Evgueni Prigojine est assis au bout d’une longue table, le visage grave. Face à lui, trois journalistes. La conversation porte sur Bakhmout, les chars occidentaux et l’engagement des troupes de mercenaires Wagner en Afrique.
La scène est lourde de sens: un homme puissant explique sa vision du monde. Evgueni Prigojine souligne ses propos avec des gestes amples. A l’image, il apparaît souvent seul, imposant. Une pensée s’impose inévitablement: le chef des mercenaires est-il en train de devenir un homme d’État?
Depuis quelque temps, les spéculations de ce genre vont bon train sur les intentions du patron des troupes Wagner. L’interview qu’Evgueni Prigojine a récemment accordée aux agences de télévision et d’information publiques en Russie alimente la supposition selon laquelle il souhaiterait succéder au président russe. C’est ce que rapporte le groupe de réflexion américain Institute for the Study of War (ISW).
Le groupe de réflexion qualifie l’apparition de celui que l’on surnomme parfois le «cuisinier de Poutine» de singulière. Les experts estiment qu’il pourrait se positionner comme successeur au Kremlin et se présenter comme candidat à la présidence russe pour les élections de 2024.
Prigojine contredit le Kremlin
Contrairement à ses apparitions précédentes, le patron des troupes Wagner ne s’est pas fait photographier sur le champ de bataille, mais assis à une grande table. Selon l’analyse de l’ISW, la manière dont Evgueni Prigojine s’est mis en scène rappelle fortement les interventions de Vladimir Poutine.
Une coïncidence? Probablement pas pour l’Institute for the Study of War. Le groupe de réflexion a deux hypothèses quant à cette démonstration: Evgueni Prigojine chercherait «soit à se moquer de Poutine, soit à suggérer subtilement qu’il pourrait devenir président russe comme Poutine».
Le patron de Wagner a en outre profité de son apparition pour saper la crédibilité du Kremlin. Il a contredit l’affirmation du gouvernement selon laquelle la Russie combattait l’OTAN en Ukraine. Il a même remis en question la présence effective de «nazis» en Ukraine. Vladimir Poutine a toujours justifié l’invasion du pays voisin en avançant qu’il cherchait à «dénazifier l’Ukraine».
Le chef de Wagner déplore le manque de munitions
Lors de l’interview, le chef des troupes Wagner n’a pas non plus manqué de critiquer une fois de plus le manque de provisions au front. Depuis des mois, Evgueni Prigojine accuse le commandement militaire russe d’être responsable de la mort de mercenaires Wagner à cause de la pénurie de munitions.
Début mars déjà, des indices laissaient penser que le chef de Wagner pourrait viser le siège de Vladimir Poutine. Evgueni Prigojine avait annoncé qu’il se présenterait au poste de président ukrainien en 2024. Selon l’ISW, cela serait une stratégie pour détourner l’attention de ses véritables ambitions politiques en Russie.