Face au rapprochement amorcé entre Donald Trump et Vladimir Poutine, le chef de fil du bloc conservateur a annoncé vouloir augmenter significativement les dépenses militaires de son pays pour continuer à soutenir avec ses voisins européens l'Ukraine. Il faut aussi à ses yeux se préparer «au pire scénario» en créant une défense européenne autonome en tant qu'alternative à «l'Otan dans sa forme actuelle», au vu de la rupture transatlantique en cours avec Washington.
Or, ses grands projets risquent de buter sur un obstacle de taille: pour débloquer l'argent nécessaire, il a besoin d'une majorité des deux tiers des députés, qu'il ne pourra trouver dans la nouvelle chambre issue des législatives de dimanche et dont le mandat commence le 25 mars. Friedrich Merz va devoir pour cela en effet soit assouplir les règles nationales constitutionnelles très strictes limitant l'emprunt public – le «frein à l'endettement – soit créer un «fonds spécial» défense hors budget. Deux mesures réclamant une majorité des deux tiers.
Et l'affaiblissement des partis modérés aux élections va donner dans le nouveau Bundestag de facto une minorité de blocage pour ces projets aux partis d'extrême droite (AfD) et d'extrême gauche (Die Linke), qui pour des raisons différentes sont opposés aux desseins de Friedrich Merz. Ce dernier a donc indiqué lundi ne pas exclure, pour contourner l'obstacle, de faire voter les mesures par le Bundestag actuel, où il peut espérer atteindre la majorité nécessaire.
Une réforme vue d'un mauvais oeil
Friedrich Merz a quatre semaines pour trouver un terrain d'entente avec les sociaux-démocrates et les verts favorables à de telles dépenses. La première option avec eux serait une réforme du frein à l'endettement, qui limite dans la constitution les nouveaux emprunts annuels à 0,35% du PIB par an. C'est ce carcan, introduit sous le mandat d'Angela Merkel et vilipendé par nombre d'économistes – y compris aujourd'hui les plus orthodoxes – qui a fait trébucher la coalition du prédécesseur de Merz, le social-démocrate Olaf Scholz en novembre dernier. Les Libéraux du FDP ne voulaient pas l'abandonner et ont quitté le gouvernement.
Le ministre de la Défense Boris Pistorius a estimé dans le quotidien «Bild» mardi qu'il faudrait plus que doubler le budget de son ministère pour faire les investissements nécessaires. En 2024, il s'élevait à 52 milliards d'euros.»Une exception au frein à l'endettement est pratiquement inévitable pour doter la Bundeswehr de moyens suffisants», a déclaré le ministre social-démocrate. Dans les rangs des conservateurs, une réforme du mécanisme est cependant vue d'un mauvais oeil.
En revanche, ils n'excluent pas la possibilité de créer un fonds spécial pour abonder le budget de l'armée allemande. «L'initiative de Merz pour un fonds spécial n'est ici que la deuxième meilleure solution, mais c'est tout de même une solution et il faut donc la saluer», a estimé le président de l'institut pour l'économie mondiale (IfW), basé à Kiel (nord), Moritz Schularick, dans un entretien mardi au quotidien Rheinische Post. Pour cet institut proche des conservateurs, «la mesure la plus décisive et la plus clairvoyante serait d'exclure les dépenses de défense du frein à l'endettement.»
Les déboires de Sholz
La création d'un fonds spécial n'est cependant pas non plus sans risque comme l'illustrent les déboires passés du gouvernement Scholz. Ce dernier en avait fait adopter un de 60 milliards d'euros pour financer des investissements massifs, notamment protéger le climat, pensant ainsi pouvoir s'affranchir des règles budgétaires.
Or, cette manoeuvre a été condamnée en novembre 2023 par la Cour constitutionnelle, provoquant un trou dans le plan de dépenses de la coalition de Scholz. Un événement qui a sonné le début de la fin de ce gouvernement.