Mourir aurait été le plus simple. Il aurait pu fermer les yeux et lâcher prise. La douleur, le froid, la soif: tout aurait fini par passer. Mais Dmytro Finashyn n'est pas mort. Cette victoire, le jeune homme de 28 ans ne voulait pas l'offrir aux Russes qui lui tiraient dessus. C'est ainsi qu'il raconte à Blick, dans la cafétéria du Pinchuk Art Centre, un musée d'art situé au cœur de Kiev, le jour où il a perdu son bras, mais sûrement pas la volonté de se battre.
Le 23 mai était une journée chaude. Sur les champs de bataille derrière la petite ville de Soledar, qui était alors encore sous contrôle ukrainien, la journée a été aussi meurtrière. Dmytro et ses camarades de l'armée ukrainienne ont été pris entre deux feux par les Russes. Alors qu'il était en train de traîner un ami blessé à travers un champ et se baissait sous les salves russes, le sniper a été touché à la main droite.
Sur la guerre en Ukraine
Une douleur insoutenable
«Mon index ne faisait que pendre. J'ai essayé de le couper, mais je n'ai pas pu.» Il montre sa main droite mutilée. Du côté gauche, il n'y a plus rien. Une balle reçue à Bakhmout, lui a valu une amputation totale du bras, à défaut de l'avoir tué. «Ça fait tellement mal que tu ne comprends même plus ce qui t'arrive», raconte le sniper. «Tu réalises juste que quelque chose ne va plus avec ton côté gauche.»
Gravement blessé, il a rampé à travers le champ de bataille. «J'ai remarqué que je perdais beaucoup de sang. Plusieurs fois, je me suis évanoui. Les hallucinations étaient une torture.» Des soi-disant sauveurs lui sont apparus à plusieurs reprises. Mais, alors qu'il rampait vers eux dans la boue froide, les illusions se volatilisaient. Sirotant de l'eau sale dans les flaques pour s'hydrater, il essayait de toujours rester en mouvement pour ne pas mourir de froid. Lorsque les intestins de son corps criblé de balles se sont manifestés, Dmytro a détaché sa ceinture et baissé son pantalon malgré une douleur vive. Hors de question de tacher l'uniforme ukrainien, quel qu'en soit le prix.
Des centaines de milliers de soldats morts – et aucune fin en vue
Le calvaire de Dmytro a duré deux jours, mais pour lui, abandonner n'était pas une option: «Vous pouvez avoir mon bras, mais pas mon pays», insiste-t-il. Il a été finalement sauvé par une équipe de recherche ukrainienne qui l'a emmené hors de la zone de danger.
Il est difficile de dire combien de personnes ont été blessées ou tuées sur les champs de bataille en Ukraine. Tant Moscou que Kiev refusent de publier des chiffres précis afin de préserver leurs tactiques de guerre. Selon les estimations américaines, près de 200'000 Russes ont été tués ou blessés en Ukraine. La semaine dernière, plus de 800 soldats russes seraient morts chaque jour rien qu'autour de Bakhmout. Du côté ukrainien, le nombre total de soldats tués ou blessés s'élèverait à 120'000. Et les perspectives sont plus que pessimistes. Rares sont ceux qui croient que la courbe de la mort va bientôt s'aplanir.
Même s'il a vécu l'horreur de la guerre dans sa propre chair, Dmytro Finashyn souffle simplement «c'est comme ça maintenant» en arborant un large sourire édenté. La barbe rousse est soigneusement taillée. L'uniforme a la manche gauche cousue et est parfaitement ajusté.
Avec Boris Johnson à Washington D.C.
Pour son engagement, le tireur d'élite a reçu du président Volodymyr Zelensky en personne la distinction de «Héros de l'Ukraine». Récemment, il s'est même rendu à Washington D.C. en tant qu'accompagnateur de l'ex-Premier ministre britannique Boris Johnson pour promouvoir son pays dans la capitale américaine. «Nous devons tout faire pour obtenir la victoire», insiste le sniper. «Nous avons déjà beaucoup trop donné pour juste baisser les armes maintenant». Il ne veut en aucun cas que sa femme et sa famille subissent ce qui arrive actuellement aux habitants de l'est de l'Ukraine.
Il lance également un message au reste de l'Europe: «N'oubliez pas ce qui se passe actuellement en Ukraine. Les Russes n'ont aucun respect pour la vie. Ils laissent leurs blessés sur place. Si l'un de leurs chars saute sur une mine et explose, les autres chars se contentent de le contourner et de continuer tout droit. J'ai vu cela de mes propres yeux. De telles personnes ne s'arrêteront devant rien. Nous devons les arrêter!»
Pour lui, la volonté de se battre reste intacte. «Dès que je recevrai ma prothèse spéciale en mars en Pologne, je veux me présenter à nouveau à la sélection», dit-il. Seule sa femme n'est pas très enthousiaste à cette idée. «C'est mon travail», argumente néanmoins Dmytro. «Nous devons tous faire des sacrifices pour la victoire».