Lundi, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, récusant les spéculations sur un retrait tactique, a ordonné d'envoyer des renforts dans cette ville pratiquement détruite, malgré les récentes avancées russes et la menace d'encerclement. Les Ukrainiens comptent résister pour user encore davantage les forces offensives russes en prévision d'une contre-offensive qu'ils lanceront avec les armements lourds et les blindés modernes promis par les Occidentaux.
Comme en écho, la Pologne a annoncé mardi qu'elle livrerait dès cette semaine dix de ses chars de combat Leopard 2 allemands, au maniement desquels des soldats ukrainiens ont été formés.
Importance symbolique et tactique
Bakhmout «est un nœud important (ndlr: des lignes) de défense des soldats ukrainiens dans le Donbass», a déclaré mardi le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou. «Sa prise permettra de mener de nouvelles opérations offensives en profondeur», a-t-il ajouté, lors d'une réunion avec des responsables militaires diffusée à la télévision.
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Experts et observateurs doutent de la valeur stratégique de Bakhmout, mais la ville a pris une importance symbolique et tactique, au fil des difficultés des Russes à s'en emparer en plus de sept mois de combats depuis août. Il s'agit de la bataille la plus longue et la plus meurtrière depuis le déclenchement de l'invasion russe, le 24 février 2022.
Moscou est à la recherche d'une victoire au moins symbolique depuis ses revers cinglants de l'automne. Le Kremlin espère que la chute de la ville pourra lui ouvrir le contrôle de la partie du Donbass qui lui échappe encore.
La ville, qui compte à peine 4000 habitants contre 70'000 avant l'invasion, a été largement ravagée. Après de récentes avancées, les Russes semblent contrôler les accès à la ville au Nord, au Sud et à l'Est, créant la menace d'un encerclement.
Wagner mène l'assaut et se frite avec le Kremlin
Les troupes du groupe paramilitaire Wagner mènent cette attaque au prix de pertes très importantes, de l'aveu même du patron de ce groupe de mercenaires, Evgueni Prigojine, qui se trouve dans la zone des combats.
Mais ce dernier est en conflit ouvert avec la hiérarchie militaire, qu'il accuse de ne pas livrer suffisamment de munitions à ses hommes engagés en première ligne à Bakhmout. Selon lui, les lignes russes s'effondreraient si ses hommes devaient se replier.
Prigojine s'est ainsi moqué mardi du ministre russe de la Défense, disant ne «pas l'avoir rencontré» sur le champ de bataille, alors que le Ministère de la Défense a affirmé samedi sans en dire plus que M. Choïgou s'était rendu dans la zone des combats. Dimanche, le ministre était à Marioupol, à plus d'une centaine de kilomètres du front.
Une exécution a créé un nouveau héros
Du côté ukrainien, la bataille a donné naissance à un nouveau héros, après la diffusion d'une vidéo semblant montrer l'exécution sommaire d'un soldat prisonnier des Russes, d'une rafale de kalachnikov après avoir lancé «Gloire à l'Ukraine!».
L'armée ukrainienne a identifié l'homme mardi comme étant «le militaire de la 30e brigade mécanisée Tymofiï Mykolaïovytch Chadoura», précisant qu'il avait été porté disparu aux abords de Bakhmout le 3 février. «La vengeance de notre héros sera inéluctable», a ajouté l'armée.
L'AFP n'a pas pu vérifier de manière indépendante l'origine des images ni si elles montrent, comme l'affirment les responsables ukrainiens, l'exécution d'un prisonnier, ce qui constituerait un crime de guerre. Cette vidéo est devenue virale lundi sur les réseaux sociaux, de très nombreuses publications, photos et dessins rendent hommage à ce soldat, son courage et son patriotisme.
Le président Zelensky a promis lundi de «trouver les assassins». Son chef de la diplomatie, Dmytro Kouleba, a réclamé une enquête de la Cour pénale internationale (CPI).
Antonio Guterres: 3e voyage à Kiev
Le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, était quant à lui attendu à Kiev pour son troisième voyage en Ukraine depuis le début de la guerre, notamment pour évoquer la prolongation de l'accord avec la Russie sur les exportations de céréales ukrainiennes, a indiqué dans un communiqué son porte-parole, Stéphane Dujarric.
En Russie, où la répression des critiques de l'invasion de l'Ukraine et du président Vladimir Poutine fait rage, un étudiant de 23 ans a été condamné à huit ans et demi de prison pour avoir publié sur Telegram des informations sur l'armée russe taxées de «fausses» par le pouvoir.
Enfin, la Biélorussie, alliée de Moscou, a affirmé mardi avoir arrêté une vingtaine de personnes suspectées d'avoir participé au sabotage d'un avion militaire russe le mois dernier sur un aérodrome près de Minsk.
(ATS)