Lors du débat télévisé avec la Démocrate Kamala Harris, le candidat républicain à la présidence Donald Trump a révélé mardi des informations qui sonnaient comme un mauvais film d'horreur. «A Springfield, les migrants mangent les chiens. Les gens qui sont venus ici mangent les chats. Ils mangent les animaux domestiques des gens qui vivent là-bas!»
Derrière cette information qui a rapidement été démentie se cache une théorie du complot incendiaire. Pour l'historienne américaine Kathleen Belew, cette stratégie est complétement réfléchie et n'a qu'un seul but: attiser la haine et la violence.
Un enfant mort et des migrants mangeurs de chats
Jusqu'en 2020, la petite ville idyllique de Springfield dans l'État américain de l'Ohio comptait environ 60'000 habitants. Selon «CBS News», la ville a entre-temps accueilli temporairement quelque 20'000 migrants en provenance d'Haïti.
Ainsi, la petite ville de Springfield – à l'échelle américaine – est devenue le point névralgique de la politique migratoire américaine. Cet été, Bryan Heck, le maire de la ville, a écrit une lettre à des parlementaires du Sénat américain. «Springfield, Ohio, est confrontée à une crise du logement importante.» Il faut un soutien pour faire face à la crise des réfugiés... tout de suite, poursuit l'homme. «Sinon, nous allons sombrer!»
Les citoyens semblent également avoir du mal à faire face à la nouvelle croissance de la population haïtienne. La forte augmentation démographique a fait grimper les temps d'attente chez les médecins ou dans d'autres services publics. De plus, comme beaucoup d'autres villes américaines, Springfield est confrontée à une pénurie de logements, la situation est encore plus précaire, et frustrante pour beaucoup.
L'ambiance est devenue encore plus tendue lorsqu'un accident s'est produit l'année dernière. En août 2023, un Haïtien titulaire d'un permis de conduire étranger a percuté un bus scolaire avec une camionnette, tuant un garçon de 11 ans. A la suite de cela, le sentiment anti-immigration a explosé sur place.
Dans un groupe Facebook, les habitants de Springfield expriment leur colère. Même avec des histoires curieuses qui n'ont rien à voir avec les véritables problèmes, comme l'infrastructure insuffisante et la triste mort d'un enfant. Une capture d'écran du groupe est devenue virale sur X il y a quelques jours. Une personne affirmait que le chat de la fille d'un ami avait été «pendu à une branche, comme on pend un chevreuil pour l'abattage. Et ils l'ont découpé pour le manger.» Cela se serait produit dans une maison où vivent des migrants haïtiens.
Trump, Musk et Vance jettent de l'huile sur le feu
L'histoire s'est répandue comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, à cause du vice-candidat républicain J. D. Vance ou du sénateur républicain Ted Cruz, mais surtout à cause de Donald Trump.
Mais le problème, c'est que tout cela ne s'est jamais produit! La police de Springfield a démenti les rumeurs dans un communiqué: «Il n'existe aucun rapport crédible selon lequel des animaux domestiques auraient été blessés ou maltraités par des personnes issues de la communauté immigrée.»
Néanmoins, des comptes de droite et conservateurs – dont le propriétaire de X Elon Musk – ont continué à répandre des rumeurs. Comme cette femme arrêtée pour avoir tué un chat, qui n'est ni haïtienne ni de Springfield. Un homme portant une oie morte, prétendument volée dans un parc public, n'est pas non plus haïtien ou de Springfield. Mais les fake news suffisent à la propagande. Et l'ancien (et peut-être futur) président américain Trump n'est pas en reste.
Trump a-t-il commis une erreur politique?
Kathleen Belew, une historienne américaine, a écrit mardi sur X que de telles campagnes de diabolisation sont une vieille tactique qui devrait être prise au sérieux. Les affirmations démasquées concernant les réfugiés haïtiens «ne sont pas que des absurdités, a averti l'experte. Les personnes qui diffusent cette rhétorique savent exactement ce qu'elles font: Attiser la haine. Et la violence s'ensuit. A chaque fois.»
Outre le fait que Donald Trump propage un dangereux mensonge devant un public international, la mention des migrants soi-disant consommateurs de chats était une erreur politique. Il a peut-être fait plaisir à ses partisans, mais de nombreux électeurs indécis pourraient trouver rebutant le fait que le républicain s'appuie (trop souvent) sur de fausses informations.
D'ailleurs, les immigrés semblent profiter à l'économie de Springfield, comme l'écrit «The Economist». Lorsque les immigrés haïtiens sont arrivés, ils ont occupé des emplois dans l'industrie manufacturière que les locaux n'avaient pas réussi à pourvoir. Cet article semble être une bonne étude de cas sur les compromis en matière de migration. Un débat qui oppose souvent les économistes, qui mettent en avant les avantages globaux à long terme, et les politiciens, qui soulignent les problèmes locaux à court terme.