Le clash entre les Etats-Unis et la Chine
L'escalade douanière pourrait-elle déboucher sur une véritable guerre pour Taïwan?

Les deux plus grandes économies mondiales se rendent coup pour coup. Droits de douane en hausse, tensions militaires croissantes: la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine s’intensifie. Dirigeons-nous vers une guerre ouverte pour Taïwan?
Publié: 12.04.2025 à 17:13 heures
Les deux parties sont irréconciliables dans le conflit douanier.
Photo: AFP
Les deux parties sont irréconciliables dans le conflit douanier.
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Daniel Jung

Les signes d'une escalade sont clairs. Depuis une semaine, la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis s’intensifie. Les échanges de coups de poing douaniers ont enflammé les esprits, et le ton adopté par Pékin est sans équivoque: les Etats-Unis sont des «maîtres chanteurs». La Chine se dit prête «à toutes les formes de guerre». Et, si nécessaire, elle ira «jusqu'au bout».

Dans la même veine, le ministre américain de la Défense Pete Hegseth a réagi aux menaces chinoises: «Eh bien, les Etats-Unis sont prêts à une guerre avec la Chine. Ceux qui aspirent à la paix doivent se préparer à la guerre.» En toile de fond: Taïwan, qualifiée autrefois par «The Economist» d’«endroit le plus dangereux du monde». La guerre commerciale pourrait-elle glisser vers un véritable conflit armé?

Trump aime Xi Jinping

Au début de son second mandat, Trump semblait vouloir apaiser les tensions avec Pékin. À plusieurs reprises, il a exprimé une reconnaissance personnelle envers Xi Jinping, évoquant même une rencontre possible entre les deux dirigeants.

En février, Trump avait proposé que les Etats-Unis, la Russie et la Chine entament des discussions sur le désarmement nucléaire, afin de réduire leurs dépenses militaires. Pendant un temps, le président américain affichait une volonté d’apaisement. Mais cette dynamique semble aujourd’hui révolue.

«Se battre jusqu'au bout»

Trump a lancé ses premières mesures douanières contre la Chine le 1er février, avant de les renforcer un mois plus tard. L’ambassade de Chine à Washington a tweeté, le 4 mars: «Si les Etats-Unis veulent la guerre, que ce soit une guerre douanière, une guerre commerciale ou tout autre type de guerre, nous sommes prêts à nous battre jusqu'au bout.»

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La semaine dernière, Pékin a organisé de vastes manœuvres militaires impliquant l’armée et les garde-côtes autour de Taïwan. Des dizaines d’avions et de navires ont été déployés, parfois dans la zone de défense aérienne taïwanaise. L’armée chinoise a affirmé que ses forces s’entraînaient pour «la prise de contrôle globale, les attaques contre des cibles maritimes et terrestres et les opérations de blocus».

«Ces exercices ne sont pas des démonstrations de force, ce sont des séances d'entraînement», a récemment écrit l’expert chinois Michael Sobolik dans le «Wall Street Journal». Selon lui, la Chine applique une «stratégie Anaconda» visant à étouffer lentement Taïwan, en isolant l’île du trafic maritime et aérien.

Attention à Taïwan

Fin mars, «The Washington Post» a révélé un guide secret du Pentagone dans lequel Pete Hegseth identifie la Chine comme la menace la plus urgente pour son ministère. L’empêchement d’une occupation chinoise de Taïwan y est présenté comme le scénario de danger majeur.

Avec 23 millions d’habitants, Taïwan assure plus de la moitié de la production mondiale de semi-conducteurs, notamment via l’entreprise TSMC, leader dans la fabrication des puces les plus avancées. L’île est donc un maillon essentiel de l’économie mondiale.

D’après ce document, la présence militaire américaine dans la région doit être renforcée par des sous-marins, des bombardiers, des navires sans pilote et des forces spéciales. Le plan prévoit également une amélioration de la défense des sites américains dans l’Indo-Pacifique, le renforcement des stocks et de la logistique. En parallèle, les Etats-Unis souhaitent faire pression sur Taipei pour qu’elle «augmente considérablement» son budget militaire.

Taïwan cherche la faveur de Trump

Le conflit commercial alimente indirectement les tensions autour de Taïwan, en minant encore davantage la confiance entre Washington et Pékin et en exacerbant leur rivalité géopolitique. Mais cela augmente-t-il vraiment le risque d’une guerre?

«Je ne pense pas que nous devrions conclure immédiatement que les droits de douane augmentent le danger pour Taïwan», nuance Simona A. Grano, experte de la Chine à l’Université de Zurich. Selon elle, la réalité est peut-être inverse: une Chine en récession, en quête de débouchés pour ses excédents, aurait peu d’intérêt à ouvrir un second front militaire.

Taïwan, de son côté, prend les tensions très au sérieux. L’île tente de gagner la bienveillance de Trump: l’industrie taïwanaise des semi-conducteurs investit massivement aux Etats-Unis. «Et Taïwan achète également davantage d'armes de défense à l'administration Trump et a adopté le 13 mars de nouvelles réglementations visant à réduire l'influence chinoise sur la société et la politique de Taïwan», souligne Simona A. Grano.

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