Épuisée par bientôt trois ans d'invasion russe, l'Ukraine attend avec anxiété la présidentielle américaine de mardi, certains craignant une «catastrophe» en cas de victoire de Donald Trump, tout en espérant que les Etats-Unis n'abandonneront pas leur allié à un moment critique. A quelques jours du scrutin, l'armée ukrainienne, en manque d'hommes et de munitions, recule sur le terrain, tandis que la Russie serait sur le point d'avoir le renfort de troupes nord-coréennes.
Les Occidentaux montrent de la frilosité s'agissant de leur aide à l'Ukraine, bloquant en particulier l'usage de leurs missiles en territoire russe. Et Donald Trump n'a donné aucun signe de vouloir donner à Kiev les moyens de vaincre la Russie. Dès lors, «une victoire de Trump créerait de graves risques. La situation sera inquiétante», résume auprès de l'AFP Oleg Chamchour, un ancien ambassadeur ukrainien aux Etats-Unis.
Trump peut régler la guerre en 24h
Washington et, sous son impulsion, les membres de l'Otan, ont fourni une aide militaire et financière cruciale de dizaines de milliards de dollars depuis le début de la guerre en 2022, permettant à Kiev de continuer à se battre contre un ennemi bien plus puissant. Mais depuis des mois, en Europe comme aux Etats-Unis, les tergiversations se multiplient.
En conséquence, la grande peur de l'Ukraine est de voir le milliardaire républicain la lâcher, d'autant qu'il a déjà critiqué l'assistance américaine et affirmé pouvoir régler la guerre «en 24 heures». Trump et son équipe «ne croient pas en la victoire de l'Ukraine» et veulent «mettre fin à tout prix» au conflit afin de pouvoir se concentrer sur une confrontation avec la Chine, estime Oleg Chamchour.
Favorable à la Russie
Donald Trump n'a jamais donné de détails sur ses intentions, mais il n'a jamais publiquement souhaité la «victoire» de Kiev. Et il est accusé d'avoir de l'admiration pour Vladimir Poutine.
Selon des médias occidentaux, son plan serait largement favorable à la Russie. Il s'agitait de démilitariser la zone actuellement occupée par Moscou (soit 20% du territoire ukrainien) sans que Kiev n'en reprenne le contrôle. Et l'Ukraine devra renoncer à rejoindre l'Otan, comme le veut le Kremlin. Pour Oleg Chamchour, un tel projet serait «catastrophique» car la Russie pourra alors rebâtir son armée et ré-attaquer ultérieurement pour «détruire l'Ukraine complètement».
Le président Volodymyr Zelensky a d'ores et déjà exclu toute concession territoriale. «L'Ukraine ne reconnaîtra pas ces territoires (ndlr: comme russes) quoi qu'il arrive, quel que soit le vainqueur aux États-Unis», a-t-il insisté. Mais il reconnait que si Washington réduit son soutien, Moscou pourra «occuper davantage» de territoires.
Un haut responsable de la présidence ukrainienne a néanmoins essayé de se montrer rassurant dans une conversation avec l'AFP, jugeant «très bonne» la rencontre Zelensky-Trump qui a eu lieu en septembre aux Etats-Unis. «Trump ne voudra sûrement pas être l'homme avec lequel l'Amérique aura perdu face à Poutine», a-t-il analysé, sous couvert d'anonymat, assurant que l'Ukraine «travaille» pour avoir de bonnes relations avec le vainqueur du scrutin, qu'il s'agisse de Kamala Harris ou de Donald Trump.
Trump, c'est «la catastrophe»
Les élections américaines interviennent à un moment critique pour Kiev. En octobre, l'armée russe a progressé de presque 500 km2 en Ukraine, gain territorial le plus important sur un mois depuis mars 2022 et les premières semaines du conflit.
Dans la région de Donetsk, où les deux-tiers de ces conquêtes ont été réalisés, un sergent ukrainien Serguiï, 51 ans, essaye de se montrer pragmatique. «Je m'en fous de qui va gagner. L'essentiel, c'est que les États-Unis continuent à nous aider», dit-il à l'AFP, tout en admettant qu'une victoire du républicain «pourrait être une catastrophe».
D'autant que l'Ukraine a déjà goûté aux réticences républicaines. Pendant des mois fin 2023 - début 2024, les partisans de Trump ont bloqué l'assistance militaire américaine, forçant les forces ukrainiennes à rationner les obus et permettant à la Russie de pousser son avantage.
Bogdan, jeune soldat combattant dans la même région, veut espérer que M. Trump «aura envie (...) de montrer une nouvelle fois la force et la résolution de l'Amérique» et que l'aide militaire américaine augmentera pour aider Kiev à vaincre la Russie, adversaire stratégique de Washington. Rodion, un autre militaire interrogé à Kharkiv, grande ville dans le nord-est, se veut aussi confiant: «Je sais qu'ils ne nous trahiront pas.» Le soldat jure lui de combattre quoiqu'il arrive «jusqu'à la fin, jusqu'à notre victoire».