison de saluer l’action de l’infatigable activiste Narges Mohammedi, 51 ans, emprisonnée pour son engagement contre le voile obligatoire pour les femmes, et contre la peine de mort que les juges islamiques iraniens prononcent régulièrement pour éliminer ceux qui osent les défier.
Et pourtant! Comment ne pas regretter l’absence de ces trois mots «Femme, vie, liberté», un an après la mort de Mahsa Amini, le 16 septembre 2022, tant ce slogan est devenu emblématique de la révolte d’une grande partie des femmes et de la jeunesse iranienne?
L’annonce du prix Nobel de la paix 2023 en vidéo
Oui, «Femme, vie, liberté» aurait mérité de figurer dans le panthéon des Nobel de la paix. Car ce cri de révolte, poussé par des femmes et des hommes en lutte contre les Mollahs au pouvoir à Téhéran depuis la révolution islamique de 1979, dit la volonté collective de soulever la chape de plomb d’un coran utilité comme outil d’oppression.
Depuis un an, ces lettres sont tagués sur les murs, scandées devant les policiers armés, jetées à la figure des Ayatollahs et de leurs cerbères, les redoutables «gardiens de la révolution». Donner le prix Nobel de la paix à ce mouvement spontané, né après le décès d’une jeune étudiante iranienne d’origine kurde violemment battue par la police, aurait permis à toutes les manifestantes et à toutes celles qui défient le régime en enlevant leur voile, de prendre le monde à témoin.
Chacune d’entre elles, et surtout les inconnues des campus qui osent encore défier le pouvoir, aurait vu la légitimité de son combat reconnu, au même titre que celui de Martin Luther King (Prix Nobel de la paix 1964), l’organisation russe Mémorial (2022) ou Denis Mukwege, le chirurgien congolais «réparateur» de femmes violées, désormais candidat à la présidence de son pays.
Le choix du Comité Nobel norvégien est louable. La force de ce prix, comme ce fut le cas pour la juriste iranienne Shirin Ebadi, est de protéger celui ou celle qui la reçoit, même s’il n’empêche pas que les autorités l’expulsent ou le harcèlent.
Reste une frustration: récompenser un cri poussé par des femmes de toutes générations, qui associe la vie et la liberté dans un pays aux mains de religieux totalitaires, aurait été aussi un signe envoyé à tous ceux qui veulent utiliser la foi et l’identité comme une arme et un instrument de répression. Narges Mohammedi restera comme la lauréate 2023.
L’essentiel est toutefois de ne pas oublier le combat de toutes celles qui, encore aujourd’hui, combattent pour que «Femme, vie, liberté» ne soit pas une épitaphe sur des tombes, mais un slogan pour l’Iran de demain.