«L'approche actuelle de Trump relève de l'amateurisme»
Le coup de poker commercial de Trump montre déjà ses premières limites

Donald Trump est prêt à tout pour combler le déficit de la balance commerciale américaine. Il l'a montré en lançant une guerre commerciale de grande ampleur. Mais quelle est la gravité de ce déficit de 900 milliards pour les Etats-Unis?
Publié: 13.04.2025 à 19:01 heures
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Avec ses droits de douane, Donald Trump veut combler le déficit de la balance commerciale des Etats-Unis.
Photo: KEYSTONE
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Martin Schmidt

Donald Trump a pris en otage le monde entier avec sa guerre commerciale. Mais son imprévisibilité s'est déjà retournée contre lui. En l'espace de quelques jours, les rendements des obligations d'Etat américaines ont nettement augmenté. «Ce sont les premiers signes que les obligations ne sont plus aussi recherchées par les investisseurs, ce qui renchérit la dette américaine», explique Fredy Hasenmaile, économiste en chef de Raiffeisen. Et c'est exactement le résultat que Trump voulait éviter.

Des rumeurs persistantes laissent entendre que des pays comme le Japon et la Chine ont vendu en masse des obligations d'Etat américaines et ont ainsi mis Trump à genoux. Ce dernier a lui-même reconnu que l'évolution des obligations d'Etat l'avait influencé à mettre en pause l'augmentation des taxes douanières mercredi.

Le président américain a pourtant bien identifié les problèmes de son pays: le dollar fort affaiblit l'économie d'exportation du pays et favorise la délocalisation des usines à l'étranger. La montagne de dettes des Etats-Unis doit être réduite car le déficit de la balance commerciale, qui existe depuis des décennies, est préoccupant pour la population américaine.

Le déficit n'est pas viable «à long terme».

L'année dernière, le déficit de la balance commerciale a atteint près de 920 milliards de dollars. Cela signifie que le nombre de biens importés aux Etats-Unis est largement supérieur à celui des biens exportés à l'étranger.

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Un déficit de la balance commerciale n'est pas aussi grave qu'on le dit
Fredy Hasenmaile, économiste en chef de Raiffeisen
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«Un déficit de la balance commerciale n'est pas aussi grave qu'on le dit. Mais c'est une situation qui n'est ni durable ni soutenable à long terme. L'endettement ne peut pas continuer à augmenter, explique Fredy Hasenmaile. Il est bien sûr important d'agir, mais cela n'est pas aussi urgent que le laisse supposer la politique étrangère de Trump. Comparé au produit intérieur brut des Etats-Unis de 28'000 milliards de dollars, le déficit du commerce extérieur est gérable».

Généralement, une balance commerciale négative s'équilibre d'elle-même à moyen terme. A force d'importer, les Etats-Unis envoient beaucoup de dollars à l'étranger. L'offre devient excédentaire et le dollar perd donc de la valeur. Les importations deviennent ainsi plus chères et les entreprises américaines peuvent exporter à moindre coût à l'étranger. La place économique gagne en compétitivité, attire de nouvelles entreprises et les exportations augmentent encore. Sauf que c'est exactement ça qui ne fonctionne pas aux Etats-Unis.

Le cas particulier du dollar

«Avec le dollar comme monnaie mondiale, les Etats-Unis sont un cas particulier. La majeure partie du commerce mondial se fait dans la monnaie américaine et les obligations d'Etat américaines sont considérées comme sûres», explique Fredy Hasenmaile. Ainsi, beaucoup d'argent afflue vers les États-Unis et la demande de dollars est toujours importante.

«Trump a donc raison, le dollar est surévalué», poursuit l'expert. C'est en principe un inconvénient pour l'attractivité économique du pays. Celui-ci est encore aggravé par le fait que l'UE impose par exemple des droits de douane plus élevés sur les voitures américaines que l'inverse ou que la Chine soutient excessivement sa propre économie par des subventions.

Mais le dollar fort avantage aussi les Etats-Unis: «Grâce aux nombreux capitaux qui affluent dans le pays, les crédits sont bon marché», assure Fredy Hasenmaile. Ainsi, les ménages privés et l'Etat profitent de taux d'intérêt bas. Mais l'argent bon marché incite à dépenser davantage. «Les Etats-Unis vivent au-dessus de leurs moyens. Et avec le déficit élevé du budget de l'Etat, on comprend d'où vient la forte croissance de l'économie américaine de ces dernières années», poursuit l'expert de la Raiffeisen

Ce déficit budgétaire entraîne une augmentation constante de l'endettement, qui dépasse aujourd'hui les 36'000 milliards de dollars américains. «Cela se fait au détriment de l'avenir des Etats-Unis», explique Fredy Hasenmaile. L'année dernière, les USA ont dû payer environ 1000 milliards d'intérêts pour cette montagne de dettes – et la tendance est à la hausse. Cela représente près de 15% du budget de l'Etat et dépasse même les dépenses militaires. De l'argent qui manque pour d'autres tâches importantes.

«Trump aggrave les dégâts de jour en jour»

Les dépenses publiques doivent être réduites avec l'équipe du DOGE, dirigée par le milliardaire Elon Musk. Mais Trump prévoit en même temps d'importantes réductions d'impôts sur les salaires et pour les entreprises, qu'il veut financer en contrepartie par les recettes douanières.

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L'approche actuelle de Trump relève de l'amateurisme et de l'approximation. Il aggrave les dégâts de jour en jour
Fredy Hasenmaile, économiste en chef de Raiffeisen
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Mercredi, il a suspendu pour 90 jours l'augmentation des taxes douanières contre 75 partenaires commerciaux et a introduit un droit de douane de base de 10% pour pratiquement tout le monde. Les recettes liées aux droits de douane ne devraient même pas pouvoir couvrir les baisses d'impôts et encore moins réduire le déficit budgétaire américain.

«L'approche actuelle de Trump relève de l'amateurisme et de l'approximation. Il aggrave les dégâts de jour en jour, prouvant qu'il n'y a aucun plan bien pensé derrière tout cela», conclut Fredy Hasenmaile.

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