Pas de deuxième débat
Trump a raison d'éviter un nouvel affrontement face à Harris

Le candidat républicain à la présidence des États-Unis n'a rien à gagner à retrouver son adversaire devant les caméras. Son registre est celui de la colère dans la rue, par de la pédagogie sur les écrans.
Publié: 13.09.2024 à 10:24 heures
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Dernière mise à jour: 13.09.2024 à 12:26 heures
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La vice-présidente Kamala Harris a prouvé lors du premier débat qu'elle maitrise bien les codes de la télévision
Photo: IMAGO/ZUMA Press Wire
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Richard WerlyJournaliste Blick
Photo: keystone-sda.ch

Donald Trump a toujours misé sur la colère des Américains. Une colère de la rue, des classes populaires et moyennes, relayée au sommet du pays par quelques milliardaires pressés de bousculer l’élite jugée pro-démocrate et beaucoup trop consensuelle et trop inféodée à l’État. La recette de Trump, en bref, c’est l’employé de base qui pactise avec Elon Musk, le magnat de Starlink, X et Tesla. Le premier veut plus de dollars dans sa poche à la fin du mois. Le second revendique la liberté d’expression envers et contre tout. Or ces deux camps ne sont pas le public type d’un débat télévisé présidentiel. Pas question donc de retourner affronter Kamala Harris devant les caméras, après leur premier duel télévisé dans la nuit du 10 au 11 septembre.

Beaucoup d’observateurs attribuent le refus de Donald Trump à sa défaite lors de ce premier débat. Selon eux, l’ex-locataire de la Maison-Blanche a raté sa prestation. Trop renfrogné. Incapable de soutenir le regard de son adversaire. Mis dans les cordes par celle-ci, bien plus empathique, y compris en ouvrant les bras vers le public qui n’était pas là, puisqu'aucun spectateur ne se trouvait dans la salle du «Constitution center» de Philadelphie, en Pennyslvanie, où ABC News avait posé ses caméras. Trump aurait donc été battu. Et refuser un second débat, c’est en fait refuser d’admettre sa défaite médiatique.

Kamala et le peuple

Faux. Si les sondages réalisés après l’émission montrent que Kamala Harris a su prendre l’avantage, rien ne prouve que ce débat a été décisif pour les 67 millions de téléspectateurs américains qui l’ont regardé. Au contraire. À l’issue du duel, chaque camp reste sur ses positions. Trump a fait du Trump et n’a surpris personne. Kamala Harris, elle, devait remporter ce test. Elle n’avait jamais fait de débat présidentiel. On la soupçonnait de ne pas être à la hauteur. Erreur. L’ancienne procureure générale de Californie s’est montrée claire, incisive, pédagogue et surtout sympathique. Elle a beaucoup parlé du peuple et de sa vie passée à le défendre. En clair: elle s’est imposé, sans pour autant faire trébucher l’ex-locataire de la Maison-Blanche.

Pas de K.O possible

Alors, pourquoi ne pas tenter l’exercice une seconde, voire une troisième fois? Donald Trump refuse rarement l’affrontement. Il pouvait espérer la mettre K.O en la déstabilisant. La réponse tient dans les règles du débat télévisé, dans la conduite de sa propre campagne, et dans la courbe des soutiens financiers aux deux candidats. Sur ces trois points, Trump n’avait rien à gagner à retourner sur le ring.

D’abord parce que sa force est d’être sur le terrain, de quadriller les sept états clés (l’Arizona, la Géorgie, le Michigan, le Nevada, la Caroline du Nord, la Pennsylvanie et le Wisconsin) qui décideront a priori du vote en raison de la désignation du président par les grands électeurs élus par chaque État, et non par le vote populaire national. Ensuite parce que l’impossibilité de débattre vraiment à la TV, et de porter tous les coups comme il aime le faire, ne convient pas à son tempérament éruptif. Enfin parce que plus Kamala Harris brille dans les médias, plus ses donateurs se mobilisent. L’équipe de campagne de la candidate démocrate a annoncé avoir récolté 361 millions de dollars en août, soit trois fois les dons collectés par Trump.

Journalistes contre lui

L’ancien président est par ailleurs convaincu que les journalistes sont majoritairement contre lui. Il a accusé ceux d’ABC News dès sa sortie du débat, leur reprochant d’avoir montré au préalable les questions à son adversaire, sans pouvoir le démonter. Son meilleur registre électoral est celui de l’assiégé: l’homme qu’on veut faire taire, celui qui dit contre tout le monde – et contre l’élire – la supposée vérité aux Américains. Les réseaux sociaux et les interviews sont dès lors un bien meilleur registre. Il n’est pas impossible que Trump accorde, par exemple, un deuxième entretien à Elon Musk pour son réseau social X après celui diffusé le 13 août.

Donald Trump n’a rien à gagner à une conversation sur tous les sujets. Il ne veut pas parler du droit à l’avortement, que sa politique a remis en question. Il ne veut pas trop parler d’Israël, qu’il a promis de défendre envers et contre tout, car une partie des classes laborieuses américaines ne sont pas sensibles à ce sujet. Il ne veut pas être confronté par Kamala Harris ou par les intervieweurs à la question raciale. Trump veut parler de l’économie, des migrants et de Joe Biden. Il veut pouvoir mettre en avant ses promesses de défense radicale des entreprises américaines, du pouvoir d’achat de ses concitoyens. Il veut pouvoir annoncer le renvoi des migrants illégaux par tous les moyens. Il veut continuer à pilonner Joe Biden, désormais sur le départ. Stratégiquement, il a raison.

Trump face à Trump

Kamala Harris profite de sa mutation médiatique car elle apparaît sous un autre jour. Trump doit rester Trump et faire du Trump. C’est sa meilleure carte. Le seul débat qui convient à Donald Trump serait peut-être un show où il serait, comme son adversaire, interrogé par des Américains. Ou mieux: un débat où Trump dialoguerait avec Trump.

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