Selon Gerhard Pfister
«Merz est définitivement plus proche de la Suisse que Scholz»

Le changement de pouvoir en Allemagne, avec Friedrich Merz comme probable nouveau chancelier, pourrait marquer un tournant dans les relations avec la Suisse. Malgré des attentes positives, des experts tempèrent l'impact réel sur les enjeux bilatéraux majeurs.
Publié: 12:04 heures
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Le chef de la CDU, Friedrich Merz, devrait devenir le prochain chancelier allemand.
Photo: IMAGO/DeFodi Images
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Ruedi Studer

L'Allemagne connaît une passation de pouvoir. Après la victoire de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) aux élections, le chancelier fédéral Olaf Scholz va devoir quitter son bureau. En effet, le nouvel homme fort à Berlin s'appelle Friedrich Merz, et ce dernier devrait bientôt être désigné comme nouveau chancelier fédéral. Si tel est le cas, la Suisse peut-elle espérer de meilleures relations avec son voisin?

Ce qui est sûr, c'est que la Suisse n'était pas très appréciée par le gouvernement d'Olaf Scholz. Les relations étaient plutôt froides et les deux pays se sont régulièrement confrontés. À titre d'exemple, l'Allemagne n'a pas été autorisée à livrer à l'Ukraine des munitions achetées en Suisse pour le char antiaérien Leopard, ce qui a suscité le mécontentement de son voisin du nord. De même, 25 chars Leopard, dont 2 retirés du service, n'ont été livrés à l'Allemagne qu'après de longues discussions et à condition qu'ils n'atterrissent pas en Ukraine. Par conséquent, l'armée allemande souhaite désormais éviter les marchands d'armes suisses pour ses achats. 

Désaccords sur les contrôles aux frontières

La politique migratoire a également été une source de désaccords entre les deux pays. Berlin a reproché à la Suisse de faire passer des migrants illégaux en Allemagne. En octobre 2023, notre voisin a donc introduit un régime plus strict, avec des contrôles aux frontières renforcés. Une mesure unilatérale qui a récemment été prolongée jusqu'au 15 septembre.

Le ministre de l'Immigration Beat Jans a exprimé à plusieurs reprises à la ministre allemande de l'Intérieur Nancy Faeser, le mécontentement du Conseil fédéral face à ce durcissement et a plaidé pour des frontières ouvertes dans l'espace Schengen. Lors des négociations avec l'UE sur un nouvel accord, la Suisse a pu compter sur moins de soutien de son voisin que sous l'ancienne chancelière Angela Merkel.

Des liens avec la Suisse

Un vent plus doux soufflera-t-il bientôt avec Friedrich Merz? Dans le programme électoral de la CDU, la Suisse n'apparaît qu'une seule fois, mais dans un sens positif. Le parti de Merz souhaite en effet renforcer les partenariats et les coopérations avec les pays voisins. «Cela vaut en particulier pour les pays de l'Espace économique européen, la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein ainsi que pour la Suisse», peut-on lire à ce sujet.

Friedrich Merz lui-même a plusieurs points d'attaches avec la Suisse. Au cours des dernières décennies, il s'y est rendu à plusieurs reprises, notamment lorsqu'il était vice-président du groupe parlementaire CDU/CSU au Bundestag ou à diverses reprises pour diverses conférences.

Mais son principal lien avec notre pays s'est construit entre 2006 et 2020. Friedrich Merz a siégé au conseil d'administration de Stadler Rail, dont le siège est siuté à Bussnang en Thurgovie. «Friedrich Merz connaît bien la Suisse, il est souvent venu ici», a déclaré l'année dernière le président du conseil d'administration Peter Spuhler à CH Media. «Il connaît bien notre processus de démocratie directe.»

«Merz est définitivement plus proche de la Suisse que Scholz»

Le président du Centre, Gerhard Pfister, a rencontré le chef de la CDU à plusieurs reprises, notamment lors de réunions du Parti populaire européen. «Je ne le connais pas très bien personnellement», admet Gerhard Pfister. Il a néanmoins une image claire et positive de Friedrich Merz. «Il est authentique, orienté vers un objectif et a une ambition de leadership claire», explique Gerhard Pfister. Il souligne aussi que, bien que l'Allemand aura 70 ans en novembre, Friedrich Merz se porte bien.

Gerhard Pfister en est convaincu: «Friedrich Merz est non seulement plus proche de la Suisse et de sa réalité qu'Olaf Scholz, mais aussi qu'Angela Merkel.» Issu de la CDU traditionnelle d'après-guerre, il incarne une approche républicaine et affiche une certaine sympathie pour la Suisse, un atout selon lui. Son élection faciliterait l'accès des politiciens suisses à la chancellerie fédérale.

Gerhard Pfister part du principe que Friedrich Merz va intensifier les bonnes relations avec la Suisse. En ce qui concerne l'accord avec l'UE, la Suisse ne peut toutefois pas espérer un soutien pour des exceptions supplémentaires. «Merz est un Européen convaincu et ne s'immiscera pas dans les affaires de l'UE.»

Le durcissement de la politique migratoire souhaité par Friedrich Merz n'inquiète pas non plus Gerhard Pfister. «En matière de politique d'asile, Friedrich Merz peut même apprendre de nous sur comment accélérer les procédures et faire avancer les rapatriements – dans ce domaine, nous sommes nettement mieux placés», affirme le président du Centre. De plus, le Conseil fédéral se montre désormais prêt à intensifier le contrôle des frontières nationales à court et moyen terme.

En fin de compte, l'agenda du chancelier fédéral est rempli de tant de problématiques plus graves qu'il ne devrait pas y avoir de grands conflits avec la Suisse. Gerhard Pfister espère que Friedrich Merz remettra sur pied l'économie allemande en crise. «La Suisse en profiterait également.»

«Sur le fond, il n'y aura pas beaucoup de changements».

A l'inverse, l'ancien ambassadeur suisse à Berlin Tim Guldimann ne pense pas que les relations entre les deux pays vont beaucoup changer. «Que la Suisse bénéficie d'une quelconque priorité est une illusion», affirme l'ancien conseiller national socialiste, qui vit toujours à Berlin. «Dans le meilleur des cas, Friedrich Merz se montrera un peu plus aimable, mais sur le fond, il n'y aura pas beaucoup de changements.»

Face aux défis dans les domaines de l'économie, de la migration, de la guerre en Ukraine et du climat, Friedrich Merz a de tout autres problèmes à régler, selon Tim Guldimann. «Dans ce cas-là, notre état d'esprit ne l'intéresse tout simplement pas. Pour lui, des pays comme l'Estonie ou la Croatie sont plus importants, car ils sont dans l'UE.» Tout au plus, Friedrich Merz pourrait dire un mot en faveur des Etats critiques envers la Suisse lorsqu'il s'agira d'approuver un accord avec l'UE. «Non pas par égard pour la Suisse, mais parce que l'espace économique du sud de l'Allemagne y a un intérêt.»

Toutefois, la Suisse pourrait se retrouver dans le collimateur de Friedrich Merz. «Le fait que d'énormes sommes d'argent transitent par la Suisse via le commerce russe de matières premières et affaiblissent les sanctions contre la Russie est incompréhensible pour les Allemands», déclare Tim Guldimann. «Cela pourrait exploser au visage de la Suisse un jour ou l'autre.»

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