Les manifestations en Iran, dont la répression a fait au moins 83 morts, ont débuté après le décès le 16 septembre de cette Kurde iranienne, trois jours après son arrestation pour infraction au code vestimentaire strict de l'Iran qui oblige notamment les femmes à porter le voile islamique.
Le pouvoir, qui dément toute implication des forces de l'ordre dans la mort de la jeune femme de 22 ans, a fait arrêter des centaines de manifestants, qualifiés d'«émeutiers».
Plus de 150 villes dans le monde, dont Genève
Des manifestations de solidarité, auxquelles participe la diaspora iranienne, se tiennent samedi dans plus de 150 villes du monde, de Tokyo à San Francisco, en passant par Londres ou Genève, selon les organisateurs.
A Rome, un millier de personnes a défilé au rythme des tambours. «Nous demandons justice pour Mahsa Amini et toutes les victimes de la violence brutale et aveugle des autorités, ainsi que la liberté de choix pour nos soeurs iraniennes», a déclaré une participante, responsable du petit parti centriste +Europa, citée par l'agence AGI.
A Tokyo, des manifestants ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire «We'll not stop» («On ne s'arrêtera pas») et des photos de femmes brûlant leur voile ou se coupant les cheveux en Iran.
Pour la 15e nuit consécutive de manifestations, des Iraniens sont sortis vendredi soir dans la ville de Saqez, dans la province iranienne du Kurdistan, dont est originaire Mahsa Amini, selon des images diffusées par l'ONG Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo.
«Femmes, vie, liberté», a lancé un groupe d'hommes et de femmes au milieu d'une rue en tapant des mains, reprenant un des slogans phare du mouvement de contestation.
Des dizaines de morts
Depuis le début des manifestations, des ONG dénoncent la répression des forces de l'ordre ainsi qu'une vague d'arrestations. Selon l'agence de presse iranienne Fars, environ 60 personnes ont été tuées depuis le 16 septembre, tandis qu'Iran Human Rights a fait état d'au moins 83 morts.
Un bilan officiel a fait état de l'arrestation de plus de 1200 manifestants. Des militants, des avocats et des journalistes ont également été interpellés, d'après des ONG.
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A Téhéran, de nombreux policiers anti-émeute ont pris position samedi à différents carrefours de la capitale, selon des témoins, alors que des informations circulent sur des manifestations à l'université pour réclamer la libération d'étudiants.
Sur les réseaux sociaux, la chaîne 1500tasvir a partagé une vidéo montrant d'importantes manifestations dans des universités à Téhéran, à Mashhad (nord) et Kermanshah (nord-ouest).
Amnesty International a dénoncé une violence «impitoyable» à laquelle se livrent les forces de l'ordre contre le mouvement de contestation, notant le recours à des balles réelles et billes de plomb, des passages à tabac et des violences sexuelles à l'encontre des femmes.
Téhéran arrête des étrangers
Les autorités accusent, elles, les manifestants de semer le «chaos» et des forces à l'étranger, parmi lesquelles les Etats-Unis, leur ennemi juré, d'être derrière les rassemblements ou de les attiser.
Vendredi, elles ont annoncé l'arrestation de «neuf ressortissants d'Allemagne, de Pologne, d'Italie, de France, des Pays-Bas, de Suède, etc». Selon Téhéran, ils ont été interpellés «sur les lieux d'émeutes ou y ont été mêlés». Le Ministère néerlandais des affaires étrangères a indiqué samedi avoir demandé à Téhéran d'avoir accès à un ressortissant néerlandais arrêté.
A l'étranger, des médias d'opposition diffusent de leur côté des images des rassemblements, comme Iran International, une chaîne de télévision en persan basée à Londres, qui a posté vendredi plusieurs vidéos que l'AFP ne pouvait pas dans l'immédiat authentifier.
Commissariats attaqués
D'après l'une d'elle, des hommes ont essuyé des tirs alors qu'ils jetaient des pierres sur un commissariat à Zahedan, capitale de la province du Sistan-Baloutchistan (sud-est), frontalière du Pakistan et de l'Afghanistan et théâtre fréquent d'attentats ou d'accrochages entre forces de l'ordre et groupes armés.
Le chef de la police du Sistan-Baloutchistan a indiqué à la TV officielle que trois commissariats de la province avaient été attaqués, sans donner de bilan. L'agence de presse Tasnim a rapporté samedi que le groupe rebelle sunnite de Jaish al-Adl avait revendiqué l'attaque d'un commissariat.
Le gouverneur régional, Hossein Khiabani, a lui indiqué vendredi à la télévision d'Etat que 19 personnes, dont un colonel des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique iranienne, avaient été tuées dans des «incidents» dans cette même province. Les Gardiens ont fait état samedi de la mort d'un autre colonel dans des affrontements avec des «terroristes».
Il n'était pas clair dans l'immédiat si ces violences étaient liées aux manifestations. Celles-ci sont les plus importantes depuis celles de novembre 2019, provoquées par la hausse des prix de l'essence, qui avaient été sévèrement réprimées.
(ATS)