Une demi-heure avant le début, les premiers rangs de l'église de Zurich sont déjà pleins. Lorsque la musique de l'orchestre ukrainien commence, il n'y a plus un banc vide. Le pasteur Christoph Sigrist avait lancé l'invitation pour participer à une manifestation commémorative, à l'occasion de l'anniversaire de l'invasion russe en Ukraine.
Ce n'est pas la première manifestation de ce genre dans l'ancien lieu d'activité d'Ulrich Zwingli, réformateur protestant de la fin du 15e siècle. Mais cette fois-ci, des termes tels que «neutralité» et «Léopard 2» ont résonné dans la nef.
Car vendredi, la politique et la société civile ont aussi eu leur mot à dire dans l'église du Grossmünster. Corine Mauch (PS) a demandé la création d'un tribunal international spécial chargé de demander des comptes aux responsables politiques et militaires. La maire de Zurich s'est également opposée à une interprétation dogmatique de la neutralité.
Et des représentantes de la société civile, organisées par l'association StandUp4Democracy, ont parlé de destins d'enfants, de solidarité et de traumatismes, mais aussi de livraisons d'armes et d'argent des oligarques.
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«Nous condamnons lorsque des armes sont bénies»
Le pasteur Sigrist s'est exprimé clairement: «Nous condamnons lorsque des armes sont bénies. Nous trouvons abominable que les mères et les pères des soldats qui tombent à la guerre soient humiliés par les saintes indulgences. Dieu est traîné dans la boue.»
Christoph Sigrist s'adressait ainsi en référence au patriarche orthodoxe russe Kirill Ier, un proche allié de Vladimir Poutine. «Tant que cette propagande théologique radicale sera invoquée, tout dialogue avec de telles forces ne sera qu'une illusion», a-t-il ajouté.
«Vous devriez voir les e-mails que je reçois après de telles manifestations», a déclaré le pasteur à Blick avant la cérémonie commémorative.
Le respect des droits humains comme principale mission
Le père de la Réforme suisse, Ulrich Zwingli, en était convaincu: la justice divine doit se refléter dans les droits humains. Et la mission principale des chrétiens est précisément de promouvoir et protéger les droits humains. Christoph Sigrist s'inspire des traces de son prédécesseur, qui prêchait au même endroit il y a 500 ans: «Quand on vient dans le Grossmünster, on ne peut pas se comporter autrement que de manière solidaire et aider son prochain. Ce christianisme doit également être porté dans la société en tant que déclaration politique, en même temps que la politique.»
Le président russe et Kirill Ier iront-ils donc en enfer s'ils traînent Dieu dans la boue, comme le déplore le pasteur Sigrist? «Ce n'est jamais l'affaire de l'homme de savoir si quelqu'un va en enfer ou au paradis. Au vu de l'enfer que doivent vivre les gens en Ukraine, mon seul espoir est que Kirill et Poutine répondent de leurs actes devant les tribunaux séculiers.»
Comment Dieu peut-il permettre une souffrance aussi violente, c'est la question que se pose la théologie depuis des millénaires. Christoph Sigrist n'a pas de réponse définitive. Mais il réplique: «On ne peut pas mettre sur le dos du bon Dieu tout ce qui relève de notre responsabilité.»
Ainsi, le discours du pasteur s'est terminé par ces mots: «Pour l'amour de Dieu, faisons ce qui est courageux: aidons, espérons et agissons contre l'oubli, pour le souvenir, pour la paix!» Un message qui a trouvé un écho: les applaudissements - suffisamment inhabituels dans un lieu de culte - ont été particulièrement intenses après les déclarations du pasteur.