La Chine a vu ses exportations bondir de 12,4% en mars sur un an, traduisant l'empressement des entreprises à conclure des échanges avant l'entrée en vigueur des droits de douane astronomiques de Washington sur les produits chinois.
Ces chiffres, près de trois fois plus élevés que les prévisions (4,6%), interviennent sur fond d'escalade des tensions commerciales entre Pékin et Washington, qui impose désormais des surtaxes de 145% sur les produits chinois.
Anticipation
Anticipant ces tarifs douaniers, les exportateurs chinois ont expédié 40,1 milliards de dollars de biens vers les Etats-Unis le mois dernier, soit une hausse d'environ 9% par rapport à mars 2024, selon les chiffres des Douanes chinoises. «Les fabricants se sont précipités pour expédier des marchandises vers les Etats-Unis», a noté Julian Evans-Pritchard, analyste de l'économie chinoise chez Capital Economics.
Mais «les expéditions devraient diminuer au cours des mois et des trimestres à venir», a-t-il prévenu. Au total, les exportations chinoises ont atteint 313 milliards de dollars en mars, d'après les statistiques des Douanes chinoises.
En conséquence, la Chine a enregistré le plus important excédent commercial trimestriel de son histoire au premier trimestre 2025, selon les calculs de Capital Economics. Les importations chinoises ont, dans le même temps, chuté de 4,3% en mars sur un an, signe d'une consommation interne toujours morose.
La deuxième économie mondiale est confrontée à une crise persistante de l'immobilier et à une confiance en berne des ménages, qui pèsent sur la consommation.
Ces difficultés internes étaient jusqu'alors compensées par des exportations vigoureuses, avec un excédent commercial record enregistré en 2024. Mais ce pilier de la croissance chinoise est désormais menacé par les surtaxes de Washington.
L'administration Trump a certes donné des signes de relâchement vendredi, en accordant des exemptions pour les smartphones, les ordinateurs portables ou encore les semi-conducteurs, dont la Chine est un producteur majeur. Le gouvernement chinois, qui avait répliqué en imposant 125% de taxes douanières aux produits américains, a de son côté indiqué qu'il ne réagirait plus à toute nouvelle surtaxe annoncée par le président Trump.
Un défi pour les années à venir
Malgré tout, «cela pourrait prendre des années avant que les exportations chinoises ne retrouvent leurs niveaux actuels», a estimé Julian Evans-Pritchard. «On observe déjà des signes de réacheminement des expéditions via des pays tiers - les exportations vers le Vietnam et la Thaïlande se sont nettement accélérées le mois dernier», a-t-il relevé.
Face à ces défis externes, l'Etat-parti chinois espère faire de la consommation interne un des nouveaux moteurs de la croissance du pays. Les dirigeants chinois avaient annoncé l'an dernier une série de mesures de relance de l'économie, notamment une baisse des taux d'intérêt et une augmentation du plafond de la dette des administrations locales.
«Après un début d'année lent, la demande intérieure a commencé à se redresser récemment, grâce à une nouvelle intensification du soutien budgétaire», a souligné Julian Evans-Pritchard. Mais l'excédent commercial chinois continuera de constituer «une source de tensions continues avec de nombreux partenaires commerciaux de la Chine», a-t-il relevé.
Ces turbulences menacent l'objectif de croissance d'environ 5% fixé par les dirigeants chinois pour l'année 2025. «A court terme, j'anticipe un chaos dans les chaînes d'approvisionnement», avertit Zhiwei Zhang, économiste chez Pinpoint Asset Management.
Dans ce contexte, «il faudra un miracle pour atteindre» cet objectif, a commenté pour l'AFP Sarah Tan, économiste chez Moody's Analytics.